EN 10 ÉTAPES
Auteur(s) : Hélène Kolb*, Isabelle Testault**
Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire Atlantia
22, rue René-Viviani
44200 Nantes
L’examen échographique des glandes surrénales est difficile en raison du manque de spécificité de la plupart des lésions surrénaliennes.
L’échographie fait partie intégrante de la démarche diagnostique lors de l’exploration du syndrome de Cushing. Son interprétation doit tenir compte des données des explorations fonctionnelles. Les lésions non sécrétantes surrénaliennes constituent souvent des découvertes fortuites d’une échographie abdominale.
Le syndrome de Cushing est une des dysendocrinies les plus couramment rencontrées dans l’espèce canine. Il se traduit par une augmentation de la concentration du cortisol plasmatique, qui résulte d’un excès de sécrétion d’ACTH (adreno-corticotrophic hormone) soit par une tumeur hypophysaire (hyperadrénocorticisme d’origine hypophysaire [HACH]), soit par une tumeur surrénalienne sécrétante (hyperadrénocorticisme d’origine surrénalienne [HACS]). Le diagnostic repose sur l’analyse de données cliniques, biochimiques et d’imagerie, ainsi que sur l’analyse de dosages hormonaux (tests de freinages faible et fort à la dexaméthasone). Quatre-vingts pour cent des hyperadrénocorticismes sont d’origine hypophysaire, contre 20 % d’origine surrénalienne.
La majorité des cas d’HACH se traduit par une augmentation de l’épaisseur des deux glandes surrénales, qui dépasse alors 7,4 mm (épaisseur normale). Ainsi, lorsque les commémoratifs, les signes cliniques et les dosages hormonaux concluent à un syndrome de Cushing, l’observation de deux glandes surrénales d’épaisseur augmentée à l’examen échographique oriente davantage vers une origine hypophysaire (photos 1a et 1b). Cependant, dans 15 % des cas d’HACH, le manipulateur observe des glandes surrénales normales (épaisseur inférieure à 7,4 mm) ou asymétriques avec une seule surrénale d’épaisseur augmentée (photos 2a et 2b) [1]. De plus, certains chiens normaux ont une épaisseur surrénalienne supérieure à 7,4 mm (les animaux âgés par exemple) : une augmentation de l’épaisseur des glandes surrénales n’est donc pas toujours pathologique [10].
Vingt pour cent des syndromes de Cushing sont liés à une tumeur surrénalienne sécrétante.
Benchekroun et coll. ont étudié en 2010 les critères de différenciation entre un HACH et un HACS lorsqu’une asymétrie des glandes surrénales est visible [3]. Ils ont montré que lorsqu’une asymétrie surrénalienne est présente, si la plus petite des deux glandes surrénales est d’épaisseur inférieure à 5 mm, la glande surrénale controlatérale (la plus volumineuse) est le siège d’une tumeur sécrétante. Ainsi, lorsque les commémoratifs, les signes cliniques et les dosages hormonaux concluent à un syndrome de Cushing, le manipulateur peut diagnostiquer un HACS s’il observe une surrénale d’épaisseur augmentée (il s’agit de la tumeur sécrétante) et une surrénale d’épaisseur inférieure à 5 mm (photos 3a et 3b). L’examen échographique n’est pas toujours spécifique, car plusieurs autres cas de figure complexes sont rencontrés et constituent des pièges pour le manipulateur. Ce dernier peut ainsi passer à côté de nodules sécrétants de petite taille.
Les deux glandes surrénales peuvent être le siège de tumeurs primitives dont la nature histologique est parfois différente. Il est possible que l’animal présente une tumeur surrénalienne et une tumeur hypophysaire. Les glandes surrénales peuvent être de petite taille ou difficilement visibles lors de syndrome de Cushing iatrogène (induit par la prise importante de corticoïdes), etc. [8, 11].
Le syndrome de Cushing est rare chez le chat et s’observe en moyenne à l’âge de 10 à 11 ans, en majorité chez des femelles (70 %). Comme chez le chien, 80 % des syndromes de Cushing sont d’origine hypophysaire (adénome) et 20 % d’origine surrénalienne. La moitié des tumeurs surrénaliennes sécrétantes sont des adénomes, l’autre moitié se compose de carcinomes. Le diagnostic repose sur les signes cliniques (polyurie-polydipsie [PUPD], polyphagie), l’analyse des données biochimiques (dans 80 % des cas une hyperglycémie ou un diabète est associé), des examens hormonaux (tests de freinage) et sur l’échographie. Les critères échographiques sont identiques à ceux du chien : une hypertrophie surrénalienne bilatérale (épaisseur supérieure à 4,6 mm) est très évocatrice d’HACH tandis qu’une masse (ou nodule) surrénalienne unilatérale oriente davantage vers une tumeur surrénalienne sécrétante (photo 4). Cependant, comme chez le chien, il existe des pièges à l’échographie : les glandes surrénales peuvent être normales lors d’HACH, et, chez certains chats atteints d’HACS, les deux glandes surrénales sont hypertrophiées [7].
L’insuffisance surrénalienne est une dysendocrinie rare chez le chien. Il en résulte un défaut de sécrétion en minéralocorticoïdes, en glucocorticoïdes ou les deux. Chez le chien, la maladie d’Addison, ou hypoadrénocorticisme primaire, est la forme la plus connue. Elle est engendrée par une destruction ou une atrophie du cortex surrénalien, d’origine immunitaire. L’hypoadrénocorticisme secondaire est rare. Il est lié à un défaut de sécrétion d’ACTH par l’hypophyse. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’un hypoaldostéronisme. L’inconvénient du dosage de l’adostérone est le délai pour obtenir les résultats, alors que le clinicien ne dispose que de très peu de temps pour établir le diagnostic et mettre en place le traitement d’urgence, sous peine que la vie de l’animal ne soit menacée. Un prédiagnostic doit donc être rapidement établi. Le clinicien se fonde principalement sur les commémoratifs (souvent des chiennes jeunes), les signes cliniques et les données biochimiques (dont l’hyperkaliémie et l’hyponatrémie). L’examen échographique des glandes surrénales apporte également de précieux renseignements. Lors de maladie d’Addison, les deux glandes surrénales sont atrophiées : 2,2 à 3 mm pour la gauche, 2,2 à 3,4 mm pour la droite [9].
Cependant, même dans un contexte évocateur, l’échographie reste un examen complémentaire et ne doit pas dispenser le clinicien de doser l’aldostérone. De plus, un manipulateur non entraîné aura de grandes difficultés à visualiser des glandes surrénales atrophiées.
Le diagnostic différentiel des nodules et masses surrénaliens comprend les adénomes corticaux, les adénocarcinomes corticaux, les phéochromocytomes, les métastases et les nodules d’hyperplasie. Les tumeurs surrénaliennes ne sont pas toutes sécrétantes et ne sont donc pas toutes associées à des signes cliniques de maladie de Cushing. Les tumeurs surrénaliennes peuvent avoir pour origine le cortex (adénome, adénocarcinome, tumeur métastatique) ou la medulla (phéochromocytome, neuroblastome, ganglioblastome ou myélolipome). Les phéochromocytomes, rapportés chez le chien et le chat, sont rares et difficiles à diagnostiquer car ils ne sont pas toujours sécrétants [12]. Ils s’accompagnent de signes cliniques non spécifiques. En sécrétant majoritairement des catécholamines, ils peuvent entraîner une hypertension intermittente, une tachycardie, un souffle cardiaque ou un syndrome hémorragique. Les signes échographiques associés aux phéochromocytomes ne sont pas non plus spécifiques.
La taille et l’échogénicité des nodules et masses varient, et l’échographie, non spécifique, ne permet pas, en général, de connaître leur caractère bénin ou malin. Un nodule mesurant jusqu’à 2 cm peut être bénin ou malin, et une masse de 2 à 4 cm a un plus grand risque d’être maligne (photo 5). Dans une étude récente, 76 % des tumeurs malignes mesuraient plus de 2 cm d’épaisseur [4, 6]. Des phéochromocytomes et des adénocarcinomes peuvent apparaître sous la forme de petites lésions nodulaires, alors que certaines masses surrénaliennes volumineuses restent bénignes (adénomes ou nodules d’hyperplasie).
Le principal critère échographique en faveur d’une malignité est l’infiltration par le nodule ou la masse des organes ou des structures adjacentes (reins, muscles, vertèbres, tissus vasculaires). C’est le cas en particulier des carcinomes surrénaliens et des phéochromocytomes. Dans l’étude récente de Davis, 57 % des phéochromocytomes montrent un envahissement vasculaire [6]. Les tumeurs surrénaliennes droites sont susceptibles d’envahir la veine cave caudale, les veines phrénico-abdominales et rénales. La mise en évidence à l’échographie de l’envahissement n’est pas toujours aisée en raison de la petite taille de certains des vaisseaux précités. Cependant, la sensibilité et la spécificité de l’échographie dans la détection de l’envahissement vasculaire sont respectivement de 100 et de 96 % [6]. La visualisation d’un envahissement veineux en regard d’une tumeur surrénalienne laisse suspecter la malignité de cette dernière (photos 6a et 6b) [4].
Les lésions bénignes (hyperplasie, adénome) sont souvent associées à des glandes surrénales de forme conservée, alors que les contours irréguliers orientent davantage vers une malignité (photo 7) [4].
Les minéralisations au sein des glandes surrénales ne sont pas spécifiques des tumeurs malignes et s’observent parfois au sein des nodules d’hyperplasie. Les glandes surrénales chez le chat âgé peuvent également être minéralisées, de manière normale.
L’échographie des glandes surrénales chez le furet donne aussi de grandes indications, notamment sur la maladie surrénalienne (encadré).
L’examen échographique est devenu au fil des années un outil incontournable dans le diagnostic des lésions surrénaliennes. il permet d’identifier l’origine du syndrome de Cushing dans un très grand nombre de cas.
Aucun.
→ Aspect échographique normal des glandes surrénales chez le furet
Chez le furet, la technique d’exploration des glandes surrénales est la même que celle utilisée chez le chien. En particulier, le manipulateur emploie les mêmes repères vasculaires pour mettre en évidence les deux glandes. Une des difficultés dans cette espèce réside dans la confusion possible entre celles-ci et les nœuds lymphatiques avoisinants et souvent nombreux. Il est donc essentiel d’identifier avec précision les repères vasculaires pour détecter les surrénales. À l’examen échographique, les glandes surrénales sont plus ovoïdes et plus courtes, et leur épaisseur normale est inférieure à 3,9 mm (photo 8).
→ Aspect échographique anormal des glandes surrénales chez le furet
Chez le furet, il n’est pas question de syndrome de Cushing ou d’hypercorticisme, mais de maladie surrénalienne. Cela s’explique par le type d’hormones produit lors de maladie surrénalienne dans cette espèce ; il s’agit de stéroïdes sexuels en excès (estradiol, androstènedione, hydroxyprogestérone) et non de cortisol. Les signes cliniques sont une alopécie symétrique au niveau des flancs, une PUPD, une hypertrophie vulvaire chez la femelle ou prostatique chez le mâle, une agressivité chez le mâle, un prurit. À l’échographie, les glandes surrénales apparaissent hypertrophiées et dépassent 3,9 mm d’épaisseur (photo 9) [2]. Comme dans les autres espèces, l’aspect échographique n’est pas spécifique et il est difficile de différencier les lésions bénignes des lésions malignes. L’absence de graisse entre la glande et les structures vasculaires avoisinantes ou le foie et la déviation ou la compression des larges vaisseaux par la lésion surrénalienne sont des critères de malignité [5].
→ Lors d’hyperadrénocorticisme d’origine hypophysaire, les deux glandes surrénales sont souvent hypertrophiées.
→ Une glande surrénale hypertrophiée associée à une glande surrénale controlatérale inférieure à 5 mm est en faveur d’un hyperadrénocorticisme d’origine surrénalienne.
→ Lors de maladie d’Addison, les deux glandes surrénales sont atrophiées : 2,2 à 3 mm pour la gauche, 2,2 à 3,4 mm pour la droite.
→ Une masse surrénalienne dont la taille est comprise entre 2 et 4 cm présente un plus grand risque d’être maligne.
→ Une infiltration vasculaire par une masse surrénalienne est un critère majeur de malignité.
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