DERMATOLOGIE
Analyse d’article
Auteur(s) : Charline Pressanti
Fonctions : Service de dermatologie
INP-ENVT
23, chemin des Capelles
31000 Toulouse
Les pyodermites interdigitées sont fréquentes chez le chien. En complément du traitement des causes favorisantes, celui des surinfections et de la gestion de l’inflammation sont essentiels. Selon des travaux préliminaires récents, qui affichent des résultats probants, la biomodulation par fluorescence permettrait de moduler cette réaction inflammatoire dans la prise en charge des pyodermites superficielles et profondes.
Les pyodermites interdigitées constituent un véritable challenge pour le vétérinaire, souvent frustré face à ces affections pour lesquelles il est difficile de trouver un traitement adapté, efficace et durable [1, 2]. Appelées furonculoses podales, pododermatites ou kystes interdigités, ces entités sont complexes et multifactorielles. Les tissus touchés sont les espaces interdigitaux, les coussinets et leur contour, mais aussi le pourtour des griffes. Une affection primitive génère un contexte inflammatoire et irritant localisé dans la région podale. Le plus souvent, il s’agit d’une dermatite atopique. Néanmoins, la présence d’une éventuelle parasitose comme la démodécie ou d’un corps étranger doit être recherchée. En outre, la conformation de l’animal (surpoids, défauts d’aplomb) joue un rôle majeur, à la fois dans la genèse et dans le maintien et la rechute de l’inflammation. Cette dysrégulation provoque des lésions de folliculite et de furonculose qui se surinfectent (staphylocoques majoritairement). L’infection majore l’inflammation et la douleur ressentie. Puis la furonculose provoque la libération du contenu folliculaire qui, émis dans le tissu adjacent, renforce la réaction inflammatoire. Dans les cas sévères, des fistules peuvent s’installer. Une antibiothérapie systémique est indiquée, fondée sur les résultats d’une bactériologie couplée à un antibiogramme. Elle est souvent prolongée et peut durer de huit à dix semaines. Malgré cela, si les causes primitives et les réactions de type corps étranger ne sont pas contrôlées, la rechute est rapide. Les épisodes répétés sont à l’origine de la mise en place de cicatrices qui contribuent à la fragilisation du site et à l’absence de contrôle de l’affection.
Dans certains cas, l’utilisation du laser ou de techniques chirurgicales plus conventionnelles peuvent aider à éliminer les kystes formés, ainsi qu’une partie des tissus cicatriciels. Les anti-inflammatoires tels que les corticoïdes ou les inhibiteurs des calcineurines peuvent également aider.
En médecine humaine, la biomodulation par fluorescence présente un intérêt pour la cicatrisation des plaies, ainsi que dans de nombreuses affections cutanées [3]. Des résultats plus mitigés sont publiés chez le chien dans le cadre de la prise en charge des lésions cutanées et podales [4, 7].
Cette technique consiste en l’émission d’une lumière LED bleue appliquée sur la zone cutanée à traiter préalablement enduite d’un gel. Lorsqu’il est éclairé, ce gel émet une lumière de faible énergie responsable de la fluorescence observée [5]. Des études in vitro et in vivo montrent un effet de ce dispositif (lampe et gel) sur les réponses inflammatoires : il agit sur certaines cytokines telles que l’interleukine 6 (IL-6), le tumor necrosis factor alpha (TNF-α), le transforming growth factor bêta (TGF-β), le fibroblast growth factor (FGF), le platelet growth factor (PDGF) ou encore le vascular endothelial growth factor (VEGF). La méthode a été développée pour le traitement des pyodermites superficielles et profondes chez le chien. Les données collectées sont encourageantes avec, notamment, l’absence d’effets secondaires et une bonne tolérance du protocole.
Aucun score lésionnel permettant de grader l’évolution d’une pyodermite profonde n’est établi dans la littérature. Aussi, les auteurs ont choisi d’évaluer des lésions classiques (pustules, furoncles, bulles, pustules hémorragiques, papules, croûtes foncées, érosions et ulcères). Le prurit n’a pas été sélectionné comme critère clinique, ce qui aurait pourtant été judicieux. Le premier jour, aucune différence significative n’est signalée entre les deux groupes sur le plan lésionnel. Ainsi, les différences cliniques observées durant l’étude peuvent être imputables au traitement choisi.
Outre les critères cliniques, l’utilisation de la cytologie a permis de suivre l’évolution des lésions cutanées par l’observation des granulocytes neutrophiles et des images de phagocytose de bactéries. Ces dernières ont rapidement diminué, voire disparu, dans le groupe recevant le traitement combiné. Cette observation suggère que le dispositif aurait un effet positif sur l’infection. Le mécanisme exact demeure encore incompris, car les effets directs in vitro de la lumière LED sur des bactéries telles que Staphylococcus pseudintermedius (sensible ou résistant à la méticilline) n’ont pas été démontrés [6]. En médecine humaine, la capacité du système à accélérer la cicatrisation et à contrôler l’inflammation lors de dermatoses infectées et non infectées est démontrée. Le contrôle de l’inflammation et la régulation de l’expression de certaines cytokines (notamment TNF-α, IL-6 produites par les fibroblastes et les kératinocytes en cas de lésions chroniques) sont probablement à l’origine de l’amélioration constatée ici. De plus, la photobiomodulation stimule la synthèse du collagène.
Ce nouveau dispositif, prescrit en association avec des antibiotiques systémiques, semble prometteur pour la prise en charge des pyodermites digitées canines. Dans un contexte de gestion et de guérison complexe de ces affections, couplé à l’obligation de l’usage raisonné des antibiotiques, la photobiomodulation apparaît intéressante. Des études complémentaires sont nécessaires pour étayer ces résultats.
Aucun.
OBJECTIFS
Évaluer l’efficacité de la biomodulation par fluorescence couplée à un traitement antibiotique par voie systémique lors de pyodermites podales. Comparer les résultats obtenus avec un traitement uniquement fondé sur la prescription d’antibiotiques.
MÉTHODE
Étude prospective, randomisée, contrôlée et en simple aveugle menée chez 36 chiens souffrant de furonculose podale. Le diagnostic de pyodermite repose sur des critères cliniques et cytologiques. Un examen bactériologique couplé à un antibiogramme permet l’identification du germe en cause et la prescription d’un traitement adapté. Deux groupes sont constitués afin de comparer les résultats entre un traitement antibiotique seul (groupe A) versus ce dernier associé à des séances de biomodulation par fluorescence deux fois par semaine (groupe B). Le suivi des chiens, fondé sur l’évaluation des paramètres cliniques et cytologiques, s’étend sur douze semaines.
RÉSULTATS
• L’utilisation de la biomodulation par fluorescence combinée à un traitement antibiotique systémique permet une résolution plus rapide des lésions par rapport à l’antibiothérapie seule.
• Une différence significative est notée entre les deux groupes dès la 3e semaine, avec une amélioration plus importante pour les deux types de paramètres dans le groupe qui a bénéficié des soins par photobiomodulation.
• Le temps moyen de résolution des lésions est de 4,3 semaines pour le groupe B versus 10,4 semaines pour le groupe A.