Hernie péritonéo-péricardo-diaphragmatique - Le Point Vétérinaire n° 240 du 01/11/2003
Le Point Vétérinaire n° 240 du 01/11/2003

GASTRO-ENTÉROLOGIE DU CHIEN

Pratiquer

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Stéphane Bureau*, Marc Doucet**, Franck Crouzet***, Flora Lima****

Fonctions :
*8 boulevard Godard,
33300 Bordeaux
**8 boulevard Godard,
33300 Bordeaux
***8 boulevard Godard,
33300 Bordeaux
****73 avenue Gambetta,
33480 Castelnau-de-Médoc

L’exploration d’un état de choc aigu accompagné de vomissements chez un jeune chien conduit au diagnostic de hernie diaphragmatique de type péritonéo-péricardo-diaphragmatique.

La hernie péritonéo-péricardo-diaphragmatique (ou phréno-péricardique ou péritonéo-péricardique) est une affection dont le diagnostic est délicat à établir en raison de la non-spécificité des signes cliniques engendrés. Cet article décrit un cas de hernie découverte fortuitement, suite à un syndrome abdominal, et traitée chirurgicalement.

Cas clinique

1. Commémoratifs et anamnèse

Un chien mâle pinscher moyen âgé de neuf mois est présenté pour des vomissements survenus après l’ingestion des restes d’un repas la veille au soir.

2. Première consultation

L’animal est légèrement apathique. La température rectale est de 36,7 °C et une tachycardie à 170 battements par minute est notée. Les bruits cardiaques semblent atténués, mais aucun trouble du rythme n’est rapporté. Les muqueuses sont normales. L’abdomen est souple et sa palpation n’est pas douloureuse.

Un diagnostic de gastrite est établi. Un traitement symptomatique est prescrit par voie orale : métoclopramide (Primpérid®, 0,5 mg/kg trois fois par jour), cimétidine (1) (Tagamet®, 5mg/kg trois fois par jour) et montmorillonite (Diarsanyl®, 0,4 g deux fois par jour).

3. Évolution et second examen clinique

• L’animal est à nouveau présenté en consultation quelques heures plus tard en raison d’une dégradation rapide de son état général. Il n’a pas vomi depuis la première consultation mais il est cette fois très abattu. Ses muqueuses sont devenues pâles et le temps de remplissage capillaire est augmenté. Une tachycardie persiste. La palpation abdominale reste normale et aucune douleur n’est objectivée.

• Les seuls symptômes spécifiques sont des vomissements. L’évolution se fait sur un mode aigu et concerne un animal jeune sans commémoratif de traumatisme. Les hypothèses diagnostiques sont donc les suivantes :

– syndrome intestinal occlusif : corps étranger, volvulus, intussusception, hernie étranglée ;

– pancréatite ;

– affection métabolique : insuffisance surrénalienne aiguë, insuffisance rénale aiguë, insuffisance hépatique.

4. Examens complémentaires et diagnostic

• L’exploration de ces hypothèses débute par la réalisation de clichés radiographiques abdominaux sans préparation. Aucune image anormale n’est observée sur les radiographies abdominales. Cependant, sur la vue de profil, dont le cadrage dépasse les limites abdominales, une vue partielle et caudale du thorax montre une partie de la silhouette cardiaque très augmentée.

• Une radiographie thoracique de profil est alors réalisée (PHOTO 1) : la trachée est déviée dorsalement, la silhouette cardiaque est augmentée, globuleuse et superposée au diaphragme dans sa partie ventrale. Des images de densité aérique se superposent à la silhouette cardiaque. Ces images sont retrouvées sur la vue de face (PHOTO 2).

• Le diagnostic différentiel de ces anomalies radiographiques inclut :

– les causes de cardiomégalies globales ;

– les épanchements péricardiques ;

– les hernies péritonéo-péricardo-diaphragmatiques.

Cette dernière hypothèse est privilégiée en raison des images aériques superposées au cœur, qui indiquent la présence probable d’anses intestinales. Elle permet en outre d’expliquer l’ensemble du tableau clinique.

• Une échographie confirme la présence de structures digestives dans le sac péricardique. Aucune autre anomalie cardiaque n’est notée.

5. Traitement

Au cours des examens complémentaires, l’état général de l’animal se dégrade encore. Il est légèrement dyspnéique, la température rectale est de 36 °C. Chez un animal jeune, sans aucune autre malformation congénitale connue, l’intervention chirurgicale est envisagée d’emblée. L’étranglement de la hernie est en outre fortement suspecté.

Soins préopératoires

Une perfusion de soluté de Ringer lactate par voie intraveineuse (100 gouttes/min), de la méthylprednisolone (Solu-Médrol®, 30 mg/kg par voie intraveineuse) et de la céfalexine (Rilexine®, 15mg/kg, par voie intraveineuse) sont administrées. L’animal est placé sur une couverture chauffante.

Intervention chirurgicale

• La cavité abdominale est abordée médialement par la ligne blanche. Le ligament falciforme est incisé au bistouri électrique. L’inspection de la cavité abdominale et du diaphragme révèle la présence d’un orifice diaphragmatique ventro-latéral gauche, proche des côtes. Une anse intestinale et de la graisse mésentérique sont engagées dans cet orifice (PHOTO 3). La hernie est réduite par taxis. L’anse est noirâtre et nécrotique (PHOTO 4).

• Les bords de l’orifice diaphragmatique sont atones, ce qui évoque un processus chronique ou congestif. Ils sont avivés à la lame de bistouri, puis suturés au moyen d’un surjet simple au polypropylène (Prolène® 2/0).

• L’anse nécrotique est excisée par entérectomie. L’apposition des abouts intestinaux est effectuée bord à bord au moyen de points simples au polydioxanone (PDS® 3/0). Le site est recouvert de mésentère. La cavité abdominale est irriguée à l’aide de soluté physiologique tiédi, puis suturée classiquement.

Soins postopératoires

L’animal se réveille normalement et ne présente plus ni dyspnée, ni tachycardie. Une perfusion d’entretien est maintenue.

La réhydratation par voie orale est débutée douze heures après l’intervention et la réalimentation est progressive à partir de la 24e heure. Il est rendu à son propriétaire avec un pronostic favorable et une consigne de repos strict pendant trois semaines. Le traitement à la céfalexine (Rilexine®, 15mg/kg matin et soir par voie orale) est poursuivi pendant huit jours. Six mois après l’intervention, l’animal est cliniquement normal.

Discussion

1. Pathogénie

• La hernie péritonéo-péricardo-diaphragmatique est l’anomalie péricardique congénitale la plus fréquente. Avec la hernie dite « pleuropéritonéale », elle représente le second type de hernie diaphragmatique congénitale. Elle s’en distingue par son origine et par la nature des cavités mises en communication : lors de hernie pleuropéritonéale, il n’existe aucune communication avec le sac péricardique [2].

• La hernie péritonéo-péricardo-diaphragmatique résulte d’une mauvaise fusion entre les feuillets latéraux pleuraux et péritonéaux et la portion sternale et médiane du diaphragme [1]. Elle peut aussi provenir d’un développement insuffisant du septum transverse, qui se traduit par la persistance d’un orifice ventral [2]. Le résultat est la communication des cavités péritonéale et péricardique.

• Plusieurs auteurs [3, 6] rapportent la fréquente association de cette affection avec d’autres malformations congénitales comme les déformations sternales, les malformations du septum ventriculaire ou la hernie ombilicale. Certaines études suggèrent une prédisposition raciale du braque de Weimar [4].

Face à cette affection, le praticien est confronté à deux difficultés : établir le diagnostic, et choisir entre un traitement médical conservateur et une intervention chirurgicale.

2. Diagnostic

• Le diagnostic est difficile à établir en raison de la non-spécificité des symptômes les plus fréquents : vomissements, anorexie, perte de poids, douleur abdominale et dyspnée. Ils peuvent apparaître après un traumatisme ou une affection gastro-intestinale primaire qui déclenchent ou aggravent la hernie. Le tableau clinique dépend de la taille de la brèche diaphragmatique, donc du nombre et de la nature des tissus herniés : tissu graisseux, anses intestinales, lobes hépatiques, rate. La fréquence et l’intensité de l’expression clinique sont souvent modérées et de nombreux animaux sont asymptomatiques.

Pour le cas décrit, l’évolution aiguë a conduit à la réalisation de radiographies qui ont permis d’établir le diagnostic. Beaucoup de hernies péritonéo-péricardo-diaphragmatiques sont ainsi diagnostiquées de manière fortuite à l’occasion d’une radiographie thoracique ou d’une échographie cardiaque [3]. Près de 80 % sont diagnostiquées avant les quatre ans de l’animal (dont plus de la moitié avant la première année d’existence comme dans ce cas) [3].

• L’examen clinique n’est, le plus souvent, pas plus évocateur que le recueil des commémoratifs : un assourdissement des bruits cardiaques est parfois noté à l’auscultation. Un déplacement du choc précordial ou la sensation d’un abdomen vide à la palpation peut également être constaté, dans le rare cas où les organes herniés sont nombreux.

Les erreurs de diagnostic par défaut proviennent surtout de l’absence fréquente de symptômes cardiaques ou respiratoires. Les examens complémentaires s’orientent alors plus souvent vers une exploration abdominale. Dans le cas décrit, la petite taille de l’animal a permis d’éviter cet écueil car les radiographies abdominales ont révélé une image partielle du thorax.

• La radiographie permet souvent le diagnostic de cette affection : une silhouette cardiaque augmentée et globuleuse, superposée au diaphragme et qui contient des images de densité aérique, est la plus caractéristique [5]. En l’absence d’images aériques superposées à la silhouette cardiaque, le diagnostic différentiel inclut les épanchements péricardiques et les cardiomégalies globales. Quand le contour de la silhouette cardiaque est anormalement net, ces deux hypothèses sont envisagées en premier lieu : dans ces deux cas en effet, l’absence de mouvement péricardique limite le flou cinétique habituellement constaté sur les contours cardiaques [5].

• L’examen échographique peut compléter l’examen radiographique : il permet d’établir un diagnostic de certitude et de repérer d’éventuelles anomalies cardiaques.

3. Choix thérapeutique

• Le traitement est chirurgical. Il diffère de celui d’une hernie diaphragmatique péritonéo-pleurale en raison de l’absence de perte du vide pleural : une ventilation assistée et l’aspiration thoracique postopératoires ne sont pas nécessaires.

• La question de l’intérêt d’une intervention est cependant soulevée lorsque le diagnostic est établi fortuitement chez un animal asymptomatique. En effet, l’intervention est parfois délicate en raison d’adhérences entre le péricarde et les tissus ou organes herniés, ou de l’existence de malformations concomitantes, telles que les malformations sternales.

• Lorsque l’animal exprime ponctuellement, depuis plusieurs années, des symptômes qui peuvent se rapporter à la hernie, il convient, avant toute intervention, de rechercher les malformations concomitantes possibles et de déterminer la nature des tissus ou organes herniés.

• L’intervention chirurgicale est réalisée d’emblée lorsque l’animal est jeune et présente des symptômes permanents ou graves (détresse respiratoire, décompensation cardiaque, vomissements incoercibles avec risque de nécrose intestinale, etc.).

La hernie diaphragmatique est une affection qui peut demeurer cliniquement silencieuse. Lorsqu’elle se révèle, les symptômes peuvent être discrets et chroniques, mais également aigus, comme pour ce cas, et nécessiter un traitement chirurgical en urgence.

  • (1) Médicament à usage humain.

Points forts

Les hernies péritonéo-péricardo-diaphragmatiques sont à l’origine de tableaux cliniques variables, depuis l’absence de toute expression clinique jusqu’à une mort subite par décompensation cardiaque.

Le diagnostic nécessite des examens d’imagerie thoracique : radiographie, parfois complétée par une échographie cardiaque.

L’intervention chirurgicale n’est pas réalisée systématiquement, mais après l’évaluation des malformations concomitantes, de l’intensité des symptômes cliniques et du risque d’évolution.

À lire également

- Rush J, Freeman L, Pipers F. Approche pratique du diagnostic radiographique des affections cardiaques des carnivores domestiques. Cahier du Véto-mecum. Merial. 1996 : 85 pages.

  • 1 - De Madron E. Maladies du péricarde et tumeurs cardiaques. Dans Encyclopédie Vétérinaire. Volume 1er. Chapitre Cardiologie 0900. Paris, Ed. Scientifiques et Médicales Elsevier. 2003 : 3348 pages.
  • 2 - Johnson KA. Diaphragmatic, pericardial and hiatal hernia. In : Textbook of small Animal Surgery. Slatter D. 2nd ed., WB Saunders Company, Philadelphia. 1993 : 455-470.
  • 3 - Miller W, Sisson D. Pericardial disorders. In : Textbook of veterinary internal medicine. 4th ed., vol. 1st. Ed Saunders Company. Philadelphia. 1995 : 1032-1045.
  • 4 - Reed JR. Pericardial Diseases. In : Canine and feline cardiology. Ed Fox PR. New York. 1988 : 495-518.
  • 5 - Tilley L. Pericardiodiaphragmatic hernia. In : The five minute veterinary consult canine and feline. Ed. Williams and Wilkins. 1997 : 926.