Gérer l’obésité féline avec les aliments industriels - Le Point Vétérinaire n° 313 du 01/03/2011
Le Point Vétérinaire n° 313 du 01/03/2011

NUTRITION FÉLINE

Dossier

Auteur(s) : Christophe Blanckaert

Fonctions : Clinique vétérinaire Les Margats
14, avenue Charles-de-Gaulle
62200 Boulogne-sur-Mer

La prescription d’un aliment diététique préfabriqué est une démarche individualisée et réclame une bonne connaissance des particularités des produits commercialisés.

Parmi les diverses options de prise en charge nutritionnelle de l’obésité féline, les régimes industriels sont fréquemment préconisés en raison de leur apparente simplicité d’utilisation, tant pour la prévention du surpoids (encadré complémentaire sur www.WK-Vet.fr) que pour la perte de poids chez l’individu obèse.

Choisir le bon aliment

Cadre réglementaire

Les produits destinés à la perte de poids, ou hypocaloriques, sont visés par la réglementation européenne (directive n° 2008/38/CE du 5 mars 2008). Ces aliments, qui revendiquent l’objectif de réduction d’un excès pondéral, doivent présenter une “faible densité énergétique” obligatoirement déclarée sur l’étiquette. Les règles d’étiquetage exigent aussi que le mode d’emploi indique la quantité journalière recommandée. L’objectif du législateur est de mettre à disposition des aliments dont la densité énergétique est garantie et vérifiable.

Toutefois, ce cadre réglementaire laisse une grande liberté au fabricant (figure). L’interprétation de la “faible densité énergétique”, tout comme les modalités de formulation restent à la diligence de chaque industriel (encadré 1). La quinzaine de spécialités disponibles en France revendiquant cette indication possèdent des formules sensiblement différentes (tableaux complémentaires 1 et 2 sur www.WK-Vet.fr). Elles dépendent de la philosophie nutritionnelle de chaque fabricant, de la nature des ingrédients sélectionnés et des autres éventuelles indications du produit (diabète, hyperlipidémie, etc.).

Formulation d’un aliment à faible concentration énergétique

La réduction de la densité calorique peut être obtenue par diverses méthodes, parfois associées :

– l’adjonction d’eau pour les aliments humides ;

– une faible teneur en matières grasses (inférieure à 10 à 15 % de matière sèche [MS]). L’incorporation d’une proportion restreinte de lipides au profit de nutriments à densité calorique plus basse est une méthode efficace ;

– l’emploi d’ingrédients à densité énergétique très faible ou nulle. Les fibres alimentaires insolubles sont aisément identifiables dans l’analyse garantie dans la catégorie “cellulose brute”. Les fibres solubles sont confondues dans l’extractif non azoté (ENA). Les sels minéraux n’apportent pas de calories. Certains produits humides peuvent en contenir des proportions non négligeables (plus de 10 % MS).

Autres contraintes de formulation

La prise en charge du chat obèse ne se limite pas au contrôle de l’ingéré calorique. La formulation d’un aliment de perte de poids prend en compte d’autres contraintes : l’induction de la satiété, le maintien de la masse maigre, l’absence de carence, etc.

ASSURER LA SATIÉTÉ

Les solutions nutritionnelles pour apporter la satiété font appel à plusieurs techniques, généralement associées :

– une formule riche en eau. Les aliments humides procurent un grand volume de ration. Ils induisent une sensation fugace de satiété. Le bol alimentaire volumineux réprime l’appétit, le temps de son séjour dans les premières parties du tube digestif. Cela peut justifier l’emploi d’aliments industriels humides chez le chat obèse pour une partie de sa ration quotidienne (environ 25 % de l’allocation énergétique) ;

– une formule riche en fibres. Les fibres alimentaires solubles ou insolubles augmentent sensiblement le volume de la ration, et modulent le temps de réplétion du tube digestif. Elles induisent la satiété par divers messages neuro-endocrines qu’elles initient par elles-mêmes ou en raison de leurs interactions avec les autres nutriments ;

– une formule riche en protéines. Les protéines et les acides aminés sont capables d’influencer directement la satiété, par l’intermédiaire du peptide YY, de la cholécystokinine ou du glucagon-like peptide-1 [3]. En sollicitant la néoglucogenèse hépatique, voie métabolique particulièrement active chez le chat, les protéines diminuent considérablement le rendement énergétique de la ration. De plus, elles modifient la réponse insulinique postprandiale et la perception de la faim. Globalement, l’équilibre entre les trois catégories de nutriments énergétiques a de nombreux effets sur la production d’énergie, l’insulino-résistance et la régulation hormonale de l’appétit [5, 7].

MAINTENIR LA MASSE MAIGRE

Un apport protéique conséquent, garantissant une bonne couverture du besoin en acides aminés essentiels à la synthèse protéique, est indispensable en situation d’amaigrissement, d’autant que le chat a un besoin protéique naturellement élevé (4,5 g de protéines/kg de poids optimal). En raison de la faible densité énergétique des aliments hypocaloriques, le rapport protido-calorique (RPC) de l’aliment doit être, lui aussi, à un niveau supérieur (encadré 2). De plus, un apport protéique élevé en cours d’amaigrissement pourrait limiter l’effet rebond après celui-ci [6].

NE PAS CARENCER

Si des craintes peuvent exister pour ce qui concerne « les risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement chez l’homme »(1), elles semblent peu fondées chez le chat. En effet, après un examen clinique et la réalisation d’analyses biologiques, la prescription vétérinaire de régimes d’obésité scientifiquement formulés et équilibrés a fait ses preuves en termes d’efficacité et d’innocuité.

Bien distribuer l’aliment

Prescrire la bonne quantité

Comme pour tout régime, la prescription d’un aliment de perte de poids à un chat obèse doit être progressive et prudente. Un contrôle de l’acceptation de l’aliment industriel par l’animal est requis. En effet, une anorexie prolongée, de quelques semaines, peut être dangereuse, en induisant une lipidose hépatique. L’adjonction de L-carnitine limite considérablement les conséquences néfastes des régimes de restriction calorique, tout en améliorant leur efficacité [1, 2].

Le calcul du besoin énergétique précis de chaque animal est fondé sur le poids cible (objectif à atteindre). Il doit tenir compte de son statut sexuel (entier ou castré), de son activité physique (sédentarité, vie en appartement) et de la vitesse d’amaigrissement souhaitée (tableau 3).

Modalités de distribution : quelques astuces

Le fractionnement de la ration alimentaire quotidienne en de nombreux petits repas (une dizaine) est une pratique conforme à l’éthogramme félin.

Même si sa mise en application n’est pas toujours aisée chez le chat, l’exercice physique est toujours recommandé en association avec un régime de l’obésité, pour augmenter l’efficacité nutritionnelle de la prescription diététique et tenir compte de l’impact des troubles du comportement alimentaire chez le chat captif. De plus, l’aliment industriel sous forme sèche (croquettes) s’adapte bien à une distribution fractionnée ou dissimulée (dans une balle ou un distributeur cylindrique percé de trous), mimant la quête de nourriture par l’action de chasse.

Dans certaines situations, l’association de plusieurs types d’aliments ou mixed feeding (produit sec ou humide, ration ménagère, complément de légumes très peu caloriques [courgette]) est judicieuse pour augmenter le volume de la ration journalière ou satisfaire les préférences alimentaires.

(1) Rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), novembre 2010.

ENCADRÉ 1
Comparaison des préparations commercialisées en France(1)

→ L’apport énergétique des aliments destinés aux chats obèses est assez variable, tant en France qu’à l’étranger [4]. Le rationnement pratique doit prendre en compte cette variabilité.

→ Pour les produits distribués dans notre pays, la densité est comprise entre :

– 286 et 393 kcal/100 g brut pour les aliments secs (croquettes) avec une moyenne de 329 kcal/100 g brut ;

– 57 et 101 kcal/100 g brut pour les aliments humides avec une moyenne de 81 kcal/100 g brut.

→ Afin de mieux comparer les aliments secs et humides, la référence à la matière sèche (MS) montre un groupe plus homogène avec des densités comprises entre 311 et 418 kcal/100 g MS, la moyenne se situant à 354 kcal/100 g MS.

(1) Selon les indications fournies par les industriels

ENCADRÉ 2
Détermination du RPC minimal

Un chat obèse dont le poids cible est de 5 kg a un besoin minimal en protéines de 4,5 (g) x 5 (kg) = 22,5 g.

Si son allocation énergétique en amaigrissement lent (1 % par semaine) est de 200 kcal EM ( = 40 (kcal) x 5 (kg)), le RPC de l’aliment industriel retenu doit être, au minimum, de 22,5/200 x 1 000 = 112,5 g/1 000 kcal EM.

RPC : rapport protido-calorique ; EM : énergie métabolisable.

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