CORTICOTHÉRAPIE ET ANTIBIOTHÉRAPIE
Thérapeutique
Auteur(s) : Hervé Pouliquen*, Yassine Mallem**
Fonctions :
*Unité de pharmacologie et toxicologie
Oniris, site de La Chantrerie
101, route de Gachet
44300 Nantes
**Auteur-coordinateur :
Les glucocorticoïdes peuvent avoir une place dans la prise en charge d’infections bactériennes sévères, mais leur utilisation dans le contexte d’infections virales est plus délicate, voire délétère.
En 1950, Philip Showalter Hench, Edward Calvin Kendal l et Tadeusz Reichstein sont lauréats du prix Nobel de médecine pour leurs découvertes sur les hormones du cortex des glandes surrénales. Ils ont notamment montré l’indication d’un extrait de glande surrénale comme traitement adjuvant aux antibiotiques de certaines infections. L’essor de la bithérapie associant glucocorticoïdes et antibiotiques est rapidement retombé, en raison de la crainte d’une diminution des défenses immunitaires [2]. Depuis une dizaine d’années, elle fait de nouveau l’actualité, sous l’hypothèse de l’existence d’une réponse inflammatoire autœntretenue de l’hôte sur laquelle les antibiotiques n’agissent pas [3].
Les glucocorticoïdes diminuent l’immunité cellulaire et humorale. Ils bloquent l’expression des gènes codant pour des molécules proinflammatoires, notamment les cytokines, y compris l’interleukine 1 [3]. De plus, ils diminuent la fonction cellulaire des leucocytes, des cellules endothéliales et des macrophages [3]. Le risque d’immunosuppression existe à court terme (une à deux semaines par voie orale ou forme immédiate par voie parentérale), mais surtout à moyen et long termes (plusieurs semaines par voie orale ou forme retard à usage répété). Les glucocorticoïdes augmentent donc le risque d’extériorisation ou d’amplification de maladies bactériennes, et surtout virales, de manière temps et dose dépendants [1, 3, 6]. En effet, l’antibiothérapie permet de combattre la bactérie, si le spectre de l’antibiotique est adapté, mais pas le virus, qui peut proliférer avec la baisse de l’immunité. Les glucocorticoïdes doivent donc être utilisés de manière réfléchie, au cas par cas, lors d’inflammations d’origine infectieuse [1, 6]. La balance bénéfice/risque, qui est le rapport entre la diminution de la réaction inflammatoire et l’action immunosuppressive, donc “proinfectieuse”, prend ici toute sa signification.
De plus, quelques rares interactions pharmacologiques sont décrites. Par exemple, l’érythromycine inhibe l’élimination de la méthylprednisolone [4].
Une spécialité pharmaceutique vétérinaire, associant la méthylprednisolone à deux antibiotiques (benzylpénicilline et néomycine), est indiquée par voie parentérale chez les bovins, les chiens et les chats. Néanmoins, il n’est judicieux d’associer un glucocorticoïde à un antibiotique que de manière très ponctuelle, ou en connaissant la sensibilité de la bactérie à l’antibiotique [3]. Cette précaution est nécessaire, que les glucocorticoïdes soient administrés par voie générale ou par voie locale [5].
Des essais cliniques concernant la bithérapie (glucocorticoïdes et antibiotique) existent en médecine humaine. La plupart d’entre eux sont d’une puissance faible, même si certains sont randomisés, prospectifs et parfois en double aveugle [1, 3, 6]. Il semble possible d’extrapoler de ces études menées chez l’homme des indications dans lesquelles les glucocorticoïdes sont conseillés, discutables ou contre-indiqués en médecine vétérinaire (tableau).