Mesures invasives des pressions artérielle et veineuse centrale - Le Point Vétérinaire n° 230 du 01/11/2002
Le Point Vétérinaire n° 230 du 01/11/2002

TECHNIQUES DE MONITORING ANESTHÉSIQUE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Julien Guillaumin

Fonctions : 6, rue Pierre Curie
94700 Maisons-Alfort

La surveillance peropératoire des paramètres vitaux permet une meilleure gestion des déséquilibres dus à l’anesthésie et d’assurer des interventions complexes.

Le monitoring anesthésique prend une place de plus en plus grande dans l’activité chirurgicale du praticien.

La surveillance clinique (couleur des muqueuses, temps de recoloration capillaire, etc.), et celle du rythme cardiaque (via un électrocardiographe) et de la fréquence respiratoire (via un détecteur d’apnée) permettent un contrôle peropératoire correct. Une surveillance de la température (par sonde rectale ou œsophagienne) permet d’améliorer la qualité de l’anesthésie et du réveil. D’autres paramètres peuvent également être suivis parmi lesquels l’oxymétrie pulsée et surtout, la capnométrie/capnographie.

Dans le cadre de l’anesthésie d’animaux à risque anesthésique élevé ou en situation d’urgence (syndrome dilatation-torsion de l’estomac, déshydratation, etc.), les mesures de la pression artérielle (PA) et de la pression veineuse centrale (PVC) permettent de contrôler l’homéostasie de l’animal, perturbée par les molécules anesthésiques employées et l’affection initiale.

Détection des hypo et des hypertensions

La mesure de la pression artérielle (PA) permet de surveiller l’efficacité de la pompe cardiaque. La technique de pose d’un cathéter artériel à l’artère métatarsale dorsale nécessite un peu d’entraînement. Néanmoins, l’obtention d’une PA invasive est plus utile que celle de la PA non invasive car elle permet une surveillance plus fiable et surtout l’obtention d’une courbe de pression continue (voir la FIGURE “Électrocardiogramme et mesure invasive de la pression artérielle”).

Chez un chien anesthésié, la pression artérielle systolique normale est de 100 à 140 mmHg, la diastolique de 40 à 80 et la moyenne de 70 à 90 mmHg. Elles peuvent varier en fonction du protocole anesthésique utilisé.

Une pression artérielle moyenne inférieure à 60 mmHg signe une hypotension et compromet la perfusion des organes nobles (cœur, cerveau, reins, etc.). L’hypotension peut être due à une hypovolémie, à une vasodilatation périphérique, à une dysrythmie (bradycardie, etc.) ou à une contractilité myocardique réduite. Elle nécessite un traitement étiologique : augmentation du débit de perfusion ou administration de macromolécules, d’agents sympathomimétiques ou d’anti-arythmiques. La profondeur de l’anesthésie doit être contrôlée et adaptée.

Le suivi de la pression artérielle permet également de détecter une hypertension, qui peut être due à une hypervolémie, à de l’hypercapnie associée à une hypoventilation marquée (dépression respiratoire) ou, le plus souvent, à une stimulation douloureuse. Elle est alors corrigée de façon spécifique(par exemple administration d’antalgiques opioïdes).

Réussir la pose du cathéter d’un seul geste

L’introduction d’un cathéter dans l’artère métatarsale dorsale (voir la FIGURE “L’artère métatarsale dorsale est le site de pose de cathéter artériel le plus commun chez le chien”) est beaucoup plus délicate que dans une veine. La position anatomique et la rigidité pariétale artérielle obligent en effet à davantage de précision. Il est en outre préférable de réussir la pose d’un seul geste car toute artère ponctionnée se contracte et un nouvel essai ne peut être tenté qu’après une compression d’environ 5 minutes. Chez le chat, le site de ponction privilégié est l’artère fémorale (attention aux hématomes chez les animaux de petite taille : ils peuvent être minimisés par un traitement adéquat – poche de glace et anti-inflammatoires – si nécessaire).

• La zone de ponction est tondue et désinfectée chirurgicalement.

• L’artère est repérée à l’aide d’un ou de deux doigts (de la main gauche pour un droitier) par palpation des pulsations sanguines.

• Le cathéter (de 20 à 24 gauges pour un “over-the-needle”) est introduit sous la peau avec le biseau vers le haut à l’aide de la main droite, en veillant à rester parallèle à l’artère, puis est dirigé vers l’artère.

• Lorsque le cathéter touche l’artère, le sang rouge vif perle “en saccades” au bout du cathéter. Celui-ci est alors encore introduit de quelques millimètres afin que tout le biseau pénètre dans l’artère. Le moment délicat consiste à introduire le cathéter de la main gauche sans bouger le mandrin tenu par la main droite. Le sang vient alors par jets.

Le cathéter est sécurisé (PHOTO 1) et connecté au matériel de mesure.

Si une station de monitoring est disponible, la mesure est effectuée à l’aide d’un transducteur de pression relié à un oscilloscope. Avec les moniteurs modernes disponibles, le transducteur de pression est relié au cathéter à l’aide d’une ligne de soluté physiologique (0,9 %) additionné d’héparine (2 UI/ml)sous pression (300 mmHg). Celle-ci conserve au transducteur de pression sa précision de mesure de la pression artérielle et évite la formation d’un clou plaquettaire obturateur, à l’aide d’un débit continu de 3 ml/h. Sinon, la pression peut également être lue simplement à l’aide d’un montage “maison” qui utilise un manomètre.

Une gestion rationnelle de la fluidothérapie

La pression veineuse centrale (PVC) correspond à la pression dans la lumière de la veine cave craniale intrathoracique.

La valeur de la PVC est une bonne indication de la capacité du cœur à pomper le retour veineux. Sa mesure est indispensable pour gérer la fluidothérapie d’animaux dont cette capacité est déficiente : par exemple insuffisants cardiaques ou en état de choc.

Chez les carnivores domestiques, la valeur de la PVC normale est de 3 à 10 cm H2O. Une valeur basse traduit une hypovolémie alors qu’une valeur haute signe une hypervolémie (vraie ou par déficience cardiaque). Une faible variation de la PVC indique une altération de la fonction cardiovasculaire qui est alors traitée (optimisation du débit d’anesthésie et de perfusion, etc.).

La mesure de la PVC est une mesure de pression et non de volume : elle n’est donc pas représentative de la précharge lors de contraction ventriculaire réduite (tamponnade, cardiomyopathie hypertrophique, cardiomyopathie restrictive).

Quatre types de cathéters jugulaires

Le cathéter est introduit dans la veine cave crâniale via la veine jugulaire externe.

La région jugulaire est tondue et préparée de manière chirurgicale. La pose doit être aseptique(port de gants stériles). Bien que la mise en place soit possible chez un animal vigile, il est quelquefois préférable de tranquilliser ce dernier.

Quatre types de cathéters jugulaires existent : “over the needle” (le cathéter entoure un mandrin, type cathéter veineux périphérique), “through the needle” (le cathéter est passé à l’intérieur du trocard), “over the wire” (technique de Sedlinger avec une aiguille dilatatrice : modèle le plus courant en France) et “peel-away“ (la gaine est “pelée” en plaçant le cathéter).

• Dans la technique de Sedlinger, le trocard est introduit dans la veine jugulaire, puis un guide est inséré à travers le trocard qui est alors retiré.

• Une aiguille dilatatrice posée sur le guide permet l’élargissement de la brèche jugulaire et une entrée du cathéter facilitée par rapport à d’autres techniques.

• Après élargissement, le cathéter est introduit le long du guide dans la veine jugulaire, jusqu’à l’oreillette droite. Le contact avec l’endothélium cardiaque droit doit être évité car cela semble provoquer une activité stimulatrice ectopique. Un contrôle électrocardiographique et une mesure de la longueur du cathéter sont nécessaires.

• Le cathéter est ensuite suturé à la peau et le site de ponction est protégé par une compresse imbibée de polyvidone iodée et une bande de maintien.

Station de monitoring ou robinet à trois voies

L’embout du cathéter est connecté à l’appareil de mesure via un transducteur de pression s’il s’agit d’une station de monitoring. Dans le cas contraire, un robinet à trois voies est connecté au cathéter jugulaire par un prolongateur, à une poche de perfusion par une tubulure, ainsi qu’à une autre tubulure, collée à une règle dont le zéro est au niveau de l’oreillette droite et dont l’extrémité est libre. L’anesthésiste remplit d’abord le prolongateur qui mène au cathéter jugulaire, puis il remplit la tubulure “libre” jusqu’à son extrémité en jouant sur le robinet à trois voies. Le prolongateur est alors mis en communication avec cette tubulure libre. La pression veineuse centrale est lue sur la règle (voir la FIGURE “Schéma de l’appareillage pour la mesure de pression veineuse centrale”).

L’utilisation conjointe des mesures invasives de PVC et de pression artérielle permet de différencier l’origine hypovolémique ou cardiaque d’une pression artérielle peu élevée. Ces cathéters constituant une porte potentielle d’entrée de germes, le risque majeur lié à leur mise en place est l’infection. Il est toutefois faible si les conditions d’asepsie sont respectées.