CHIRURGIE DE L’APPAREIL BUCCAL
Appareil digestif
Auteur(s) : Xavier Quentin*, Guillaume Belbis**
Fonctions :
*Clinique vétérinaire des Estuaires
1, boulevard Willy-Stein
50240 Saint-James
**École nationale vétérinaire d’Alfort
Unité de pathologie des animaux de production
7, avenue du Général-de-Gaulle
94700 Maisons-Alfort
La gestion du veau présentant une macroglossie est simple et rapide. Néanmoins, la gestion postopératoire est parfois chronophage pour l’éleveur.
La chirurgie de la langue est rarement pratiquée en activité rurale. Sur l’adulte, elle est parfois nécessaire lors de traumatisme.
Chez le veau, la chirurgie de la langue peut être indiquée chez les animaux téteurs qui, malgré des dispositifs classiques “anti-tétée”, continuent de téter leurs congénères ; mais son indication principale reste la macroglossie du veau nouveau-né, gênant la tétée ou la buvée. La chirurgie est alors la seule option, à condition néanmoins que l’éleveur accepte de pratiquer les soins postopératoires indispensables pendant quelques jours (drenchage).
Le diagnostic est simple : la langue dépasse de la gueule et ne peut être réintégrée entièrement à l’intérieur (photo 1). Avant toute intervention, il est indispensable de vérifier la mobilité de la langue (absence de paralysie) et sa sensibilité.
Chez les veaux plus âgés, la présence d’un chancre doit également être recherchée sur la face inférieure de la langue, au niveau de la zone de frottement avec les incisives (photo 2). Il ne s’agit pas forcément d’une contre-indication à l’intervention, mais le chancre empêchera ultérieurement une tétée facile du veau (il pourra néanmoins boire au seau).
L’intervention chirurgicale consiste à couper une partie de la langue pour faciliter la tétée ou la buvée au seau. Cela a pour objectif d’éviter la perte du bol alimentaire au sevrage, ainsi que les pertes salivaires, et de permettre ainsi la croissance et l’engraissement.
L’intervention doit être réalisée chez le veau de plus de 15 jours (c’est-à-dire au-delà de la période à risque pour les entérites néonatales, plus fréquentes chez ces animaux en raison d’une mauvaise prise colostrale), mais toujours sous une alimentation lactée pour assurer une convalescence satisfaisante.
La chirurgie chez des veaux considérés comme trop faibles doit être différée.
L’intervention peut se réaliser sous anesthésie générale, fixe (association α2-agoniste, butorphanol et kétamine) ou gazeuse. Un mélange d’α2-agonistes et de kétamine (association xylazine-kétamine par voie intraveineuse dans la même seringue, xylazine 2 % à la dose de 0,025 à 0,05 mg/kg, soit 0,2 ml/50 kg, et kétamine [100 mg/ml] à la dose de 4 mg/kg, soit 2 ml/50 kg) peut être utilisé classiquement.
Pour ce type de chirurgie, l’anesthésie intrarachidienne n’est pas indiquée.
L’animal est placé en décubitus latéral pendant l’intervention. Le site est préparé par application d’une solution de polyvidone iodée ou de chlorhexidine. Aucun savon n’est nécessaire (de la mousse est produite en abondance en présence de salive). Le matériel chirurgical utilisé est celui d’une trousse à césarienne classique complétée d’une pince à otectomie ou à entérectomie.
Un fil monofilament résorbable de décimale 4 ou 5 est préférable à un fil tressé, même si sa rigidité peut le rendre un peu blessant pour le trayon de la vache lors de la tétée.
Lors de macroglossie, une suture de la commissure des lèvres pourrait être envisagée. Elle consisterait alors seulement à mettre la langue dans l’axe de la cavité buccale. Celle-ci restant trop longue, le veau ne récupère pas la capacité de téter.
L’intervention doit donc permettre de diminuer le volume de la langue.
La résection par section médiane est déconseillée, car en cas de déhiscence de la plaie (fréquente), la langue devient bifide et la tétée est alors impossible (figure 1).
La technique à privilégier est la suture latérale. En cas de rupture des points, une cicatrisation par seconde intention est toujours possible.
Sur le veau anesthésié, un point de repère est pris sur la ligne médiane de la langue, à une longueur complète d’aiguille rose 18 G × 1 1/2 (photo 3). L’aiguille est plantée dans la langue à cet endroit (photo 4). La pince hémostatique (à entérectomie ou à otectomie) est placée en amont de ce repère : l’intervention est ainsi non sanglante (photos 5a et 5b).
Ces pinces permettent également d’aplatir la langue et ainsi de réaliser une section franche. Il convient donc de préférer la pince à la pose d’un garrot (du type de celles classiquement utilisées en médecine canine), car le garrot arrondit la langue.
La langue est alors sectionnée en V et en biseau dans l’épaisseur (la longueur de la langue reste plus importante en partie ventrale qu’en partie dorsale pour obtenir une forme concave après suture) (photos 6 à 8 et figure 2).
La plaie est suturée par des points simples ou en X (photos 9 et 10). Les points doivent être bien serrés afin d’assurer l’hémostase (photo 11).
Les soins postopératoires sont les suivants :
– l’antibiothérapie est réalisée par une injection unique d’un antibiotique longue action (exemple : macrolide longue action) ;
– un traitement anti-inflammatoire et antalgique de longue action est mis en place (exemple : méloxicam ou acide tolfénamique) ;
– un traitement diurétique (association dexaméthasone et hydrochlorothiazide) ne doit être utilisé qu’en cas d’œdème très important ;
– une aide à la tétée doit être strictement appliquée (drenchage systématique) pendant 3 à 15 jours. Le veau est placé régulièrement à la mamelle pour conserver l’instinct maternel. Si la vache présente de très gros trayons, il convient de mettre le veau à boire dans un seau ;
– les points sont laissés en place.
La cicatrisation peut avoir lieu en première intention (photo 12). En cas de déhiscence, une cicatrisation en seconde intention est obtenue dans des délais courts (moins de 1 semaine). Une seconde intervention n’est pas nécessaire, car la langue cicatrise très vite.
Bien qu’impressionnantes, les chirurgies de l’appareil buccal des bovins ne présentent pas de difficultés particulières dans leur réalisation, à l’exception de certaines fractures mandibulaires.
Très facilement réalisable, l’intervention chirurgicale lors de macroglossie permet la valorisation d’un animal autrement condamné à devenir une non-valeur économique.
Aucun.
→ Lors de macroglossie, la chirurgie s’impose. Elle consiste à réséquer une partie de la langue.
→ La présence de chancre diminue les chances de réussite de l’opération.
→ La mise en place d’une pince à otectomie ou à entérectomie permet d’assurer l’hémostase et facilite l’incision, en aplatissant la langue.
→ Un drenchage postopératoire est nécessaire jusqu’à la reprise de la tétée.
L’auteur tient à remercier Jean-Michel Ménager pour sa contribution à l’illustration de cet article.