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COURS
Auteur(s) : Geneviève André-Fontaine
Fonctions : Unité de bactériologie médicale
et moléculaire des leptospires
ENVN
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 03
Chez le chien, particulièrement sensible à la leptospirose, l'efficacité du vaccin est relative et les signes cliniques, polymorphes, ne correspondent pas toujours à la forme ictérohémorragique classiquement décrite.
Affection classique du chien, la leptospirose fait partie des maladies infectieuses pour lesquelles une vaccination systématique est préconisée. Le chien est en effet l'une des espèces les plus sensibles, puisque la leptospirose emprunte une forme aiguë souvent létale. Le programme de vaccination comprend donc les valences “leptospirose” associées aux valences virales habituelles préconisées chez le chien. En effet, cette vaccination comporte deux valences, pour des raisons bactériologiques d'une part et épidémiologiques d'autre part.
Il est difficile de diagnostiquer cette affection sur les seuls arguments cliniques et la vaccination, telle qu'elle est habituellement pratiquée, est d'une efficacité relative. Ces différentes interrogations sont donc abordées à partir des caractéristiques bactériologiques qui les expliquent pour une grande part (voir l'encadré “Aspects bactériologiques des leptospires”).
Logiquement, la diversité bactériologique des leptospires est à l'origine d'expressions cliniques différentes.
Des formes suraiguës sans symptomatologie caractéristique peuvent survenir et provoquer la mort brutale de l'animal.
Plus souvent, la leptospirose est connue sous des formes aiguës, fébriles, souvent létales en l'absence d'un traitement précoce approprié (cf. plus bas) : une gastro-entérite hémorragique (encore appelée typhus, terme repris depuis son apparition pour la parvovirose aiguë), un ictère dit “flamboyant” en raison de la fréquente congestion muqueuse associée (PHOTO 1), un syndrome urémique ou une insuffisance rénale aiguë [11]. Il est d'usage, sur cette simple observation du tableau clinique (sans confirmation bactériologique), d'attribuer les phénomènes hémorragiques et l'ictère à Icterohaemorrhagiae et la néphrite à Canicola.
En réalité, quelle que soit la souche, après pénétration dans l'organisme, les leptospires se multiplient dans le sang et diffusent vers les tissus. Le foie et le rein sont les tissus cibles des leptospires, sans exclure la colonisation d'autres organes (œil ou poumon, par exemple). Ceci signifie que les formes aiguës classiquement attribuées aux deux seuls sérogroupes employés dans les préparations vaccinales peuvent être en réalité induites par des leptospires qui appartiennent à des sérogroupes différents, mais provoquent des signes cliniques similaires à ceux décrits pour Canicola et Icterohaemorrhagiae. Ainsi, à partir de chiens morts de leptospirose dite “ictéro-hémorragique”, des souches létales appartenant aux sérogroupes Pyrogenes, Autumnalis, Australis, etc. ont été isolées dans notre laboratoire.
Après avoir manifesté la maladie, le chien développe des anticorps agglutinants essentiellement dirigés contre le sérogroupe à l'origine de l'infection. Ainsi, le TABLEAU “ Répartition des résultats sérologiques par sérogroupe chez 397chiens positifs” permet de constater qu'un nombre non négligeable de chiens développent des titres considérés élevés (( 320) pour différents sérogroupes qui n'appartenaient pas aux valences vaccinales, témoins d'une infection leptospirosique d'évolution récente.
Les remontées de terrain montrent que ces formes dramatiques sont cependant en nombre limité en raison de la vaccination, mais aussi de la variabilité du pouvoir pathogène intrinsèque des souches, quels que soient leurs sérogroupes.
Ce même TABLEAU dresse le bilan des résultats sérologiques pour des animaux amenés en consultation et donc généralement souffrant de troubles cliniques. Il apparaît que de nombreux animaux sont effectivement infectés par des leptospires autres que Canicola et Icterohaemorrhagiae, parmi lesquels les sérogroupes Australis et Sejroë sont essentiellement retrouvés. Or, ces deux sérogroupes sont associés à une expression très protéiforme de leptospirose, comme des formes chroniques, au premier rang desquelles figure l'hépatite chronique. L'évolution persistante de cette hépatite [10] est à l'origine de différents signes cliniques : anorexie, diarrhée, ascite (PHOTO 2) et le syndrome si fréquent de polyuro-polydipsie. Ainsi, ces différents troubles ont pu être observés dans une colonie de chiens infectés par des souches qui appartiennent aux sérogroupes Sejroë et Australis [1]. L'insuffisance rénale chronique, liée au développement de lésions d'amyloïdose, peut être associée à une infection chronique par les leptospires.
Le chien est donc exposé et sensible à de nombreux sérogroupes.
Les rongeurs, en particulier le rat, sont des réservoirs de leptospires. Un réservoir est représenté par une ou plusieurs espèces réceptives à l'infection, qui assure la multiplication des germes, sans nécessairement en souffrir. Une espèce est un réservoir d'autant plus efficace que les individus qui la composent développent un véritable équilibre avec le germe, grâce à leurs propres facteurs de limitation de l'invasion microbienne (qu'ils soient génétiques et/ou immunologiques). Les réservoirs infectés restent fréquemment porteurs, excréteurs et donc disséminateurs de germes. Les rongeurs sont des réservoirs de nombreux sérovars. Les rats surmulots sont fréquemment porteurs et excréteurs de souches du groupe Icterohaemorrhagiae, le mulot de souches des groupes Ballum ou Sejroë [2], mais il n'existe pas à proprement parler de réservoir spécifique pour un sérogroupe donné, même si, en fonction des sites, un sérogroupe est davantage associé qu'un autre à une espèce donnée. Ainsi par exemple, la prolifération sur le territoire français du ragondin rongeur originaire d'Amérique latine, favorise la pression infectieuse du sérogroupe Icterohaemorrhagiae, dont la prévalence est forte et souvent associée à des formes graves, tant humaines qu'animales [9]. Les rongeurs ne sont toutefois pas les seuls réservoirs de leptospires. Le hérisson est un réservoir du groupe Australis, très actif en pathologie animale. Nombreux sont donc les mammifères de la faune sauvage qui entretiennent les leptospires, mais le portage et l'excrétion ne sont pas l'exclusivité des animaux de la faune sauvage.
Les animaux domestiques, comme les ruminants, les porcs et les chevaux, sont des espèces réceptives et sensibles aux leptospires, quoique à un degré moindre que le chien (voir la FIGURE “Cycle épidémiologique des leptospiroses”). Il n'en demeure pas moins qu'infectées, toutes ces espèces peuvent devenir une source de contamination, puisqu'elles peuvent devenir excrétrices de leptospires [2].
Cette excrétion est assurée par l'urine. En effet, le rein est un tissu cible des leptospires dans lequel les germes persistent après la phase de septicémie et continuent même à se multiplier à bas bruit, sans nécessairement provoquer de signes cliniques, surtout chez les rongeurs. Les mécanismes de cette persistance au niveau du rein, même en présence d'anticorps, ne sont pas totalement élucidés, mais s'expliquent probablement par la pénétration cellulaire des leptospires, site dans lequel ils sont à l'abri des anticorps et des antibiotiques. Des espèces peu sensibles comme les rongeurs restent donc porteuses et excrétrices de leptospires pendant des mois et des animaux domestiques infectés peuvent devenir porteurs, y compris ceux qui expriment des signes cliniques si le traitement n'est pas suffisamment prolongé (cf. plus bas).
Le cycle épidémiologique des leptospires fait donc intervenir de très nombreuses espèces de mammifères susceptibles d'être infectés, mais dont la sensibilité clinique est très variable ; minimale chez les rongeurs, elle est maximale chez le chien et chez l'homme.
Le contact direct avec des animaux excréteurs n'est cependant pas systématiquement à l'origine de la contamination du chien et des autres espèces.
Une caractéristique majeure des leptospires influe sur les risques de contamination : leur résistance dans le milieu extérieur. Très fragiles dans les tissus animaux où leur lyse intervient rapidement, très sensibles à la dessiccation, les leptospires possèdent une grande résistance encore mal comprise dans les zones humides, plus particulièrement dans des eaux douces, à un pH légèrement alcalin et sous des températures entre 4 et 30 °C. Les urines des multiples porteurs rénaux contaminent donc l'environnement dans lequel les leptospires persistent longuement. Les leptospires présents dans les urines d'animaux excréteurs ou dans l'eau douce contaminée par ces mêmes urines pénètrent alors dans l'organisme par une simple effraction cutanée ou muqueuse. Très mobiles, ils gagnent immédiatement le sang dans lequel ils se multiplient avec les conséquences vues plus haut.
En raison du caractère polymorphe des signes cliniques, les examens complémentaires sont indispensables et doivent être ciblés sur les conséquences hématologiques de la septicémie, ainsi que sur les marqueurs d'atteinte hépatique et rénale.
Le pouvoir pathogène des leptospires, lié à la présence de différentes cytolysines, dont une hémolysine, induit des perturbations hématologiques. Comme cela est classique lors d'une septicémie, la population leucocytaire est modifiée quantitativement et qualitativement. Une leucocytose est constatée, mais elle survient après une leucopénie fugace (vers le quatrième jour après l'infection dans des conditions expérimentales). Quelques jours plus tard, la numération est inversée, avec une leucocytose parfois élevée essentiellement liée à l'augmentation des granulocytes. Une chute brutale et intense des thrombocytes est constatée dans les trois à cinq jours après l'infection. En fonction de l'évolution clinique, une récupération aussi rapide que la chute a été brutale est observée. Transitoirement, une anémie régénérative est constatée. L'interprétation des examens hématologiques est donc difficile, car le profil d'un animal est variable d'un jour à l'autre et passe par les valeurs usuelles au cours de cette fluctuation.
Les paramètres de choix pour diagnostiquer les formes aiguës sont les marqueurs de la cytolyse hépatique, au premier rang desquels se trouvent les transaminases, en particulier l'alanine aminotransférase (ALAT). L'augmentation des paramètres qui permettent d'apprécier l'activité fonctionnelle du foie, tels que la bilirubine totale et conjuguée et les acides biliaires sériques, apporte des informations au cours, tant des formesaiguësquedes formes chroniques : la hausse de la bilirubine conjuguée est souvent le signe d'un ictère d'origine hémolytique, mais aussi d'origine hépatique. La bilirubine totale augmentée traduit l'affection hépatobiliaire. En revanche, l'augmentation des acides biliaires apparaît lors d'un dysfonctionnement hépatique dû, soit aux lésions hépatocellulaires, soit à la diminution de la vascularisation hépatique liée à des phénomènes de cirrhose [3].
En ce qui concerne l'atteinte rénale, les dosages de l'urée sanguine et de la créatininémie sont les plus informatifs.
Le diagnostic spécifique repose sur la mise en évidence directe des leptospires ou de la réponse immunitaire, plus particulièrement sérologique, qu'ils ont induite chez l'animal infecté.
L'observation microscopique directe, souvent préconisée, nécessite l'emploi d'un microscope à fond noir, car les leptospires sont trop fins (inférieurs à 0,2 (m) pour être visualisés au microscope optique ordinaire. Cet examen ne peut en outre être envisagé que sur un prélèvement très récent (dans les heures qui suivent), car les leptospires sont rapidement lysés dans les prélèvements biologiques. Leur observation et leur identification réclament en outre un œil exercé et la confusion est aisée avec des filaments de fibrine ou différents débris cellulaires.
La culture permet le diagnostic de certitude. Très délicate à réaliser en raison de la nécessité d'utiliser des milieux spécifiques des leptospires, elle doit être réalisée dans un délai rapide après le prélèvement. Elle ne peut toutefois constituer qu'une confirmation tardive du diagnostic : un isolement demande un délai minimum de quinze jours jusqu'à deux mois, en raison du temps de doublement considérable des leptospires (près de vingt heures, alors qu'un colibacille ne met que quinze minutes).
La culture est efficace à partir du sang (prélevé sur héparine), sous réserve que le prélèvement soit mis en culture dans les heures suivantes. En revanche, les prélèvements d'urine, matière virulente de choix si l'évolution de l'infection est prise en compte, ne peuvent être utilisables en culture que si le prélèvement est réalisé dans des conditions d'asepsie parfaite, ce qui nécessite généralement la réalisation d'une cystocentèse.
Une alternative séduisante de la culture est le test PCR (polymerase chain reaction) qui permet de mettre en évidence des fragments génomiques spécifiques du germe recherché dans un prélèvement. Ceci sous-entend que l'intégrité bactérienne n'a pas à être conservée comme pour la culture. Comme l'analyse réclame en outre peu de temps, la PCR devient ou plutôt, va devenir un outil de diagnostic opérationnel. Ce test, employé avec succès dans des conditions strictes d'utilisation pour des cas hospitalisés de leptospirose aiguë humaine, n'est encore qu'expérimental dans le domaine vétérinaire, puisque sa validation n'est pas achevée.
L'étude de la réaction sérologique est actuellement très employée, mais elle souffre de handicaps majeurs, au premier rang desquels se situe le délai d'apparition des anticorps post-infectieux. Les anticorps anti-leptospires ne sont en effet détectables qu'une dizaine de jours en moyenne après l'infection. Cela implique qu'en cas de suspicion d'une forme aiguë, qui repose sur les éléments épidémiologiques et cliniques, il convient de mettre en place une thérapeutique efficace avant d'obtenir les résultats de l'analyse sérologique. En revanche, cette analyse prend toute sa valeur diagnostique pour les formes chroniques d'évolution plus lente.
L'analyse sérologique, pour être informative, doit permettre de trancher sur la présence d'anticorps postvaccinaux, si fréquents chez le chien, et celle d'anticorps postinfectieux (voir le TABLEAU “Répartition des résultats sérologiques par sérogroupe chez 397 chiens positifs”). Ceci suppose que la méthode employée soit à la fois qualitative (contre quel sérogroupe les anticorps détectés sont-ils dirigés ?) et quantitative (le titre sérologique observé est-il représentatif d'un contact ancien, y compris vaccinal, ou d'une infection d'évolution en cours ou récente ?).
Pour répondre à ces objectifs, le test de référence, qui est le test d'agglutination microscopique (MAT), est le seul disponible. Sa réalisation nécessite un panel de souches vivantes et une lecture au microscope à fond noir.
Les tests ELISA ou d'agglutination sur lame ne permettent qu'une réponse globale, sans distinction possible entre une réponse vaccinale et une réponse postinfectieuse.
Bactéries fragiles, les leptospires sont sensibles à toutes les familles d'antibiotiques, sans développer de résistance connue. Le choix des antibiotiques doit toutefois être guidé par les aspects cliniques et par l'objectif recherché, qui est double.
Dans un premier temps, il est nécessaire de guérir l'animal. En phase de septicémie, les (-lactamines sont les antibiotiques indiqués, en particulier l'amoxicilline et l'ampicilline, faiblement toxiques et plus efficaces que les céphalosporines. Un traitement médical de réanimation intensive est mis en place, notamment lors d'insuffisance rénale aiguë (perfusions et dialyses).
Après la récupération clinique des fonctions hépatiques et rénales, il convient de poursuivre le traitement pendant deux à trois semaines afin d'éviter la deuxième étape, constituée par le portage rénal. Dans ce but, la streptomycine est l'antibiotique de choix, mais en raison de sa toxicité, rénale en particulier, son emploi n'est conseillé qu'en fin de traitement d'une leptospirose aiguë.
Lors de formes chroniques, hépatiques ou rénales, il est nécessaire d'entreprendre un traitement pendant trois à quatre semaines avec des antibiotiques bien tolérés, tels que l'amoxicilline ou la doxycycline. Néanmoins, si les lésions évoluent depuis longtemps, le traitement ne permet pas une récupération fonctionnelle correcte, même après la disparition des leptospires. Les formes chroniques de leptospirose (y compris chez des chiens vaccinés) ont été décrites trop récemment pour que des données thérapeutiques sur l'efficacité comparée des antibiotiques soient disponibles.
Le but de la vaccination du chien contre la leptospirose est de protéger l'individu vacciné d'une maladie exprimée. Cet objectif est globalement réalisé pour les sérogroupes qui entrent dans la composition des vaccins [8]. Les différents types de vaccins mis sur le marché actuellement en France ont la même composition, c'est-à-dire Icterohaemorrhagiae et Canicola. Il n'existe que peu de différences entre ces préparations. La protection contre la forme létale induite par une souche sauvage d'Icterohaemorrhagiae ou de Canicola est globalement assurée avec les programmes de vaccination recommandés par les producteurs. La vaccination n'empêche toutefois pas l'infection par d'autres sérogroupes, voire même par Icterohaemorrhagiae et Canicola.
Le commémoratif selon lequel le chien est vacciné ne permet donc en rien d'exclure une évolution de leptospirose clinique aiguë et, a fortiori, chronique. L'introduction d'autres sérogroupes a ainsi été envisagée, mais il est illusoire d'imaginer des préparations vaccinales composées de plus de vingt valences qui correspondent à la diversité des leptospires.
Ces vaccins sont en outre peu immunogènes et trois à six mois après la vaccination, en dehors de tout contact avec des leptospires sauvages, le chien ne présente généralement plus d'anticorps agglutinants détectables. Si ces anticorps sont très efficaces pour la protection homologue, ils ne constituent toutefois pas les éléments exclusifs de la protection.
La réponse immunitaire à d'autres antigènes de leptospires, qui ne se traduit pas par la production d'anticorps agglutinants malgré leur utilité pour la protection, est un élément nouveau. Parmi ces antigènes, certains sont communs à tous les sérogroupes de leptospires pathogènes et induisent une protection croisée efficace. Ces données sont donc fondamentales pour les préparations vaccinales de l'avenir.
Un deuxième objectif de la vaccination du chien est d'empêcher le portage rénal, donc l'excrétion urinaire, ce qui constitue un point majeur pour la santé publique (voir l'ENCADRÉ “La leptospirose est une zoonose”) et pour la gestion des infections chroniques dans les grands effectifs. Les données sur le portage rénal sont cependant rares, et le contrôle des vaccins ne permet pas d'estimer l'efficacité de la vaccination contre ce portage rénal. En outre, sur ce point, les résultats expérimentaux (en cours de publication) peuvent différer d'une préparation à l'autre [5].
Les préparations vaccinales disponibles à l'heure actuelle ne protègent efficacement que pendant une durée limitée et pour les seuls sérogroupes qui entrent dans leur composition (Icterohaemorrhagiae et Canicola). Les antigènes responsables d'une protection croisée sont peu représentés dans ces préparations vaccinales.
La leptospirose canine est une maladie qui emprunte des aspects variés et beaucoup plus complexes que les formes classiques dites ictérohémorragiques. L'attitude thérapeutique dépend fortement de ces nouveaux éléments épidémiocliniques.
(1) La mention “sl” (sensu lato) portée après le nom d'espèce signifie clairement que l'on fait référence à la classification sérologique classique et non à la récente classification génotypique. Celle-ci éclate l'espèce pathogène en plusieurs espèces, dont la distinction obscurcit les éléments du diagnostic expérimental et de la prophylaxie. Elle n'est donc pas utilisée ici.
Les leptospires pathogènes sont usuellement regroupés dans une seule et unique espèce, sous le nom de Leptospira interrogans sl(1). La grande diversité des souches de cette espèce a conduit, sur la base d'arguments sérologiques, à différencier de multiples sérovars (plus de 200), dont les communautés antigéniques permettent de les regrouper en sérogroupes. C'est donc sur des arguments sérologiques et, plus spécifiquement, sur les capacités agglutinantes des sérums de convalescents (homme et autres espèces), que la classification des leptospires a été établie (voir la FIGURE « Structure sérologique de l'espèce pathogène )
Un animal infecté produit des anticorps capables d'agglutiner les souches du même sérogroupe que la souche virulente qui a induit leur formation [7].
Les sérogroupes Icterohaemorrhagiae et Canicola ont ainsi été considérés comme dominants dans le déterminisme de la leptospirose canine : deux souches représentatives de chacun de ces sérogroupes entrent dans la composition des vaccins.
Pourtant, d'après l'étude du bilan sérologique de 800 chiens dont le sérum a été transmis pour titrage des anticorps agglutinants anti-leptospires au cours de l'année 2001 (voir le TABLEAU « Répartition des résultats sérologiques par sérogroupe chez 397 chiens positifs »), la prévalence de ces deux sérogroupes est élevée, quoique différente l'une de l'autre, mais un nombre non négligeable de chiens développent des anticorps agglutinants vis-à-vis d'autres sérogroupes de l'espèce pathogène Leptospira interrogans sl [4].
Tous les leptospires pathogènes, quel que soit leur sérogroupe, sont capables de provoquer des formes aiguës, parfois létales chez le chien non vacciné.
ALAT, plaquettes, urémie et créatininémie sont des paramètres diagnostiques majeurs auxquels il est nécessaire d'associer le dosage des acides biliaires pour les formes chroniques.
L'analyse sérologique n'est informative que si elle est qualitative et quantitative.
La probabilité professionnelle de se trouver en présence d'un animal infecté en phase septicémique ou porteur et excréteur urinaire n'est pas négligeable. Quels sont les risques de contamination dans chaque cas ?
En phase septicémique, les leptospires sont dans le sang (qui constitue la matière la plus virulente), mais l'animal qui exprime des signes cliniques peut émettre des vomissements ou une diarrhée hémorragique qui peuvent être contaminés, mais au sein desquels les leptospires ont probablement une survie limitée.
Le praticien qui réalise un prélèvement de sang est donc fortement exposé à la contamination. En cas de suspicion de leptospirose aiguë, l'usage de gants est conseillé.
Le risque majeur de contamination humaine est lié à la présence des leptospires dans les urines. L'urine peut être infectée précocement lors d'évolution aiguë, mais le risque majeur est le résultat du portage rénal. Un chien en bonne santé a généralement une urine acide qui limite sensiblement la survie des leptospires. Il en est autrement des chiens qui présentent des troubles rénaux qui induisent l'alcalinisation des urines.
Il convient néanmoins de pondérer les risques par la notion de dose infectieuse, qui suppose la pénétration d'une quantité suffisante pour que se développe l'infection.
Les mesures d'hygiène élémentaires qui sont observées dans les cabinets vétérinaires sont un facteur limitant du caractère zoonotique de la leptospirose professionnelle.
5- Branger C, Blanchet B, Klaasen E et coll. Comparison of the efficacy of the bacteries used to prevent canine leptospirosis. 11th ESVIM Congress, 5-8 septembre 2001, Dublin, Irlande.
- Deschamps J. Affections glomérulaires à l'origine d'une fuite protéique. Syndrome néphrotique chez le chien et chez le chat. Point Vét. 2001 ; 32 (n°spécial « Urologie et néphrologie du chien et du chat ») : 80-87.
- Gamet Y. Conduite à tenir devant des troubles digestifs aigus. Point Vét. 1998 ; 29(n° spécial « Les urgences chez les carnivores domestiques »):647-652.
- Klein F. La PCR permet de mieux connaître les leptospiroses. L'amplification génique pourrait modifier le diagnostic et le traitement de ces affections. Semaine Vétérinaire. 2000 ;(986): 16.
- De Madron E. Plusieurs cas de leptospirose canine ont émergé au Canada. Les animaux ont parfois présenté une insuffisance rénale allant jusqu'à l'anurie. Semaine Vétérinaire. 2000 ;(995) : 16.
De nombreux leptospires pathogènes, de virulence intrinsèque limitée ou modulée par la présence d'anticorps, provoquent des formes chroniques de leptospirose qui affectent essentiellement les fonctions hépatiques et/ou rénales.
Les rongeurs essentiellement, mais aussi de nombreux autres mammifères, y compris le chien, peuvent devenir porteurs et excréteurs urinaires, même en présence d'anticorps.
L'infection se développe à partir de la pénétration cutanéomuqueuse de leptospires présents dans les urines ou dans les eaux contaminées.
Le diagnostic de la leptospirose repose avant tout sur des éléments épidémiocliniques.
Le traitement antibiotique, pour être efficace, doit être précoce et prolongé.