FRACTURE
Membres et appareil locomoteur
Auteur(s) : Franck Dapremont*, Marie Pierron**, Philippe Salvé***, Anthony Fargeot****, Baudouin Felten*****
Fonctions :
*Clinique vétérinaire des portes du Morvan
Rue du Mattrait
58170 Luzy
Cet article décrit la mise en place d’une attelle de Thomas modifiée, sur une fracture du tibia chez un jeune bovin.
Depuis de nombreuses années, l’attelle de Thomas est utilisée pour immobiliser un membre, lors de fracture chez les bovins. Dans sa forme classique, cette attelle descend jusqu’à l’extrémité du membre (photos 1 et 2). Sa longueur originelle nous semblait être une entrave à la mobilité du veau, ce dernier faisant de nombreux efforts pour se relever et pour se déplacer. La sollicitation du membre fracturé est alors forte et nuit à la consolidation de la fracture. De plus, l’immobilisation stricte du membre sur toute la longueur de l’attelle est parfois difficile à obtenir.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous avons “amputé” l’attelle de son extrémité distale et soudé trois ou quatre tiges perpendiculairement au grand axe de l’attelle, pour la consolider. La tige la plus haute est soudée au niveau du trait de fracture ; elle permet une meilleure immobilisation du membre fracturé (photo 3).
De plus, cette méthode permet de poser l’attelle sur un membre immobilisé en position physiologique, légèrement fléchi, ce qui améliore la réduction et l’immobilisation stricte de la fracture, grâce aux barres transversales. Avec l’attelle classique, le membre est étiré pour que le dispositif ne descende pas lors de l’extension du membre, ce qui donne parfois une angulation anormale au niveau du trait de fracture et, donc, une guérison aléatoire.
Dans notre clientèle, nous utilisons l’attelle de Thomas modifiée sur des bovins de moins de 350 kg présentant une fracture tibiale fermée.
En zone charolaise, ces fractures surviennent généralement lors d’accidents entre animaux en stabulation (par exemple, un bovin adulte qui marche sur un veau couché) et concernent généralement de jeunes veaux, dont le poids excède rarement 100 kg.
Les chances de réussite sont d’autant plus élevées que l’animal est léger et que la fracture est simple et distale sur le tibia.
Pour la confection de l’attelle :
- du fer rond laminé/du fer à béton : jusqu’à 100 à 200 kg, du fer rond laminé de 8 mm de diamètre et de 1 mètre de long, acheté en magasin de bricolage, est utilisé ; le pliage peut alors être réalisé à la main dans un étau ; trois barres de 1 mètre sont nécessaires pour fabriquer une attelle, pour un coût d’environ 10 € ; au-delà de 120 kg, du fer à béton de 10 et de 12 mm de diamètre est utilisé ; l’emploi du chalumeau pour le plier est alors indispensable ;
- un poste à souder ;
- un chalumeau, pour plier le fer (si les animaux pèsent plus de 120 kg).
Pour le rembourrage du cercle :
- du coton (une bande de 17 × 600 cm, d’une épaisseur de 1,5 cm, soit environ 500 g de coton) ;
- des bandes à pied.
Pour la résine :
- une chaussette ;
- du coton (Soffban Plus(r), BSN medical) plus mince, à dérouler entre la chaussette et la résine ;
- des bandes de résine.
Le veau est généralement amené dans notre atelier (équipé d’un poste à souder et d’une table élévatrice) ou il est vu en élevage, si l’équipement le permet. Après un examen général et local, une tranquillisation par injection intraveineuse de xylazine (1 ml/100 kg) est effectuée. Nous ne réalisons pas de radiographie lorsque la fracture est évidente et que sa nature est évaluée par taxis externe.
L’animal est placé en décubitus latéral, membre fracturé au-dessus. La réduction se fait à l’aveugle, en veillant à garder le tibia en position physiologique.
Nous réalisons des attelles de Thomas depuis une vingtaine d’années (environ quatre par an), et ce modèle particulier depuis 2015. Nous disposons donc désormais de quatre ou cinq attelles de tailles différentes, que nous adaptons sur les veaux, en réduisant ou en agrandissant le cercle de la cuisse (photo 4, figure). En effet, selon que le veau est culard ou non, la circonférence de la cuisse peut varier très fortement.
Une chaussette, du coton (Soffban Plus(r)) et des résines (en général, trois bandes suffisent) sont ensuite posés sur le membre fracturé. La résine doit être montée le plus haut possible au-dessus du trait de fracture et descendue jusqu’aux onglons, afin d’éviter un œdème du bas du membre. Le membre résiné est ensuite immobilisé contre l’attelle au moyen de deux ou trois résines (photo 5). Ces dernières rigidifient le membre et empêchent l’attelle de descendre.
Une attelle peut être utilisée indifféremment sur un tibia droit ou gauche, à condition d’inverser l’angle entre le cercle et le bas du dispositif. Cela se fait manuellement, sans grande difficulté. En revanche, le bon angle entre le cercle et le bas de l’attelle est plus difficile à réaliser.
Une fois l’attelle ajustée au veau, un rembourrage classique à base de coton et de bandes à pied est réalisé sur le cercle supérieur.
Suites opératoires
Le veau doit être capable de se mettre debout dans l’heure qui suit le réveil. Le relever est généralement facile, mais une aide (éleveur) peut être nécessaire les premières fois. L’animal garde l’attelle durant 3 à 4 semaines. Il convient de surveiller l’apparition d’éventuelles escarres à l’intérieur de la cuisse, au contact avec la protection autour du cercle, auquel cas une désinfection de la plaie et un rembourrage supplémentaire sont nécessaires (photos 6a à 6c).
Le veau se porte légèrement sur le membre fracturé, mais, très souvent, il ne fait que le traîner, sans conséquences particulières. Lors du retrait de l’attelle, la reprise de la marche est assez rapide (de quelques heures à 2 à 3 jours), mais une boiterie peut persister plusieurs semaines (photos 7a et 7b).
Dans notre clientèle, depuis 2015, 23 veaux ont été équipés avec succès de ce type d’attelle, seuls 2 sont morts de diarrhée, avant le retrait, et 1 n’a jamais réussi à se relever, ce qui a motivé son euthanasie.
Cette méthode est très satisfaisante et permet un traitement conservateur des fractures tibiales des jeunes bovins, pour un faible investissement et avec peu de complications.
Aucun.
→ L’attelle de Thomas est renforcée au moyen de barres et d’un cercle métallique, solidarisé à la résine.
→ L’immobilisation du membre en position physiologique permet une meilleure récupération.
→ La pose d’une attelle renforcée améliore la mobilité et, notamment, le relever du veau.