ORTHOPÉDIE
Analyse d’article
Auteur(s) : Mélanie Olive
Fonctions : CHV Atlantia
22, rue René Viviani
44200 Nantes
La rupture du ligament croisé antérieur est fréquente dans l’espèce canine. L’avulsion de ce ligament est souvent rapportée chez le jeune. En raison du risque accru de complications et de traumatismes iatrogènes au niveau de la plaque de croissance du tibia proximal, les ostéotomies tibiales peuvent être inappropriées chez les chiens immatures. L’épiphysiodèse du tibia proximal est décrite comme une technique de nivellement du plateau tibial dans le traitement de la rupture du ligament croisé antérieur chez le chien en croissance [2, 4, 6].
Chez les animaux dont le squelette est immature, comme les jeunes chiens, l’attache du ligament à l’os via les fibres de Sharpey est susceptible d’être plus faible que chez l’adulte.
Lorsqu’une surcharge aiguë se produit sur le ligament, lors d’une chute d’une certaine hauteur notamment, elle peut se traduire par une avulsion du ligament associé à un petit morceau d’os issu du tibia ou du fémur [3].
Le chien est alors présenté en consultation pour une boiterie du membre pelvien affecté. Un examen clinique et orthopédique doit être réalisé de manière classique.
Le diagnostic de rupture partielle du ligament croisé antérieur repose sur des signes du tiroir direct (test de stabilité cranio-caudale du grasset) et indirect (test de compression tibiale), légèrement positifs lorsque le grasset est en flexion modérée et négatifs quand l’articulation est en extension. Le diagnostic de rupture complète est établi lorsque les deux signes du tiroir sont positifs, avec le grasset en extension.
Le diagnostic d’une déchirure partielle ou complète est également fondé sur des radiographies mettant en évidence un épanchement articulaire et un déplacement cranial du tibia. Le diagnostic d’avulsion du ligament croisé antérieur est confirmé par l’identification d’un éclat osseux dans l’espace articulaire et d’un défaut de radiotransparence au niveau de son insertion. Cette lésion peut ressembler davantage à une fracture par avulsion qu’à une atteinte du ligament lui-même. Aussi, elle peut être traitée par une réparation primaire qui consiste à fixer le fragment avulsé à l’os dont il provient. La seconde méthode revient à pratiquer une épiphysiodèse du tibia proximal [1, 4, 6].
Le principe de cette épiphysiodèse repose sur le fait que la fusion de l’épiphyse proximale du tibia interrompt sa croissance de façon centrale, tandis que la partie caudale du plateau tibial continue de croître. L’intervention doit être effectuée avant la fermeture antérieure de l’épiphyse du tibia proximal, afin de permettre une modification significative de l’angle du plateau tibial [1, 4].
Une incision cutanée est réalisée médialement ou latéralement au ligament patellaire, entre la rotule et la tubérosité tibiale. Le fascia et la capsule articulaire sont incisés de façon à permettre la mise en place d’un écarteur Gelpi et d’inspecter le ligament croisé antérieur. Le ligament patellaire est rétracté médialement ou latéralement afin de pratiquer l’insertion centrale d’une broche de Kirschner dans l’axe cranio-caudal, à partir de l’insertion du ligament croisé antérieur. Idéalement, le positionnement de la broche est contrôlé en phase peropératoire par fluoroscopie ou via la réalisation de radiographies. Après un surforage, la broche de Kirschner est remplacée par une vis. Ensuite, les différents plans sont fermés classiquement. Des radiographies postopératoires permettent de vérifier le bon positionnement de la vis et de mesurer l’angle du plateau tibial (photos).
L’angle du plateau tibial est évalué d’après un cliché radiographique jusqu’à la fin de la croissance de l’animal. Dans une série de cas d’épiphysiodèse, Vezzoni et ses collaborateurs ont observé une démarche améliorée ou normale dans 81 % des cas (18 parmi 22 articulations traitées). La réduction de l’angle du plateau tibial est évaluée sur une radiographie selon une vue médio-latérale. Dans cette série, elle s’échelonne de 4 à 24°. La différence entre les angles finaux obtenus semble être dépendante de l’âge de la prise en charge chirurgicale et de la race du chien. Plus l’intervention est précoce, plus la correction est élevée. Chez le labrador, le potentiel de croissance de l’épiphyse du tibia proximal est plus important entre le 4e et le 5e mois, puis il diminue jusqu’au 13e mois. Sa croissance est plus faible à partir du 10e mois [3, 5]. Le traitement de ces chiens doit donc intervenir le plus tôt possible afin d’obtenir une correction suffisante. En raison de la variabilité du taux de croissance entre les individus, le suivi radiographique des changements du plateau tibial est opportun jusqu’à la preuve radiographique de la fermeture de l’épiphyse. En dehors des complications habituelles de la chirurgie orthopédique, une déformation du tibia en valgus peut être observée. Dans l’étude présentée, les auteurs rapportent 3 cas parmi 22 de déformation en valgus à la suite de l’insertion excentrique et/ou de l’angle de la vis, ce qui souligne l’importance du bon positionnement de cette dernière. Par ailleurs, l’épiphysiodèse du tibial proximal n’est pas toujours suffisante pour traiter la rupture du ligament croisé antérieur chez les jeunes chiens [7]. Dans l’étude de Vezzoni, deux d’entre eux ont subi une stabilisation supplémentaire deux ans plus tard.
L’avulsion du ligament croisé antérieur est fréquente chez le jeune chien. La prise en charge chirurgicale par épiphysiodèse du tibia proximal doit avoir lieu précocement, avant le 5e mois idéalement, afin de garantir une modification de l’angle du plateau tibial suffisante. Les résultats cliniques sont bons mais, dans certains cas, une stabilisation supplémentaire peut se révéler nécessaire.
Aucun.
OBJECTIF
Évaluer la faisabilité d’une épiphysiodèse proximale du tibia afin de diminuer la pente du plateau tibial chez de jeunes chiens souffrant d’une atteinte du ligament croisé cranial antérieur.
MÉTHODE
Étude menée, entre 1999 et 2005, chez 14 chiots âgés de 4 à 8 mois présentés pour une rupture partielle ou complète du ligament croisé cranial antérieur et traités par une épiphysiodèse du tibia proximal. Les informations collectées comprennent l’historique de l’animal, les résultats des examens clinique et orthopédique, et les données radiographiques avec la mesure de l’angle du plateau tibial. L’insertion de la vis est réalisée dans la partie la plus proximale du plateau tibial, selon l’axe cranio-caudal de l’insertion du ligament croisé cranial.
RÉSULTATS
• Une diminution de la pente tibiale est constatée chez tous les chiens traités.
• L’angle final de la pente tibiale varie selon la race du chien et son âge lors de la prise en charge chirurgicale.
• L’angle du plateau tibial obtenu s’échelonne de 4 à 24°.
• Une différence significative est notée entre la mesure de la pente tibiale en phase préopératoire et celle calculée lors du dernier contrôle.
• Chez ces 14 chiens présentant des lésions du ligament croisé cranial, la fusion partielle du tibia proximal a permis de diminuer la pente tibiale au cours de la période de croissance résiduelle jusqu’à obtenir la stabilisation de l’articulation. Cette dernière est possible lorsque l’intervention est réalisée au bon moment, c’est-à-dire en présence d’un potentiel de croissance résiduel.
• L’épiphysiodèse du tibia proximal est une technique mini-invasive dont les complications, liées à l’alignement, peuvent être évitées par une insertion correcte et précise de la vis chirurgicale.