HOMEOPATHIE, AROMATHERAPIE ET MAMMITES
Étude
Auteur(s) : Marylise Le Guénic*, Guylaine Trou**, Julien François***
Fonctions :
*Chambre d’agriculture de Bretagne,
Recherche appliquée Pôle herbivores,
BP 398, 56009 Vannes Cedex
Les médecines alternatives sont attendues au tournant d’une agriculture éco-intensive et éco-antibio. Efficaces ? Sans risque ? Faciles ? Avant les preuves, retour d’expériences…
La préoccupation de réduire le recours aux antibiotiques est commune aux pouvoirs publics, au travers du plan ÉcoAntibio 2017, et à toutes les filières de production animale. Des éleveurs essaient différentes approches pour atteindre cet objectif. Ainsi et parallèlement à leur développement en médecine humaine, l’attrait pour les médecines dites naturelles ou douces auprès des éleveurs semble s’intensifier. Plus de 380 éleveurs ou futurs éleveurs ont été formés dans ces domaines depuis une dizaine d’années par les chambres d’agriculture avec un accroissement net ces dernières années.
Pour satisfaire l’ensemble des parties prenantes, du producteur au consommateur, ces médecines se doivent de répondre aux mêmes critères d’efficacité et d’innocuité que les thérapeutiques conventionnelles.
Une enquête a été réalisée dans 31 élevages bretons, aussi bien en système conventionnel qu’en agriculture biologique [1].
Son objectif était de décrire les pratiques en aromathérapie (huiles essentielles) et en homéopathie des éleveurs utilisateurs. L’efficacité de ces pratiques sur les mammites cliniques en lactation a parallèlement été étudiée.
Les résultats sont présentés sous forme graphique et discutés au fur et à mesure.
Les éleveurs qui ont suivi des formations aux médecines alternatives par les chambres d’agriculture ces dernières années, ainsi que des producteurs en agrobiologie ont été contactés par mail et/ou par téléphone. S’y sont ajoutés les éleveurs qui avaient participé à une enquête menée par le groupement de défense sanitaire (GDS) de Bretagne et qui étaient volontaires pour aller plus loin dans la valorisation de leur expérience [3]. L’étude porte sur un total de 31 éleveurs.
Dans cette étude, 16 éleveurs exerçaient en production conventionnelle et 15 en agriculture biologique.
Leurs systèmes d’élevage et les situations vis-à-vis des mammites subcliniques (comptages des cellules somatiques du lait) sont extrêmement variés (tableau 1).
Un questionnaire ouvert a permis de décrire leurs motivations et l’usage qu’ils font des médecines alternatives. L’évolution clinique des mamelles a été étudiée sur la base du registre de traitements, avec confirmation auprès de l’éleveur.
L’évolution des leucocytes, c’est-à-dire la guérison subclinique, a été évaluée sur la base des données de numérations cellulaires individuelles recueillies auprès de Bretagne Conseil Élevage Ouest (BCEL-Ouest) et Eilyps.
Le taux de guérisons cliniques, c’est-à-dire le pourcentage de mammites pour lesquelles les symptômes ont disparu (grumeaux ou inflammation), a été calculé le 5e jour d’évolution, selon la date d’évaluation proposée dans le référentiel de traitement des mammites de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), et à la fin du traitement.
Le taux de guérisons subcliniques a, lui aussi, été évalué selon la méthode de ce référentiel, en étudiant les comptages cellulaires 30 à 60 jours après, lorsque ceux-ci existaient. Les trois comptages successifs après mammite ont par ailleurs été analysés, en excluant les contrôles situés à moins de 15 jours de celle-ci. Les mammites ont été caractérisées par les symptômes observés et le statut de la vache auparavant (figure 1).
Sur les 31 éleveurs, 21 détectent les mammites par examen systématique des premiers jets (soit 67 %), 2 par conductivité du robot, 5 par examen ciblé des premiers jets sur les vaches douteuses et 3 par palpation et examen visuel de la mamelle.
Cette étude a porté sur 93 mammites avec inflammation de la mamelle, 51 avec seulement des grumeaux et 8 avec des symptômes généraux.
Dans cette étude, les conditions de détection des mammites étaient plutôt supérieures à la moyenne des élevages. Dès lors :
les informations de guérison clinique peuvent être considérées comme fiables ;
les mammites étaient détectées et soignées précocement ;
le profil des mammites traitées correspond pour une part à des mammites de type environnemental, dont le taux de guérison voire d’autoguérison est élevé.
Les pratiques d’utilisation des médecines alternatives sont très variées et aucun protocole type n’a émergé de cette étude (figure 2).
Treize éleveurs administrent des médicaments homéopathiques par voie orale. Dix répondants utilisent des spécialités vétérinaires homéopathiques, dont trois combinent les deux (vétérinaires ou non).
Les huiles essentielles sont d’un usage plus récent que l’homéopathie et s’y substituent parfois ou s’y ajoutent. Certains éleveurs qui prenaient en compte le comportement et le caractère propre de chaque animal dans le cadre d’une approche homéopathique trouvent l’usage de l’aromathérapie plus facile. Quatorze éleveurs utilisent les huiles essentielles pures et trois, des mélanges. Les durées de traitement sont diverses et souvent plus longues qu’avec des traitements antibiotiques, notamment en aromathérapie.
À 5 jours, 56 % des vaches sont guéries (85/152) et, à la fin du traitement, 77 % (117/152), d’où la satisfaction globale énoncée par les éleveurs utilisateurs de ces médicaments alternatifs.
Dans 54 % (38/70) des cas, les comptages cellulaires situés entre 30 et 60 jours après la mammite étaient inférieurs à 300 000 cellules par ml.
27 % des vaches pour lesquelles trois comptages après la mammite étaient disponibles en présentaient deux successifs inférieurs à 300 000 (32/119). À titre de comparaison, une étude relate un taux de guérisons bactériologiques de 74 % après traitement antibiotique (figure 3) [4].
Les taux de guérisons cliniques et subcliniques semblent meilleurs pour les vaches traitées par homéopathie. Peut-être avaient-elles une chance statistiquement plus élevée de guérir spontanément : 52 % étaient de statut S (saine) avant mammite, contre seulement 32 % des vaches traitées par aromathérapie. En effet, le taux de guérison est statistiquement plus élevé pour les vaches dont le dernier comptage avant mammite était inférieur à 200 000 (tableau 2). Cette hypothèse est contredite par le faible taux de guérisons subcliniques des vaches saines avant mammite traitées par aromathérapie : 18 % contre 51 % pour celles traitées par homéopathie.
Ces résultats sont surprenants. Les traitements homéopathiques n’ont pas prouvé de supériorité par rapport à des placebos [5].
D’autres études donnent des résultats de guérison subclinique encourageants pour des infections récentes traitées par aromathérapie.
La seule observation des évolutions leucocytaires ne permet pas de conclure. Des analyses bactériologiques auraient permis de définir un taux de guérison attendu en fonction des bactéries retrouvées.
Nous n’avons pas observé de différences en homéopathie entre des approches très individualisées à l’animal et des approches simplifiées.
Les échecs entraînent une persistance d’infection, avec des risques de contamination d’autres animaux à la traite et d’augmentation du taux cellulaire de tank. Dans les élevages à très bonne situation cellulaire, l’impact potentiel est faible. Dans une situation dégradée, il en est autrement (tableau 3).
Les pratiques observées montrent la nécessité d’une information sur certains points.
En matière d’homéopathie, les délais d’attente sont nuls pour les médicaments vétérinaires disposant d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou pour les médicaments homéopathiques issus de la pharmacopée humaine s’ils sont dilués au moins à un millionième, soit 3CH (photo).
Dans tous les cas, le lait d’une vache atteinte d’une mammite clinique ne doit pas être livré.
Les huiles essentielles sont des produits hautement concentrés qui nécessitent une vigilance pour l’animal, l’utilisateur et le consommateur : seule la prescription des huiles essentielles inscrites sur l’annexe II des LMR (limites maximales de résidus) du règlement CEE N37/2010 est autorisée [2]. En outre, la réglementation sur le médicament vétérinaire impose un délai d’attente forfaitaire de 7 jours pour le lait et de 28 jours pour la viande (principe de la cascade)(1).
Cette étude a permis de relier la satisfaction globale des éleveurs vis-à-vis des traitements alternatifs à des taux de guérisons cliniques corrects dans des élevages généralement plus attentifs que la moyenne. Les taux de guérisons subcliniques sont pour la plupart en deçà de l’efficacité des antibiotiques.
Si l’administration des substances homéopathiques pose peu d’interrogations en termes de toxicité ou de risque de résidus, la vigilance est de mise concernant les huiles essentielles, au moins d’un point de vue réglementaire.
Parmi les pratiques observées, seule l’utilisation de médicaments vétérinaires homéopathiques semble répondre aux critères d’innocuité, de conformité réglementaire et de reproductivité.
Les traitements homéopathiques réalisés chez des vaches qualifiées de saines avant la mammite clinique sont associés à des résultats encourageants qui réclament d’autres investigations, notamment bactériologiques.
(1) Voir la fiche “Homéopathie, phytothérapie, huiles essentielles et LMR”, à paraître prochainement dans le Point Vétérinaire.
Aucun.
→ Des usagers de l’homéopathie avouent être passés à l’aromathérapie par facilité.
→ Dans cette étude, les conditions de détection des mammites étaient plutôt supérieures à la moyenne des élevages.
→ Des analyses bactériologiques auraient permis de définir un taux de guérison attendu en fonction des bactéries retrouvées.
→ Il est possible, dans certaines situations qui restent à expertiser, de réduire l’usage des antibiotiques pour traiter les mammites en lactation sans occasionner de dégradation de la situation de l’élevage.
→ Les huiles essentielles sont des produits hautement concentrés qui nécessitent une vigilance pour l’animal, l’utilisateur et le consommateur.
aux éleveurs qui ont participé, aux conseillers, à Grégoire Kuntz (GDS de Bretagne) qui nous ont permis de les connaître ; à Marion Grès pour son implication dans son travail de thèse ; à la région Bretagne, au ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt et à l’association Gala pour leur participation financière.
Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »
L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.
En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire
Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.
Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Point Vétérinaire.
Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire