Dyspnée et abdomen aigus chez un chaton - Le Point Vétérinaire n° 399 du 01/10/2019
Le Point Vétérinaire n° 399 du 01/10/2019

HÉPATOLOGIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Cécile Roumilhac*, Maia Vanel**

Fonctions :
*Service de médecine.
**Service d’imagerie médicale
CHV ATLANTIA
44200 Nantes

Présentation clinique

Un chat européen mâle de 3 mois est présenté pour des difficultés respiratoires d’apparition aiguë. Aucun traumatisme n’est rapporté. L’animal n’est ni vacciné ni vermifugé et n’a pas accès à l’extérieur.

L’examen clinique révèle une dyspnée mixte avec une respiration gueule ouverte, ainsi qu’une hypothermie sévère (inférieure à 32 °C). Les muqueuses sont pâles. L’auscultation cardiaque montre une bradycardie. L’abdomen est distendu et douloureux. Des fèces diarrhéiques sont observées.

Afin d’explorer ces troubles, des radiographies thoraciques de face et de profil, incluant volontairement l’abdomen, sont réalisées pour faire un rapide état des lieux, tout en limitant la manipulation de l’animal. L’incidence dorsoventrale est privilégiée au vu de la détresse respiratoire (photos 1 et 2).

Qualité des images radiographiques

→ La densité, le contraste et la netteté sont de bonne qualité pour le thorax et de qualité suffisante pour l’abdomen, malgré des constantes inadaptées.

Description des images

→ La cavité thoracique et les structures musculo-squelettiques ne présentent pas d’anomalie visible. La cavité abdominale montre une perte de contraste généralisée. Son volume est augmenté. Des bulles aériques sont observées latéralement au côlon descendant. Certaines anses intestinales sont dilatées par de l’air. Des trajets aériques arborescents sont visibles sur l’aire de projection du foie. Aucune anomalie extra-abdominale n’est visualisée.

Interprétation

→ La perte de contraste associée à l’augmentation du volume abdominal est en faveur d’un épanchement ou d’une péritonite. Les bulles aériques latérales au côlon font suspecter un aible pneumo-abdomen qui oriente vers une perforation gastrique colmatée ou intestinale. Les fins trajets aériques superposés au foie évoquent de l’air dans le réseau biliaire ou la vascularisation hépatique portale. Il s’agit d’une pneumatose hépatique.

→ Afin de préciser le diagnostic, une échographie est réalisée. Elle confirme l’épanchement, le pneumoabdomen et la péritonite. Le foie est très hyperéchogène et de taille augmentée, son parenchyme n’est pas pénétré, empêchant la visualisation de la vascularisation et du système biliaire. L’examen révèle par ailleurs l’origine de cette pneumatose : une très sévère entérocolite d’origine parasitaire. Face au pronostic sombre, une décision d’euthanasie est prise.

DISCUSSION

Le mécanisme à l’origine de la présence de gaz portal ou biliaire reste, à ce jour, indéterminé. Des lésions importantes de la muqueuse digestive pourraient entraîner le passage d’air dans le système veineux porto-mésentérique (observation d’ulcérations intestinales dans 85 % des cas de pneumatose portale chez l’homme). Une production anormale de gaz par des bactéries gazogènes intestinales est une autre hypothèse. Toute affection susceptible de provoquer une ischémie ou de favoriser des lésions pariétales et une prolifération bactérienne peut entraîner une pneumatose hépatique. Elle est aussi décrite comme une complication des interventions endoscopiques et radiologiques [1].

Peu de cas sont rapportés chez les carnivores domestiques : dans l’un d’eux, une pneumatose portale est associée à une entérite hémorragique chez un chaton, tandis qu’un autre décrit un cas d’entérite hémorragique chez un chat [3, 4]. Dans l’occurrence relatée, l’entérocolite très grave, provoquée par la présence massive de parasites intestinaux, est sans doute à l’origine de la pneumatose.

Bien que la radiographie permette d’établir le diagnostic, l’échographie et le scanner sont des examens de choix. Ce dernier est le plus sensible pour diagnostiquer un pneumo-abdomen et pour différencier une localisation portale ou biliaire du gaz [2].

Peu de données sont disponibles sur le traitement et le pronostic. Le taux de mortalité est élevé [1].

Rappelons que la vermifugation des chatons est recommandée à l’âge de 3 semaines, 5 semaines, 7 semaines, puis une fois par mois jusqu’à 6 mois (http://www.esscap.fr).

Références

  • 1. Alqahtani S, Coffin CS, Burak K, et coll. Hepatic portal venous gas: a report of two cases and a review of the epidemiology, pathogenesis, diagnosis and approach to management. Can. J. Gastroenterol. 2007;21 (5):309-313.
  • 2. Faverzani S, Lodi M, Pagetti S. Imaging diagnosis portal venous gas in a dog. Vet. Radiol. Ultrasound. 2009;50 (3):312-313.
  • 3. Hutchinson KM, Tart K, Anderson KL, et coll. Pneumatosis of the intestines, colon and liver in a young cat. Vet. Med. Sci. 2018;4 (2):150-158.
  • 4. Walczak R, Paek M, Suran J, et coll. Radiography and ultrasonography of pneumatosis intestinalis in a cat. Vet. Radiol. Ultrasound. 2018:1-5.