ÉTAPE6 : Éléments figurés présents dans le culot anormal : cellules - Le Point Vétérinaire n° 399 du 01/10/2019
Le Point Vétérinaire n° 399 du 01/10/2019

En 10 Étapes

Auteur(s) : Margot Grebert*, Cathy Trumel**

Fonctions :
*Équipe de biologie médicale-histologie,
Crefre, université de Toulouse, Inserm-UPS-ENVT,
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse Cedex 03

Quatre grands types de cellules sont susceptibles d’être observés dans le sédiment urinaire chez des animaux sains ou lors de certaines affections du tractus urinaire ou de l’appareil génital. Leur identification peut faire appel à plusieurs types d’examen.

Plusieurs types de cellules, comprenant principalement des hématies, des leucocytes et des cellules épithéliales, peuvent être observés dans le sédiment urinaire chez des animaux sains ou lors de certaines affections. L’appréciation quantitative et morphologique de ces différentes populations, associée aux conditions préanalytiques, aux données cliniques ainsi qu’à d’autres éléments tels que la présence d’agents infectieux, de cristaux ou de cylindres, peut orienter vers un processus pathologique.

HÉMATIES

Des hématies sont fréquemment présentes dans les urines de chiens et de chats sains ou malades. Elles ont typiquement une couleur jaune pâle, une forme ronde à biconcave avec un aspect lisse. Chez le chien, elles mesurent 6 à 7 µm de diamètre (photo 1). Leur apparence peut être modifiée selon les conditions physicochimiques : il est alors possible d’observer des cellules fantômes (ghost cells) lorsqu’elles sont lysées, ou la ormation de spicules et de crénulations par perte d’eau (échinocytes).

Leur taille varie selon la densité de l’urine : lorsque celle-ci est faible, les hématies gonflent, apparaissent plus grosses et globuleuses. Elles sont difficiles à détecter si la densité est en dessous de 1,010, alors que pour une densité inférieure à 1,005, les cellules sont désintégrées et il est impossible de les repérer. Lors de la préparation du culot urinaire, la centrifugation entraîne une perte d’environ la moitié des hématies initialement présentes [5].

Il est classiquement admis que les animaux sains ne doivent pas avoir plus de 5 hématies par champ à fort grossissement (G*400). Cependant, des saignements d’origine iatrogène ne sont pas rares lors de prélèvements par cystocentèse, sondage ou taxis externe, et ce seuil peut alors être dépassé, même chez un animal “sain”. Il s’agit cependant d’hématurie, à laquelle peuvent être associées de nombreuses affections (encadré 1). Il est peu fréquent d’observer des cylindres hématiques, probablement en raison de leur fragilité, mais leur présence signe généralement un saignement d’origine rénale [5].

LEUCOCYTES

1. Reconnaissance

Les leucocytes sont sphériques, incolores et ont un aspect granuleux. Ils comprennent généralement une majorité de neutrophiles et, parfois, des lymphocytes et des macrophages. Leur aspect à l’examen du sédiment urinaire dépend du type de cellule et des conditions physico-chimiques des urines. Les neutrophiles mesurent une fois et demie à deux fois la taille d’une hématie ; leur noyau est rarement visible à l’examen du sédiment non coloré, mais il peut apparaître segmenté. Les leucocytes se rétractent dans l’urine concentrée et se dilatent dans des urines diluées. Il est possible de les observer isolés ou en amas, ce qui doit être considéré lors du comptage leucocytaire. Ils sont rapidement lysés lorsque les urines sont conservées à température ambiante et leur nombre peut chuter de moitié en 1 heure [2]. Une faible quantité de leucocytes est parfois présente dans le sédiment urinaire d’animaux sains (moins de 5 par champ à fort grossissement, G*400) [5].

2. Inflammation

Une augmentation du nombre de leucocytes dans les urines indique une inflammation du tractus urinaire ou génital, aussi appelée pyurie, et est généralement associée à une hématurie et à une protéinurie [5, 7]. Le mode de prélèvement des urines aide à déterminer l’origine de l’inflammation : lorsqu’elles sont récoltées par miction ou par sondage, les leucocytes peuvent provenir de l’ensemble du tractus urinaire et génital, tandis que si elles sont prélevées par cystocentèse, leur provenance la plus probable se situe entre le rein et l’urètre proximal. Cependant, une atteinte du bas appareil urinaire ne peut être exclue [5]. Par ailleurs, la présence de leucocytes au sein de cylindres (cylindres cellulaires) indique une probable origine tubulaire rénale, ou au moins en partie [5]. Une inflammation peut être secondaire à un processus infectieux ou non infectieux, par exemple lors de la présence de calculs, d’une tumeur ou d’un corps étranger (photo 2).

3. Infection du tractus urinaire

Une infection peut avoir pour origine les reins, les uretères, la vessie, l’urètre ou l’appareil génital du mâle ou de la femelle. En pratique, les infections sont différenciées en hautes et basses. Elles peuvent s’accompagner de signes cliniques ou être asymptomatiques, et ont dans la majorité des cas une origine bactérienne.

Les bactéries peuvent être détectées dans le sédiment urinaire à fort grossissement. Elles apparaissent sous la orme de bâtonnets (bacilles) ou de petites sphères (coques), isolées ou en paires, en chaînettes ou en amas. Elles sont agitées d’un mouvement brownien, lié à la chaleur générée par la lampe du microscope, et réfractent souvent la lumière. Une bactériurie est généralement associée à une pyurie et à une hématurie (photo 3). Lorsque les urines sont prélevées par cystocentèse, la présence de bactéries dans le sédiment indique une infection du tractus urinaire. Lors de prélèvement par sondage ou par miction naturelle, une contamination des urines par les voies externes est possible [3].

La présence dans le culot urinaire de particules de petite taille (gouttelettes lipidiques, organelles, débris ou cristaux amorphes), agitées d’un mouvement brownien et parfois difficiles à distinguer des bactéries, peut être à l’origine de faux positifs ou de aux négatifs et gêner la détection des bactéries [8]. Par conséquent, une bactériurie mise en évidence microscopiquement doit être confirmée par un examen bactériologique. La culture bactérienne en condition aérobie constitue le test de référence pour la détection d’une bactériurie. Néanmoins, de faux négatifs ou de aux positifs sont envisageables, par exemple lorsque les bactéries ne peuvent pas se multiplier (bactéries nécessitant un milieu particulier, ou à la suite d’une antibiothérapie) (encadré 2) [1, 4, 8].

Dans certains cas, il est possible d’observer une bactériurie sans pyurie concomitante (photo 4, encadré 3) [5]. La sensibilité de détection d’une bactériurie varie notamment selon la quantité de bactéries présentes : d’après certains auteurs, cette dernière est difficile à détecter si elle est inférieure à 10 000 bactéries/ìl pour des bacilles et 100 000 bactéries/ìl pour des coques. Certaines études montrent que l’examen du sédiment urinaire non coloré a une sensibilité de 75 % et une spécificité de 57 % pour la détection d’une bactériurie chez le chat, et une sensibilité de 77 % et une spécificité de 76 % chez le chien [8, 10]. Plusieurs publications mettent en avant l’intérêt des préparations cytologiques sèches colorées, qui amélioreraient les performances de l’analyse cytologique tout en offrant de meilleures sensibilité et spécificité(1) [8].

CELLULES ÉPITHÉLIALES

Les cellules épithéliales, parfois observées dans le sédiment urinaire de chiens et de chats, sont des cellules transitionnelles, des cellules superficielles squameuses et des cellules tubulaires rénales.

1. Cellules transitionnelles

Les cellules épithéliales transitionnelles sont généralement de taille moyenne (deux à quatre fois la taille d’un leucocyte). Elles peuvent être rondes, ovales à polygonales, avec un noyau central et un cytoplasme granuleux (photos 5a et 5b). Il est parfois délicat de distinguer de petites cellules épithéliales transitionnelles et des leucocytes et, en cas de doute, la cytologie colorée des urines peut se révéler nécessaire. Ces cellules proviennent de l’épithélium transitionnel qui borde le tractus urinaire, du pelvis rénal à l’urètre proximal. Souvent présentes en faible nombre chez les animaux sains, elles sont observées en plus grande quantité lors de prélèvement par sondage ou d’atteinte du tractus urinaire (calculs, inflammation, processus néoplasique ou irritatif comprenant notamment certains traitements de chimiothérapie comme le cyclophosphamide) [6].

2. Cellules squameuses

Les cellules épithéliales squameuses peuvent être kératinisées ou non kératinisées.

Les cellules non kératinisées sont originaires de l’urètre distal, du prépuce ou du vagin. Leur taille et leur forme sont variables : moyennes et rondes, ou grandes, plates et polygonales.

Les cellules squameuses kératinisées proviennent de la peau. Elles sont reconnaissables à leur grande taille et à leur aspect plat et anguleux ; elles contiennent parfois un noyau (photo 6). Les cellules kératinisées ont tendance à s’enrouler sur ellesmêmes, ce qui leur donne un aspect cylindrique qu’il convient de distinguer des cylindres.

La présence de cellules squameuses est le plus souvent liée à une contamination provenant de l’urètre, des voies génitales ou de la peau. Dans la plupart des cas, leur observation dans le sédiment urinaire n’a pas de signification clinique, mais elles peuvent occasionnellement refléter une métaplasie squameuse de la prostate chez le chien, dans le cadre d’une tumeur testiculaire de type sertolinome notamment.

3. Cellules tubulaires rénales

Les cellules tubulaires rénales sont de petite taille, souvent légèrement plus grandes qu’un neutrophile, de forme ronde à ovale et avec un noyau excentré. Des vacuoles lipidiques cytoplasmiques sont fréquemment présentes chez le chat ou le chien diabétique. La distinction entre leucocyte et cellule tubulaire rénale peut se révéler difficile. Elle repose sur des critères de taille et d’aspect du noyau, mais l’examen d’une lame de cytologie colorée est parfois nécessaire. Des cellules tubulaires rénales peuvent être observées chez l’animal sain. Si elles sont présentes en grande quantité ou si elles sont incorporées à des cylindres, une atteinte tubulaire rénale est à envisager [6, 9].

CELLULES NÉOPLASIQUES

Certains types de tumeurs peuvent s’accompagner d’une desquamation de cellules néoplasiques dans les urines. Ce phénomène s’observe principalement lors de carcinome à cellules transitionnelles. Cependant, les prélèvements sont souvent trop pauvres en cellules néoplasiques pour permettre un diagnostic cytologique. Les prélèvements par sondage ou un lavage vésical sont plus riches en cellules d’intérêt.

Les cellules néoplasiques présentent souvent des atypies cytonucléaires marquées. Dans le culot urinaire, il est possible d’observer de l’anisocaryose et de l’anisocytose, mais la cytologie colorée des urines est requise pour apprécier plus finement ces atypies (photo 7).

La présence de cellules épithéliales atypiques ou présentes en grand nombre ne reflète pas nécessairement un processus néoplasique. En effet, lors d’inflammation ou d’irritation, les cellules épithéliales peuvent être hyperplasiques, donc modifiées tant morphologiquement que quantitativement. Dans ce cas, l’historique de l’animal, le contexte clinique et les résultats des autres examens complémentaires, notamment de l’imagerie et de la bactériologie, sont très importants à prendre en compte [6].

Conclusion

L’hématurie et l’inflammation sont les causes les plus fréquentes d’une augmentation de la cellularité du sédiment urinaire. Une hématurie peut être observée lors d’un état pathologique, mais un saignement iatrogène est fréquent selon le type de prélèvement. En présence d’une inflammation, un examen bactériologique sur des urines prélevées par cystocentèse est toujours recommandé pour confirmer ou exclure une cause infectieuse. La présence de cellules épithéliales dans le sédiment urinaire peut résulter de divers mécanismes, les causes les plus fréquentes étant la desquamation et l’hyperplasie. La présence de cellules atypiques doit conduire à investiguer un processus néoplasique.

  • (1) La cytologie colorée des urines sera abordée dans l’étape 9.

Références

  • 1. Bartges J. Diagnosis of urinary tract infections. Vet. Clin. Small Anim. 2004;34:923-933.
  • 2. Bunjevac A, Gabaj NN, Miler M et coll. Preanalytics of urine sediment examination: effect of relative centrifugal force, tube type, volume of sample and supernatant removal. Biochem. Med. (Zagreb). 2018;28 (1):010707.
  • 3. Delanghe JR, Speeckaert MM. Preanalytics in urinalysis. Clin. Biochem. 2016;49:1346-1350.
  • 4. McGhie JA, Stayt J, Hosgood GL. Prevalence of bacteriuria in dogs without clinical signs of urinary tract infection presenting for elective surgical procedures. Aus. Vet. J. 2014;92:33-37.
  • 5. Osborne CA, Stevens JB. Urianalysis: a clinical guide to compassionate patient care. Shawnee mission, Bayer Corporation. 1999:214p.
  • 6. Rizzi TE, Valenciano A, Bowles M et coll. Atlas of canine and feline urinalysis. 1st ed. Hoboken, Blackwell Publishing. 2017:183p.
  • 7. Stockham SL, Scott MA. Fundamentals of veterinary clinical pathology. 2nd ed. Blackwell Publishing, Ames, Iowa. 2008:908p.
  • 8. Swenson CL, Boisvert AM, Gibbons-Burgener SN et coll. Evaluation of modified Wrightstaining of dried urinary sediment as a method for accurate detection of bacteriuria in cats. Vet. Clin. Pathol. 2011;40 (2):256-264.
  • 9. Vap L, Shropshire SB. Urine cytology collection, film preparation and evaluation. Vet. Clin. Small Anim. 2017;47:135-149.
  • 10. Way LI, Sullivan LA, Johnson V et coll. Comparison of routine urinalysis and urine Gram stain or detection of bacteriuria in dogs. J. Vet. Emerg. Crit. Care (San Antonio). 2013;23 (1):23-28.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1

Principales causes possibles d’hématurie

– Effet iatrogène : cystocentèse, sondage, palpation de la vessie.

– Traumatisme.

– Calculs.

– Infection du tractus urinaire (généralement associée à une leucocyturie, une protéinurie).

– Exercice soutenu.

– Tumeur.

– Troubles de l’hémostase.

– Congestion passive chronique des reins.

– Parasitisme.

– Œstrus.

– Traitement au cyclophosphamide.

D’après [5].

ENCADRÉ 2

Facteurs influençant le nombre de leucocytes dans le sédiment urinaire lors de bactériurie

– Lyse des leucocytes (délai de lecture, pH urinaire, densité urinaire).

– Volume d’urines produites.

– Volume d’urines centrifugées.

– Vitesse et durée de la centrifugation.

– Volume dans lequel le sédiment est remis en suspension.

– Agrégation leucocytaire.

– Suppression de l’inflammation : corticoïdes endogènes ou exogènes, antibiotiques.

– Capacité des agents pathogènes à induire une inflammation.

D’après [5].

Points forts

→ L’examen du sédiment urinaire permet de détecter une hématurie, une inflammation et la présence de cellules épithéliales en quantité anormalement élevée.

→ Lors de pyurie, l’absence de bactéries n’exclut pas un processus infectieux en raison de la aible sensibilité de cet examen. Une culture bactériologique est donc indiquée.

→ La présence de cellules épithéliales en quantité élevée doit conduire à investiguer un processus néoplasique, mais une hyperplasie doit faire partie du diagnostic différentiel. Le prélèvement par sondage peut également être responsable de cette anomalie.

ENCADRÉ 3

Facteurs explicatifs d’une culture bactérienne négative après la détection microscopique d’une bactériurie

– Bactéries non viables dans l’urine au moment du prélèvement.

– Bactéries viables, mais dans un état ne permettant pas la culture.

– Mort des bactéries entre le prélèvement et la mise en culture.

– Erreur de conservation du prélèvement.

– Technique de culture inadaptée.

– Erreur d’identification lors de l’examen du sédiment urinaire.

D’après [4, 5].