Nouvelle émergence dans le nord de l’Europe : le virus Schmallenberg - Le Point Vétérinaire expert rural n° 323 du 01/03/2012
Le Point Vétérinaire expert rural n° 323 du 01/03/2012

MALADIES INFECTIEUSES EN ÉLEVAGE

Article de synthèse

Auteur(s) : Stéphan Zientara*, Jérôme Languille**, Sabine Pelzer***, Corinne Sailleau****, Cyril Viarouge*****, Alexandra Desprat******, Damien Vitour*******, Morgane Dominguez********, Emmanuel Bréard*********

Fonctions :
*Anses, UMR 1161 Anses/Inra/ENVA,
Laboratoire de santé animale de Maisons-Alfort,
23, av. du Général-de-Gaulle, 94706 Maisons-Alfort
**Direction générale de l’Alimentation,
251, rue de Vaugirard, 75732 Paris Cedex 15
***Laboratoire vétérinaire et alimentaire
départemental de Meurthe-et-Moselle,
domaine de Pixérécourt, 54220 Malzéville
****Anses, UMR 1161 Anses/Inra/ENVA,
Laboratoire de santé animale de Maisons-Alfort,
23, av. du Général-de-Gaulle, 94706 Maisons-Alfort
*****Anses, UMR 1161 Anses/Inra/ENVA,
Laboratoire de santé animale de Maisons-Alfort,
23, av. du Général-de-Gaulle, 94706 Maisons-Alfort
******Anses, UMR 1161 Anses/Inra/ENVA,
Laboratoire de santé animale de Maisons-Alfort,
23, av. du Général-de-Gaulle, 94706 Maisons-Alfort
*******Anses, UMR 1161 Anses/Inra/ENVA,
Laboratoire de santé animale de Maisons-Alfort,
23, av. du Général-de-Gaulle, 94706 Maisons-Alfort
********Anses, Direction scientifique des laboratoires, Plate-
forme de surveillance épidémiologique
en santé animale, Maisons-Alfort
*********Anses, UMR 1161 Anses/Inra/ENVA,
Laboratoire de santé animale de Maisons-Alfort,
23, av. du Général-de-Gaulle, 94706 Maisons-Alfort

La virémie de l’infection de la mère semble être de courte durée. Le cerveau est un prélèvement de choix sur les avortons.

Après l’émergence du virus de la fièvre catarrhale ovine (FCO) de sérotype 8 dans le nord de l’Europe (Pays-Bas, Belgique, Allemagne), pendant l’été 2006, et l’identification des virus de la FCO de sérotypes 6 et 11 respectivement en Belgique et aux Pays-Bas, en 2008, un nouveau virus vient d’être isolé fin 2011 dans cette même région [5]. Fin janvier 2012, cinq pays européens (Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Belgique et France) étaient infectés.

Cet article décrit les caractéristiques de ce virus et les mesures de surveillance à mettre en œuvre(1, 2).

LE VIRUS SCHMALLENBERG : UN NOUVEAU MEMBRE DANS UNE GRANDE FAMILLE D’INTÉRÊT

→ Ce virus appartient à la famille des Bunyaviridœ. Il se cultive notamment sur des cellules de lignées KC (c’est-à-dire de Culicoides), mais aussi Vero (reins de singe) et BHK (reins de hamster).

La famille est composée de cinq genres :

– Nairovirus ;

– Hantavirus ;

– Tospovirus ;

– Phlebovirus ;

– et Orthobunyavirus.

Certains membres sont importants en médecine vétérinaire :

– le virus de la fièvre de la vallée du Rift (Phlebovirus) ;

– le virus Akabane (Orthobunyavirus) ;

– le virus de la maladie de Nairobi (Nairovirus).

D’autres tels que les Hantavirus (dont le virus de la fièvre hémorragique à syndrome rénal), mais surtout le virus de la fièvre hémorragique de Congo-Crimée (Nairovirus) peuvent infecter gravement l’homme.

Le genre Orthobunyavirus contient 48 espèces, dont le virus Schmallenberg (ou SBV). Celui-ci comporte une enveloppe et son génome est composé d’ARN négatif. D’après sa séquence génétique, ce dernier est constitué de trois ARN simple brin de polarité négative appelés selon leur taille :

– S, pour short, qui code la nucléocapside (N) et la protéine non structurale NSs ;

– M, pour medium, qui code des protéines de surface (Gn et Gc) ;

– et L, pour long, qui code la polymérase.

Les degrés de parenté génétique ont été étudiés :

– le segment S présente 96 % de similitudes avec le segment homologue du virus Shamonda ;

– le segment M, 48 % de similitudes avec celui du virus Aino ;

– et le segment L, 70 % de similitudes avec celui du virus Akabane (figure 1).

→ Le virus Akabane, qui a été isolé pour la première fois au Japon en 1975, induit des malformations néonatales (arthrogrypose, hydranencéphalie, etc.) chez les bovins et les ovins [4]. Il circule en Asie, en Afrique, en Australie, et a été isolé plus récemment en Israël, en 2004.

Le virus Aino, présent en Asie et en Australie, est aussi responsable d’infections intra-utérines et provoque des anomalies chez les agneaux.

Akabane et Aino sont des arbovirus transmis par des Culicoides ou des moustiques.

Le virus Shamonda est très peu connu. Il a été isolé pour la première fois au Nigeria en 1965. Peu de données existent sur son épidémiologie et peu d’isolats sont disponibles dans le monde.

ÉMERGENCE ÉPIDÉMIOLOGIQUE EN EUROPE DÉBUT 2012

→ Le virus Schmallenberg a pour la première fois été mis en évidence en Allemagne à partir de prélèvements réalisés chez des bovins présentant une infection aiguë (encadré 1). Depuis, il a également été détecté chez des agneaux, des chevreaux et des veaux malformés, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique en décembre 2011, puis en France et au Royaume-Uni en janvier 2012 (tableau).

L’infection virale concerne principalement des élevages de moutons (172 sur un total de 186), précise l’Institut Friedrich Loeffler qui a isolé le virus pour la première fois en novembre dernier chez des bovins, dans la localité de Schmallenberg en Allemagne.

→ Le 25 Janvier 2012, le génome du virus Schmallenberg a été identifié par l’unité mixte de recherche (UMR) de virologie du Laboratoire de santé animale de Maisons-Alfort à partir de cerveaux d’agneaux mort-nés provenant de deux élevages respectivement situés dans les départements de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle. Au 30 Janvier 2012, 20 cas supplémentaires ont été confirmés dans divers départements situés dans le nord-est de la France (figure 2).

MODALITÉS DE LA SURVEILLANCE DU VIRUS SCHMALLENBERG

→ Dans la majorité des pays de l’Union européenne, une surveillance de cette infection a été mise en œuvre. En France, le protocole repose sur une surveillance événementielle des malformations chez les ruminants, qui a privilégié dans un premier temps une définition de cas plus sensible dans une zone nord-est semblant la plus exposée (Alsace, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Champagne-Ardenne). Sur recommandation de l’Anses, depuis la fin février, la définition des cas a été harmonisée sur le territoire) (encadré 2) [1, 2].

→ Ce protocole a été activé en Lorraine le vendredi 20 Janvier, avec le signalement le même jour par deux vétérinaires sanitaires, l’un du nord de la Moselle, l’autre du sud de la Meurthe-et-Moselle, de cas cliniques suspects dans deux élevages ovins, avec l’observation sur plusieurs agneaux mort-nés de signes très évocateurs tels que ceux décrits dans la note de service de la Direction générale de l’alimentation (Dgal).

→ Les agneaux suspects ont été acheminés au Laboratoire vétérinaire et alimentaire départemental de Meurthe-et-Moselle (LVAD 54) pour une autopsie, une décérébration et des prélèvements de l’encéphale et de la rate. Ces derniers ont été envoyés le lundi 23 Janvier au Laboratoire de santé animale de Maisons-Alfort avec les prélèvements de sang des brebis mères pour une recherche du virus Schmallenberg par PCR (polymerase chain reaction) en temps réel.

→ Depuis le 20 Janvier, les observations faites au LVAD 54 sur les avortons ou les agneaux mort-nés suspects autopsiés et prélevés confirment les descriptions caractéristiques relevées en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique. Des malformations diverses ont été constatées telles qu’une arthrogrypose, un raccourcissement des tendons du jarret, un torticolis, voire une torsion en S du sternum et du rachis, des déformations de la mâchoire et de la tête (photos 1a à 1d et 2a, 2b). À l’ouverture du crâne, une hydranencéphalie et une aplasie du cervelet sont parfois constatées, avec un liquide séro-hémorragique abondant à très abondant dans la cavité crânienne (photos 3a, 3b et 4).

D’autres lésions moins fréquentes peuvent être observées :

– des sinus hémorragiques et friables ;

– des lésions hémorragiques du foie avec des caillots sanguins, probablement d’origine traumatique liée à la compression des os du thorax.

L’autopsie des agneaux nés vivants ayant présenté des troubles nerveux et morts en quelques heures ou en quelques jours a permis d’observer une aplasie du cervelet, en l’absence d’autres signes ou de lésions.

→ Le protocole de surveillance en place depuis le 4 Janvier 2012 a révélé son efficacité, depuis le signalement le 20 Janvier, par les deux vétérinaires sanitaires, de cas suspects au laboratoire et à leur direction départementale de la protection des populations (DDPP) jusqu’à l’identification du génome du virus par PCR par l’UMR de virologie du Laboratoire de santé animale, à Maisons-Alfort, le 25 Janvier. Les divers acteurs sont intervenus de façon successive dans un court laps de temps. L’ensemble de ces étapes a été suivi et piloté conjointement par l’administration centrale (Dgal) et les services départementaux (DDPP) de Meurthe-et-Moselle et de Moselle.

Face à un veau, à un agneau ou à un chevreau mort-né ou malformé, des prélèvements (cerveau, sang) sont à demander au laboratoire départemental, lequel les adresse au Laboratoire de santé animale de Maisons-Alfort (UMR de virologie), seul susceptible, dans un premier temps, de procéder au diagnostic (encadré 3).

Conclusion

Encore une fois, l’Europe est confrontée à l’émergence d’un virus parfaitement inconnu en octobre 2011. Proche des arbovirus Akabane et Shamonda, il est probablement transmis par des insectes tels que les Culicoides et/ou les moustiques. L’aire de distribution de cette infection est étendue (Pays-Bas, Belgique, et régions de Rhénanie, de Westphalie et de Basse-Saxe en Allemagne).

De nombreuses questions restent ouvertes : quelle est la séroprévalence de l’infection en Europe ? Quels en sont les mécanismes physiopathogéniques ? Quels sont les modes de transmission ? Quelles sont les caractéristiques des paramètres biologiques de l’infection ? Allons-nous assister à une dissémination aussi rapide et étendue que celle du virus de la FCO de sérotype 8, ou bien cette infection restera-t-elle localisée dans le nord de l’Europe ?

À ce jour, il n’existe aucun vaccin contre cette infection. Aucune information n’est actuellement disponible sur une éventuelle protection croisée que des vaccins contre le virus Akabane pourraient conférer vis-à-vis du virus Schmallenberg.

Espérons cette fois que, contrairement à la FCO, l’origine et les circonstances de cette introduction seront élucidées.

  • (1) Voir l’article “État des lieux sur un nouveau venu européen : le virus Schmallenberg” de M. Dominguez et coll. Point Vét. 2012;322:44-46.

  • (2) Les experts scientifiques, les vétérinaires, les représentants d’organisations agricoles et les laboratoires pharmaceutiques du Réseau français pour la santé animale (RFSA) ont été mandatés par le ministère en charge de l’Agriculture pour définir des priorités de recherche afin, notamment, de mettre au point dans les meilleurs délais des outils de diagnostic sérologique et un vaccin adapté. Pour en savoir plus : http://www.rfsa.net/

  • http://www.survepi.org/cerepi/images/documents/20111115promed.pdf

Références

  • 1. Avis de l’Anses n° 2011-0349 relatif à « un nouveau virus identifié en Europe dénommé virus Schmallenberg » du 15 février 2012 accessible sur le site de l’Agence : http://www.anses.fr/
  • 2. Direction générale de l’alimentation. Note de service DGAL/SDSPA/N2012-8044 du 23 février 2012. Évolution du dispositif de surveillance du virus Schmallenberg (abroge et remplace la note de service DGAL/SDSPA/N2012-8007 du 4 janvier 2012).
  • 3. Hoffmann B, Scheuch M, Höper D et coll. Novel Orthobunyavirus in Cattle, Europe, 2011. Emerg. Infect. Dis. 2012;18(3): http://wwwnc.cdc.gov/eid/article/18/3/11-1905_article.htm
  • 4. Inaba Y, Kurogi H, Omori T. Akabane disease. Epizootic abortion, premature birth, still-birth and congenital arthropgryposis/hydranencephaly in cattle, sheep and goats caused by Akabane virus. Aust. Vet. J. 1975;51:584-585.
  • 5. Zientara S, Lecollinet S, Bréard E, Sailleau C, Boireau P. La fièvre du Nil occidental et la fièvre catarrhale ovine, deux viroses en progression inattendue. Bull. Acad. Vét. France. 2009;162(1):73-87.

ENCADRE 1 Rappel : première mise en évidence du virus Schmallenberg

Pendant l’été 2011, de nombreux cas de diarrhées associées à des chutes de production laitière ont été décrits chez des bovins, en Allemagne (en Rhénanie-du-Nord-Westphalie) et aux Pays-Bas. Des signes cliniques évocateurs de la fièvre catarrhate ovine (FCO) ont aussi été constatés, amenant à suspecter une reprise d’activité de ce virus.

Les scientifiques de l’Institut Friedrich Loeffler (île de Riems, Allemagne(3)), après avoir éliminé les principales causes connues susceptibles d’engendrer de telles manifestations cliniques (dont la FCO), ont identifié un nouveau virus auquel ils ont donné le nom de Schmallenberg, comme la commune d’origine du prélèvement qui a permis son isolement (située près de Dortmund) [2]. À partir de trois échantillons de sang de vaches laitières qui présentaient des signes cliniques, à l’aide de méthodes de métagénomique, des séquences d’Orthobunyavirus ont été détectées. Le virus a aussi été isolé à partir du sang d’une vache malade [3].

ENCADRÉ 2 Définition d’un cas suspect d’infection par le virus Schmallenberg en France

→ Agneau, veau ou chevreau dès le premier cas :

– fœtus ou nouveau-né présentant une ou plusieurs malformations (arthrogrypose, raccourcissement des tendons du jarret, déformation de la mâchoire, hydranencéphalie, torticolis, etc.) ou troubles nerveux (paralysie flasque, mouvements exagérés, hyperexcitabilité, difficulté à téter, ataxie, cécité).

→ Une fiche clinique avec illustrations est consultable sur le prototype du centre de ressources de la Plateforme de surveillance épidémiologique en santé animale : http://www.survepi.org/cerepi/

D’après [2]

ENCADRE 3 Diagnostic du virus Schmallenberg

→ Diagnostic virologique

Le virus peut être détecté puis isolé à partir d’échantillons de cerveau, de rate, de cœur ou de sang de l’avorton ou du mort-né. Contrairement à ce qui a été récemment publié, le sang de la mère d’un mort-né ne semble pas être le prélèvement de choix pour la détection du génome viral. En effet, la virémie de l’infection de la mère serait de courte durée (de 2 à 4 jours), et lorsque l’avorton ou le nouveau-né malformé est prélevé, la virémie chez sa génitrice n’est plus détectable depuis plusieurs mois. Le génome viral (plus précisément une séquence du segment L qui code la polymérase) peut être détecté par une technique de PCR en temps réel disponible au Laboratoire de santé animale (probablement transférable rapidement dans les laboratoires vétérinaires départementaux).

→ Diagnostic sérologique

Les anticorps postinfectieux peuvent être mis en évidence par la technique de séroneutralisation ou par immunofluorescence, mais ces deux procédés ne sont pas aisément décentralisables et automatisables.

Des méthodes Elisa sont en cours de développement. Elles permettront de réaliser des enquêtes sérologiques, afin de connaître la séroprévalence de l’infection dans les pays concernés.

Points forts

→ Le prélèvement de choix pour la détection du virus par PCR est un fragment de cerveau d’un avorton ou d’un nouveau-né euthanasié (virémie courte).

→ En plus des malformations ostéo-articulaires et intracrâniennes, des sinus hémorragiques et friables, et des caillots dans le foie sont occasionnellement constatés.

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