L’Autorité de la concurrence sanctionne les cartels vétérinaires - Le Point Vétérinaire n° 399 du 01/10/2019
Le Point Vétérinaire n° 399 du 01/10/2019

JURISPRUDENCE

Juridique

Auteur(s) : Christian Diaz

Fonctions : 7, rue Saint-Jean
31130 Balma

L’Autorité de la concurrence a lourdement sanctionné un grossiste répartiteur de médicaments vétérinaires pour des pratiques anticoncurrentielles.

Les faits

Le 4 décembre 2013, le ministre de l’Économie transmet au rapporteur général de l’Autorité de la concurrence le résultat des investigations menées par ses services dans le secteur de la distribution de produits vétérinaires. Il lui communique un rapport administratif d’enquête qui identifie, dans ce secteur, des pratiques susceptibles d’être contraires à l’article L.420-1 du Code de commerce (ententes illicites faussant le jeu de la concurrence).

Il est reproché aux sociétés A (en tant qu’auteur), AF (en tant que société mère) et C d’avoir participé à une entente sur les marchés français de la distribution en gros de médicaments vétérinaires (…) en mettant en œuvre, dans le cadre de réunions bilatérales, un accord qualifié par les entreprises mises en cause de « pacte de non-agression visant à se répartir la clientèle ». Cette pratique a eu « pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés français de la distribution en gros de médicaments vétérinaires (…) » (grief n° 1) et « d’imposer sur le marché de la distribution des vaccins contre la FCO en France, de 2008 à 2010, un mode d’organisation substituant au libre exercice de la concurrence (…) une collusion généralisée entre les distributeurs en gros portant atteinte à la fixation des prix par le libre jeu du marché » (grief n° 3).

Comme toutes les parties concernées ont sollicité le bénéfice d’une transaction, l’amende convenue devait être comprise entre 6 et 11 millions d’euros pour les sociétés A et AF.

L’Autorité de la concurrence a retenu que les distributeurs en gros ont profité de l’urgence sanitaire liée à la propagation rapide de la fièvre catarrhale ovine (FCO), et de l’absence d’appel d’offres, pour induire sciemment en erreur l’acheteur public sur les véritables coûts logistiques de livraison des vaccins supportés par chacun d’entre eux, compromettant ainsi la bonne utilisation des deniers publics.

En conséquence, l’Autorité a infligé aux entreprises poursuivies des sanctions pécuniaires comprises entre 3 000 € et 10 millions. Les sociétés A et AF ont été solidairement condamnées à une sanction inancière unique de 10 millions. Les deux sociétés ont déposé un recours contre cette amende, la plus lourde des sanctions prononcées.

Le jugement

La cour d’appel de Paris a rejeté les recours pour les motifs suivants :

– l’amende se situe dans la “fourchette transactionnelle” préalablement acceptée ;

– la sanction est proportionnée aux ressources de l’entreprise et à la gravité des aits : la société C, condamnée à une amende de 4,3 millions, réalise un chiffre d’affaires de 174 millions, alors que celui de la société A est supérieur à 600 millions ;

– une telle sanction, qui représente 1,65 % du chiffre d’affaires, ne met pas en péril l’activité de la société A, dont les fonds propres sont supérieurs à 50 millions, et si le résultat de l’année 2017 est bien déficitaire de 4 millions, cela est dû à l’enregistrement de l’amende ;

– les créances clients mobilisables sont supérieures à 50 millions, il suffit donc d’en mobiliser 20 % pour payer l’amende.

Pédagogie du jugement

En économie, un cartel est une entente conclue de manière explicite ou tacite entre plusieurs entreprises indépendantes dans un même secteur d’activité, dans le but de limiter la concurrence, de contrôler le marché et de maximiser leurs profits.

L’Autorité de la concurrence a pour mission de sanctionner ces pratiques. En 2013, elle avait épinglé un Ordre régional vétérinaire (25 000 €) et le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (5 000 €) pour avoir tenté d’imposer une grille tarifaire aux vétérinaires qui intervenaient au service d’une association de protection animale.

Les sanctions infligées par l’Autorité peuvent être très lourdes. En 2015, le cartel des produits laitiers et Orange ont ainsi dû débourser respectivement 193 millions pour entente illicite, et 350 millions pour abus de position dominante.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Source

Cour d’appel de Paris, arrêt du 13 juin 2019, n° 18/20229.