Traitement chirurgical de l’urolithiase des petits ruminants - Ma revue n° 019 du 01/01/2019 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 019 du 01/01/2019

APPAREIL URINAIRE

Appareil génito-urinaire

Auteur(s) : Vincent Doré*, Ricardo Videla**, Céline Gaillard-Lardy***

Fonctions :
*Farm animal medicine and
surgery
College of veterinary medicine
University of Tennessee
2407 River Drive, room C222
Knoxville, TN, 37996
États-Unis
vdore@vols.utk.edu
rvidela@utk.edu

Différents traitements chirurgicaux sont envisageables en cas d’urolithiase chez les petits ruminants.

L’urolithiase est un trouble nutritionnel pouvant conduire à une obstruction urinaire complète chez les petits ruminants mâles. L’obstruction complète de l’urètre peut être fatale chez les animaux ne recevant pas les soins appropriés. Cet article passe en revue les différentes approches chirurgicales lors d’urolithiase obstructive chez les petits ruminants et décrit les étapes pré- et postopératoires.

L’UROLITHIASE : DIAGNOSTIC ET PREMIÈRE PRISE EN CHARGE

1. Physiopathologie, facteurs de risque

L’urolithiase est une affection fréquente des petits ruminants domestiques. Elle est considérée d’abord comme une maladie nutritionnelle, affectant principalement les mâles castrés, nourris avec des rations riches en céréales. Le développement de calculs vésicaux est associé à de fortes concentrations urinaires d’ions phosphore, magnésium et calcium. Chez les petits ruminants, les calculs à base de phosphates (struvite et apatite), de calcaires (carbonate et oxalate de calcium) et de silice sont les plus courants [3, 7].

La physiopathologie de la formation de ces calculs implique de fortes concentrations urinaires en minéraux solubles ionisés, qui dépassent le potentiel des inhibiteurs de cristallisation, naturellement présents dans l’urine, comme les mucopolysaccharides et les acides organiques [2]. Dans les conditions normales, l’équilibre s’installe entre les minéraux participant aux calculs et les inhibiteurs de la cristallisation, les minéraux restent alors en solution. Lorsque la capacité inhibitrice est dépassée par la concentration en minéraux, des cristaux se forment. Ils deviennent insolubles et s’accumulent dans la vessie ; leur précipitation en grande quantité conduit à la formation de calculs.

De nombreux facteurs ont été associés au développement d’urolithiases chez les petits ruminants : le sexe, le régime alimentaire, la saison, la race et la castration précoce [13]. Contrairement aux chiens et aux chats, la présence de débris purulents, d’une infection du tractus urinaire, de matériel de suture ou d’une inflammation de la paroi vésicale ne semble pas être une cause majeure de formation de calculs. Un pH urinaire élevé (supérieur à 7,5) favorise la précipitation de struvite (phosphate­ammoniaco-magnésien), d’apatite (phosphate de calcium) et de carbonate de calcium. Des rations riches en céréales sont également riches en phosphore et pourraient prédisposer à la production de calculs de struvite et d’apatite. Un apport important en magnésium, associé à des rations riches en céréales, favorisent la formation de calculs de struvite [11]. Les calculs de silice sont liés à la consommation d’herbe riche en silice, associée à un accès restreint à l’eau. Des aliments riches en calcium, comme la luzerne, la fléole, ou certaines plantes contenant des oxalates, sont associées aux calculs calciques. Les calculs de phosphates semblent être plus fréquents chez les jeunes animaux (moins de 1 an), alors que les calculs calciques sont plus fréquents chez les animaux plus âgés (plus de 1 an) différence qui peut être attribuée à des rations et à des pratiques d’élevage différentes [10]. Les races caprines d’origine africaine (pygmée, chèvre naine nigérienne, chèvre boer) semblent prédisposées à développer des calculs [10]. La castration, surtout lorsqu’elle est précoce (avant l’âge de 5 mois), est associée à un rétrécissement du diamètre urétral et à une augmentation du risque d’urolithiase obstructive [1].

2. Signes cliniques

Les signes cliniques varient selon la sévérité du blocage, sa chronicité et la tolérance propre de l’animal à la douleur. Une étude rétrospective, menée à l’université de Caroline du Nord sur 95 boucs présentant une obstruction urinaire, révèle que les signes cliniques les plus fréquents sont les suivants : vocalisation, efforts de miction, urine tombant goutte à goutte, anorexie, léthargie, décubitus, distension ou gonflement abdominal et signes associés à un inconfort abdominal (données personnelles). D’autres auteurs rapportent également des grincements de dents, une extériorisation du pénis, des battements de la queue et une pulsation urétrale. Les propriétaires peuvent parfois confondre ces signes avec de la constipation.

Si les signes cliniques ne sont pas observés ou sont négligés, l’urolithiase obstructive peut éventuellement mener à une rupture vésicale ou urétrale. Cette dernière est souvent caractérisée par la présence d’un œdème important autour du fourreau, du scrotum, et/ou en partie caudale de l’abdomen. Une rupture vésicale doit être suspectée lorsque la douleur disparaît en l’absence de traitement, et en cas d’apparition de léthargie, de dépression, voire d’une distension abdominale ventrale bilatérale. Si aucune action n’est entreprise, l’issue est généralement fatale.

3. Examen initial

En cas de suspicion d’obstruction urinaire, l’approche initiale consiste à déterminer si l’obstruction urinaire est bien présente et si l’animal est un bon candidat à la chirurgie ou nécessite une stabilisation avant toute anesthésie générale. Cette première approche inclut un examen général, un examen rectal ainsi que l’extériorisation du pénis.

L’examen général comprend l’auscultation cardiaque (pour rechercher une arythmie) et pulmonaire (pour détecter tout signe de pathologie respiratoire), l’évaluation du degré de déshydratation et l’examen du prépuce (pour rechercher la présence de calculs ou examiner la sécheresse des muqueuses). L’examen rectal au doigt peut révéler des pulsations rectales et une distension de l’urètre. L’extériorisation du pénis doit autant que possible être réalisée. Lorsqu’ils sont disponibles, l’allure des calculs est utile pour présumer de leur composition. Ainsi, les calculs de carbonate de calcium sont plutôt sphériques, lisses et de couleur dorée. Les calculs de silice sont généralement blancs à bruns, lisses et durs à la palpation. Les calculs de struvite sont souvent blancs à gris, d’apparence sableuse et facilement cassables avec les doigts.

L’imagerie du tractus urinaire, ainsi qu’un bilan électrolytique et rénal (réalisé avec un analyseur de gaz sanguins ou biochimique), peuvent être utiles pour établir le diagnostic, si nécessaire, et le pronostic. Les principaux déséquilibres sanguins associés à l’urolithiase obstructive sont l’azotémie (concentrations sanguines élevées en azote, en urée et en créatinine), l’hyponatrémie, l’hypochlorémie et l’hyperkaliémie. Des valeurs de potassium sanguin supérieures à 6 mmol/l peuvent être fatales et doivent être corrigées avant toute intervention chirurgicale. L’échographie du tractus urinaire peut être réalisée facilement, à l’aide d’une sonde linéaire, par voie transrectale, ou convexe, par voie abdominale. Les images caractéristiques d’urolithiase obstructive incluent une augmentation du volume vésical, la présence de liquide dans l’abdomen (uro-abdomen) et l’hydronéphrose. La taille de la vessie peut varier selon la race et la taille de l’animal, mais la présence d’une vessie ronde avec une paroi fine est pathognomonique d’une obstruction. Dans certains cas, des débris ou des caillots sanguins peuvent être visibles par échographie (photos 1a à 1d). Une radiographie de l’abdomen est conseillée lorsque des calculs calciques sont suspectés. La détermination de la localisation de l’obstruction et du nombre de calculs peut être très utile pour établir le pronostic et choisir l’option chirurgicale la plus adaptée. Cependant, seuls les calculs calciques et siliceux sont radio-opaques [8].

Les praticiens doivent ainsi choisir de façon éclairée les tests diagnostiques à pratiquer en fonction de l’anamnèse, des signes cliniques, de la disponibilité de ces tests, des contraintes financières et des attentes du client.

4. Prise en charge initiale et stabilisation avant chirurgie

La prise en charge et la stabilisation de l’animal malade avant l’intervention comprend l’établissement d’une voie de sortie de l’urine par amputation du processus urétral. La cathétérisation rétrograde de la vessie est souvent un échec en raison de la présence du diverticule urétral au niveau de l’arc ischiatique. Si l’évacuation de l’urine est possible, une analyse est recommandée, afin de déterminer le pH et de rechercher la présence de cristaux dans les urines.

L’hyperkaliémie peut entraîner un arrêt cardiaque et doit être corrigée avant toute intervention. Dans les conditions de terrain, les valeurs de la kaliémie préopératoires ne devraient pas dépasser 6 mmol/l (vérifier également l’absence d’anomalies cardiaques audibles). La kaliémie peut être corrigée à l’aide du protocole suivant :

– injection d’insuline classique, 0,25 à 0,4 UI/kg par voie sous-cutanée ou intramusculaire, suivie d’une perfusion intraveineuse (IV) de dextrose à 5 % (4,4 à 6,6 ml/kg, IV) ou à 50 % (0,5 à 1 ml/kg IV) ;

– perfusion IV de borogluconate de calcium à 23 % (0,2 à 0,5 ml/kg, administrée lentement en 10 à 20 minutes) ou de gluconate de calcium 10 % (0,5 à 1 ml/kg, administré lentement en 10 minutes) ;

– réévaluer la concentration sanguine en potassium 30 minutes après l’injection de calcium et répéter le même protocole, si nécessaire. La calcémie, bien que souvent basse chez ces animaux, selon l’expérience des auteurs, peut également être contrôlée (un niveau toxique peut être atteint si la perfusion calcique est trop agressive). Si la kaliémie et les concentrations sanguines en calcium ionisé (> 1,60 mmol/l) et en calcium total (> 12 mmol/l) sont élevées, seule une perfusion IV de dextrose 5 % est administrée à deux fois la dose d’entretien, soit 4 ml/kg.

Une solution hypertonique de bicarbonate de sodium (8,4 %) pourrait également être administrée, à raison de 1 à 2 ml/kg, par voie IV lente, pour aider au transfert intracellulaire du potassium, mais ce traitement n’est pas recommandé en cas d’alcalose métabolique. La présence d’autres anomalies biochimiques majeures doit également être corrigée avant toute anesthésie.

Avant l’intervention, une antibiothérapie est mise en place, ainsi que l’administration d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS). Le choix de l’antibiotique et la durée du traitement sont déterminés en fonction de la présence ou non d’une infection bactérienne préopératoire et du risque de contamination pendant la chirurgie. Les β-lactamines, comme la pénicilline, l’ampicilline et le ceftiofur, sont des antibiotiques de choix, en raison de leur spectre et de leur concentration élevée dans les voies urinaires. Cependant, l’usage des céphalosporines chez les animaux destinés à l’alimentation étant restreint, la priorité doit être donnée à la pénicilline et à l’ampicilline. Les AINS doivent être utilisés avec prudence en cas d’azotémie. Dans la plupart des cas, l’azotémie est d’origine postrénale, mais l’azotémie rénale ne doit pas être exclue tant que la correction des valeurs rénales n’a pas été constatée après fluidothérapie. En cas d’azotémie, la perfusion IV d’une solution saline à 0,9 % ou de Ringer lactate peut commencer, à raison d’une fois et demie, voire deux fois, la dose d’entretien. Une diminution de 50 % de la concentration sanguine de créatinine dans les 24 heures est considérée comme de bon pronostic pour le rétablissement de la fonction rénale.

OPTIONS THÉRAPEUTIQUES

Plusieurs traitements sont possibles en cas de lithiase urinaire chez les petits ruminants. Les facteurs à prendre en compte pour choisir le traitement adapté à chaque animal sont les suivants :

– l’état général de l’animal et le pronostic ;

– l’importance de l’obstruction des voies urinaires (partielle ou blocage complet) ;

– la localisation, la quantité et la composition présumée des urolithes ;

– les attentes du client selon l’usage de l’animal ;

– le coût du traitement par rapport à la valeur de l’animal ;

– la capacité du praticien à mettre en œuvre chaque option.

Si l’animal présente une vessie distendue associée à des signes d’inconfort, une action immédiate est nécessaire pour soulager la pression vésicale, atténuer les signes d’inconfort et rétablir le débit de filtration glomérulaire.

La première approche consiste généralement à amputer le processus urétral. Si la perméabilité urétrale est rétablie et que des calculs de struvite sont suspectés, il convient ensuite d’envisager une acidification du pH urinaire afin de dissoudre les urolithes vésicaux et de réduire les risques de récidive à court terme. Du chlorure d’ammonium (350 mg/kg par voie orale, toutes les 24 heures) peut être utilisé pour acidifier l’urine [9]. Si le processus urétral n’est pas présent, ou que son amputation n’a pas permis de rétablir la perméabilité urétrale, d’autres traitements sont à considérer, tels qu’une cystostomie, la mise en place d’un cathéter urinaire percutané ou une cystocentèse, associée à une acidification urinaire. Si des calculs calciques sont suspectés et que le blocage est sévère (plusieurs calculs présents dans l’urètre), un traitement moins ponctuel peut être recommandé, tel qu’une anastomose vésico-préputiale, une urétrostomie périnéale ou une marsupialisation de la vessie, selon la valeur de l’animal et des attentes du client (photo 2).

En cas de rupture vésicale, la cystostomie, la marsupialisation de la vessie ou l’anastomose vésico-préputiale sont indiquées. L’euthanasie doit être envisagée en cas de pronostic sombre ou pour des raisons financières. Différentes techniques chirurgicales existent, avec leurs avantages et leurs inconvénients (tableau).

1. Amputation du processus urétral

Le processus urétral, ou appendice vermiforme, est une partie très étroite de l’urètre, qui constitue donc une zone d’obstruction privilégiée (photo 3a).

L’extériorisation du pénis peut être difficile. Elle est facilitée par une contention appropriée et une sédation. L’animal est placé en position assise. L’infusion de lidocaïne dans le fourreau, en solution (3 à 5 ml de lidocaïne 2 %) ou en gel, peut également faciliter la procédure.

La sédation fait appel à l’acépromazine (0,05 à 0,1 mg/kg IV) ou à un a2-agoniste tel que la xylazine (0,05 à 0,1 mg/kg IV). Cependant, les auteurs évitent généralement d’utiliser la xylazine chez les animaux obstrués, les α2-agonistes étant réputés pour provoquer une hypotension et favoriser la diurèse. Ils privilégient le diazépam (0,1 à 0,5 mg/kg IV).

Pour faciliter l’extériorisation du pénis, le prépuce est rétracté caudalement avec une main, tandis que l’autre main saisit le pénis au niveau du scrotum (à travers la peau) et le pousse cranialement. L’utilisation d’une pince de Foerster peut aider à extraire l’extrémité du pénis du fourreau, lorsqu’elle ne peut pas être visualisée autrement. Dès qu’il devient visible, le pénis est saisi avec une compresse et le processus urétral est amputé, au niveau de la zone de jonction avec le pénis (photo 3b). Il convient de signaler que l’extériorisation du pénis, chez les animaux en surpoids et les plus jeunes, peut être particulièrement difficile, voire impossible. Chez les chevreaux et les agneaux, le processus urétral est parfois attaché au pénis (frein), ce qui rend difficile l’exécution de cette procédure. Dans certains cas, le processus urétral n’est plus présent car nécrosé, à la suite de la suppression de l’irrigation sanguine par la pression d’un urolithe (photo 3c). L’amputation du processus urétral ne semble avoir aucun impact négatif sur la reproduction chez des mâles entiers.

2. Mise en place d’un cathéter percutané

La mise en place d’un cathéter percutané est nettement moins coûteuse et plus rapide qu’une cystostomie et ne nécessite pas d’anesthésie générale. L’animal est placé en décubitus latéral et la vessie est identifiée, par palpation ou échographie (elle doit être distendue pour rendre possible l’introduction du dispositif). La zone de mise en place du cathéter, latérale au pénis et craniale au scrotum, est préparée chirurgicalement. Après anesthésie locale, une incision cutanée est pratiquée, ainsi qu’une incision partielle de la paroi abdominale. Les auteurs utilisent un guide plastique pour la pose du cathéter sus-pubien 12 F, utilisé en médecine humaine (Lawrence Add-A-Cath®, Femcare-Nikomed, États-Unis). Il s’agit d’une gaine en plastique rigide, dans laquelle se place un mandrin, dont la pointe dépasse légèrement du plastique, pour la ponction ; ce guide présente la particularité de pouvoir être ouvert sur toute sa longueur, grâce à une languette longitudinale détachable (photo 4).

Après passage de la paroi abdominale, le mandrin est retiré et le guide plastique est maintenu dans la vessie. Un doigt, placé à son extrémité, empêche la vessie de se vider. Une sonde de Foley 16 F, de 40 à 45 cm de long, est insérée grâce au guide et introduite dans la vessie, puis le ballonnet est gonflé. Le guide est ensuite déchiré longitudinalement, ouvert sur sa longueur et ainsi retiré. La sonde de Foley est solidement fixée à la peau par des points simples. Un modèle de simulation présente la technique (photos 5a à 5g)(1) [5].

3. Cystostomie

La cystostomie est l’une des chirurgies les plus couramment pratiquées pour traiter la lithiase urinaire des petits ruminants. L’animal, sous anesthésie générale, est placé en décubitus dorsal. Une incision paramédiane est réalisée immédiatement, proximalement au pubis, pour accéder à la cavité abdominale, puis à la vessie (photos 6a à 6f). La vessie est partiellement vidée, si nécessaire à l’aide d’une seringue, et deux points d’appui sont placés près de l’apex de la vessie ; ils permettent de la lever, pour éviter les fuites urinaires dans l’abdomen, une fois la vessie incisée. Après incision sur sa face ventrale, la vessie est vidée de l’urine et des calculs. Une cuillère à vessie peut faciliter la collecte des calculs du trigone vésical. Un cathéter urinaire plastique peut être utilisé pour tenter de rincer l’urètre par voie antérograde à l’aide d’une solution saline, afin d’évaluer la perméabilité urétrale. La vessie est fermée par deux surjets inversants. Une suture en bourse est ensuite posée à l’apex de la vessie, loin du site de cystotomie (elle évite les fuites autour de la sonde de Foley). Une incision ponctuelle de la paroi abdominale est ensuite pratiquée, latéralement à la première incision. La sonde de Foley de 20 cm, 22 F est introduite dans l’abdomen, puis dans la vessie, grâce à une incision ponctuelle au milieu de la suture en bourse, d’une taille juste suffisante pour laisser passer la sonde. La suture en bourse est serrée autour de la sonde, et le ballon de la sonde est rempli avec 5 à 7 ml de solution saline. Un remplissage excessif du ballon peut parfois causer une gêne. L’incision abdominale est suturée et le cathéter de Foley est fixé à la peau. Les auteurs préfèrent couper l’extrémité de la sonde de Foley avant de la placer dans la vessie, afin de faciliter son débouchage, si nécessaire.

Deux à 3 jours après l’intervention, le cathéter de Foley peut être clampé pendant de courtes périodes, afin de vérifier la perméabilité urétrale. Si l’animal est incapable de vidanger ou qu’une obstruction partielle est suspectée, un faible volume (environ 30 ml) d’une solution acide(2) (vinaigre blanc, par exemple) peut être injecté dans la sonde pour favoriser la dissolution des calculs. La sonde de Foley doit être déclampée si l’animal montre des signes d’inconfort après son clampage. Une fois la perméabilité de l’urètre retrouvée, la sonde de Foley peut être laissée en place encore quelques jours jusqu’à son retrait, qui doit avoir lieu au plus tôt 1 semaine après l’intervention. Pour retirer la sonde, il suffit de dégonfler le ballon et de libérer la sonde de la suture cutanée. Le site devrait guérir en quelques jours.

4. Cystocentèse et acidification de l’urine

La cystocentèse est une solution alternative peu coûteuse, envisageable chez les ovins et les caprins suspects de calculs de struvite, ces urolithes étant solubles en milieu acide [6]. L’animal est placé en décubitus latéral et une cystocentèse échoguidée est réalisée à l’aide d’une aiguille 18 G de 8 ou 10 cm de long. La vessie est partiellement vidée, le pH de l’urine est mesuré et une solution acide est injectée à travers la même aiguille. Ces étapes sont répétées, en laissant bien l’aiguille en place dans la vessie, jusqu’à ce que le pH se situe entre 5 et 4 (photo 7). L’animal est ensuite placé dans un box sans litière et surveillé, pour vérifier la perméabilité urétrale et l’absence de signes de douleur. Cette technique peut être répétée si la perméabilité urétrale n’est pas restaurée lors de la première tentative. Après trois tentatives, cette technique doit être abandonnée, la guérison étant alors peu probable.

5. Urétrostomie périnéale

L’objectif de l’urétrostomie périnéale (UP) est de créer une ouverture permanente de l’urètre au niveau du périnée, afin de contourner l’urètre distal. Une incision verticale de 6 à 8 cm est pratiquée ventralement au rectum et dorsalement au scrotum [12]. Le pénis est disséqué et séparé des tissus environnants. Les deux muscles rétracteurs du pénis sont sectionnés ou rétractés, pour pouvoir amener le pénis à la peau. Des points simples sont placés à travers l’albuginée, des deux côtés, pour fixer le pénis dans la position souhaitée. Un cathéter est placé de manière rétrograde pour faciliter l’orientation, l’urètre est ouvert verticalement et la muqueuse urétrale est fixée à la peau pour créer une stomie (photo 8)

6. Marsupialisation de la vessie

L’animal, sous anesthésie générale, est placé en décubitus dorsal. Une incision paramédiane des plans cutanés et musculaires, de 10 cm de long, est réalisée afin d’accéder à la cavité abdominale (photo 9a). La vessie est partiellement vidée à la seringue et à l’aiguille, et deux à quatre points d’ancrage sont placés à l’apex. Une seconde incision abdominale paramédiane, d’environ 4 cm de long, est pratiquée du côté controlatéral ; elle servira à ancrer la vessie. Il est important de pratiquer cette incision aussi cranialement que possible (sans avoir à trop étirer la vessie), afin de réduire les dommages dus à l’irritation par l’urine s’écoulant sur la peau, les petits ruminants ayant tendance à avoir un abdomen pendulaire. À l’aide de points de suture, le sommet de la vessie est passé à travers la seconde incision et les couches séreuse et musculaire de la vessie sont suturées à la paroi abdominale (péritoine et muscle) (photos 9b à 9c). L’apex est alors incisé tout en aspirant pour empêcher les fuites d’urine. La muqueuse de la vessie est ensuite suturée à la peau pour créer une stomie permanente (photo 9d).

7. Anastomose vésico-préputiale

Cette procédure est similaire à la marsupialisation de la vessie décrite précédemment, mais ici, cette dernière est marsupialisée dans le prépuce, après section du pénis [4]. Cette technique présente l’avantage d’éviter les brûlures causées par l’urine, celle-ci s’écoulant par le prépuce. Cette intervention chirurgicale est indiquée lorsque les chances de restauration de la perméabilité urétrale (sur la base du nombre et de la composition des calculs) sont faibles, ou après l’échec d’autres traitements. Une sonde métallique est insérée dans le prépuce, jusqu’au fornix (cul-de-sac caudal). Une incision cutanée de 4 cm est pratiquée, parallèle et latérale au prépuce et centrée sur le fornix, pour accéder à la cavité abdominale (photo 10a, figure). La vessie est partiellement vidée et des points d’appui sont posés au sommet. La vessie est extériorisée de façon à ce qu’environ 3 cm de paroi vésicale se trouvent à l’extérieur de l’abdomen. Elle est alors suturée à la paroi abdominale, comme décrit pour la marsupialisation de la vessie (photo 10b). Après cette première étape, le tissu sous-cutané de l’incision cutanée initiale est disséqué pour accéder au fornix. La cavité préputiale est pénétrée, le pénis est ligaturé et sectionné. Une sonde de Foley 22 F (20 cm) est insérée par l’orifice préputial. L’extrémité proximale du prépuce est disséquée sur toute sa circonférence. Une incision ponctuelle est pratiquée à l’apex de la vessie ; l’extrémité de la sonde y est insérée et le ballon peut alors être gonflé (photo 10c). L’extrémité proximale du prépuce, préalablement disséquée, est suturée sur toute sa circonférence à la paroi de la vessie autour de la sonde. Le tissu sous-cutané et la peau sont suturés. La sonde est laissée en place pendant au moins 3 semaines, afin de prévenir la sténose.

Conclusion

Une bonne compréhension de l’anatomie normale du tractus urogénital mâle, de la physiopathologie de la formation des urolithes et des localisations les plus courantes des obstructions est nécessaire pour établir un pronostic et faciliter le choix du traitement. La valeur de l’animal ainsi que la composition, le nombre et l’emplacement des calculs doivent être pris en compte pour le choix du traitement. Il conviendrait aussi d’aborder la prévention de l’urolithiase, en particulier la gestion de l’alimentation, afin de réduire le taux de récidives et l’incidence dans le troupeau.

  • (1) Il existe d’autres dispositifs, couramment employés en médecine humaine, pour la cathétérisation sus-pubienne de la vessie. La technique, disponible sous forme de tutoriels vidéos sur YouTube, est tout à fait transposable aux petits ruminants.

  • (2) Les auteurs utilisent la solution de Walpole ou une spécialité à usage humain à base d’acide citrique, glucono-delta-lactone et de carbonate de magnésium, Renacidin®, United Guardian. Une solution équivalente est disponible en Suisse (SoluR®, BBraun).

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’urolithiase obstructive est une urgence fréquente chez les ovins et les caprins mâles. L’issue est généralement fatale en l’absence de traitement.

→ Les facteurs de risque associés incluent le sexe (mâle), le régime alimentaire, une faible consommation d’eau et une castration précoce.

→ Lors de suspicion de blocage urinaire, il est important de confirmer le diagnostic et de stabiliser l’animal en vue d’une intervention. Des analyses sanguines et une échographie du tractus urinaire doivent être pratiquées et complétées par des radiographies abdominales, si nécessaire.

→ Les traitements initiaux les plus fréquents en cas d’obstruction complète de l’urètre incluent l’amputation du processus urétral, la cystocentèse avec acidification des urines et la cystostomie.