CARDIOLOGIE
Cas clinique
Auteur(s) : François Serres
Fonctions : (DESV médecine interne,
option cardiologie)
Oncovet
Avenue Paul-Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq
Une maladie valvulaire mitrale symptomatique s’accompagne souvent chez le chien d’une hypotension artérielle systémique au repos et d’une hypertension pulmonaire, à l’origine de syncopes.
Un cavalier king charles mâle non stérilisé, âgé de 8 ans, est présenté pour une évaluation diagnostique et thérapeutique face à une suspicion de maladie valvulaire mitrale. Un souffle cardiaque, découvert il y a quelques années, est associé depuis plusieurs semaines à des épisodes de syncope et à une fatigabilité sans dysorexie. Ces derniers mois, une toux et une polypnée ponctuelle sont également observées. Un traitement associant pimobendane (0,25 mg/kg/12 h) et furosémide (2 mg/kg/j) est administré depuis plusieurs mois.
À l’examen clinique, l’animal apparaît en bon état général. L’auscultation met en évidence un net souffle systolique apexien gauche, d’intensité 5 sur 6. Il est corrélé à une tendance à la tachycardie, avec une fréquence cardiaque oscillant entre 170 et 180 battements par minute (bpm). Aucune polypnée n’y est associée, la fréquence respiratoire variant entre 30 et 35 mouvements par minute (mpm). Un examen échocardiographique est réalisé, afin de rechercher d’éventuelles complications de la maladie valvulaire mitrale suspectée. Cet examen montre un ventricule gauche de taille et de morphologie modifiées, avec une nette dilatation systolo-diastolique. En mode tempsmouvement, la cinétique ventriculaire se situe dans les normes (fraction de raccourcissement de 45 %, valeurs usuelles entre 30 et 50 %). En mode 2D, un épaississement marqué des feuillets mitraux et des cordages est visualisé, associé à un prolapsus majeur (photo 1). Un reflux mitral systolique est détectable en mode Doppler couleur. Il occupe la totalité de la surface atriale gauche et remonte dans les veines pulmonaires. Ce reflux est de vélocité “relativement” basse (5 m/s), suggérant une tendance à l’hypotension systémique (photo 2). La vitesse du reflux mitral oscille habituellement entre 5,5 et 6 m/s, ce qui correspond à un gradient de pression ventricule gauche/ atrium gauche systolique de 120 à 145 mmHg. Une vitesse plus faible est associée soit à une hypotension systémique, soit à une hypertension atriale gauche. L’atrium gauche apparaît extrêmement dilaté sur la coupe 2D transaortique obtenue par voie parasternale droite, avec un rapport de 2,2 entre le diamètre de l’atrium gauche et celui de l’aorte (AG/AO). La coupe 2D quatre cavités, obtenue par voie parasternale gauche, permet de détecter un reflux tricuspidien de vélocité élevée, traduisant l’existence d’une hypertension artérielle pulmonaire systolique estimée à 75 mmHg au minimum lors de l’examen (photo 3).
Une mesure oscillométrique de la pression artérielle, effectuée sur la queue, confirme une tendance à l’hypotension (110 mmH). Un bilan sanguin ne révèle aucune anomalie biochimique majeure associée (fonction rénale avec légère augmentation de l’urémie à 0,8 g/l et créatinine mesurée à 12 mg/l, ionogrammes non modifiés).
Les examens confirment l’existence d’une maladie valvulaire mitrale, avec dilatations atriale et ventriculaire gauche majeures, associée à une tachycardie sinusale modérée et à une hypertension pulmonaire marquée. Les symptômes présentés évoquent en priorité des signes circulatoires, potentiellement liés à la tachycardie et à l’hypertension pulmonaire.
Le traitement à base de pimobendane et de furosémide est poursuivi. Cependant, la prise du diurétique est modulée pour parvenir à la dose minimale efficace, c’est-à-dire celle permettant d’obtenir une fréquence respiratoire au repos et à domicile inférieure à 40 mpm.
L’ajout d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et de spironolactone est préconisé (quadrithérapie actuellement recommandée par le consensus de l’Acvim). Pour traiter la tachycardie, l’emploi d’une faible dose de digoxine (5 µg/kg/12 h) est proposé. En traitement de l’hypertension pulmonaire, l’administration de sildénafil (1 mg/12 h) est prescrite, ainsi qu’un suivi de la pression artérielle et de la capacité à l’effort.
Le développement d’une hypotension systémique est une conséquence connue de l’insuffisance cardiaque. Il est ainsi démontré que la pression artérielle systémique est significativement plus basse chez les chiens qui présentent une maladie valvulaire mitrale symptomatique au repos, et qu’elle est associée à une hypertension pulmonaire [2]. Cette dernière, en diminuant le retour veineux pulmonaire, favorise en effet les phases d’hypotension systémique et de syncope. Face à ce type de symptôme, l’emploi d’un vasodilatateur “ciblé” tel que le sildénafil (Viagra®), qui dilate préférentiellement les artérioles pulmonaires, est recommandé. Ce traitement permet de diminuer la pression pulmonaire sans majorer l’hypotension systémique. Les données sur son intérêt en cas de maladie valvulaire mitrale sont encore limitées, mais des résultats préliminaires montrent un effet bénéfique a minima sur des critères d’imagerie chez des animaux encore asymptomatiques [1].
Aucun.