PARASITOLOGIE DES OVINS
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COURS
Auteur(s) : Jean-Pierre Alzieu*, Jean-Marie Gourreau**
Fonctions :
*Clinique vétérinaire Les Althéas
31, rue Maréchal-Clauzel
09100 Pamiers
**Afssa - Lerpaz - Alfort
22, rue Pierre-Curie, BP 67
94703 Maisons-Alfort Cedex
Lucilia sericata et Wohlfahrtia magnifica sont les principales sources de myiases cutanées des ovins. Selon les conditions climatiques, elles peuvent survenir du début du printemps jusqu’à la fin de l’automne.
Les myiases externes résultent de l’invasion principale du tégument et des tissus sous-cutanés par des larves (asticots) de mouches de la famille des Calliphoridés et, plus rarement, de celle des Muscidés.
En nette recrudescence et en expansion géographique dans l’hémisphère Nord, les myiases cutanées primaires sont dues principalement à Lucilia sericata et à Wohlfahrtia magnifica [2, 5, a, d].
Ces myiases peuvent atteindre de nombreuses espèces de mammifères dont l’homme, mais elles affectent de manière particulièrement intense les ovins. Leur développement est dépendant de la réceptivité de l’hôte, du système d’élevage, des conditions climatiques et de la situation géographique [11].
Lucilia sericata et Wohlfahrtia magnifica présentent des particularités biologiques et épidémiologiques qui en font des entités distinctes, qu’il convient de connaître en vue du diagnostic différentiel. Leur seul point commun est que les animaux sains (les ovins surtout) sont peu attractifs pour ces mouches, même pour Wohlfahrtia magnifica qui peut coloniser des tissus non lésés [12].
Devenues un facteur limitant de l’élevage ovin, elles font l’objet de stratégies de prévention qui associent une chimioprévention et une hygiène générale (voir l’ENCADRÉ “Les espèces dominantes”).
Lucilia sericata est principalement attirée par des corps volatils soufrés d’origine bactérienne présents sur des tissus en décomposition ou souillés par des fèces, ou en cours de macération (composés ammoniacaux) [3].
Chez les ovins, la décomposition des fibres de laine, associée à la prolifération bactérienne locale favorisée par les souillures fécales et urinaires (pourriture de la toison associée à Pseudomonas aeruginosa), explique que les pourtours de la queue et de l’arrière-train soient souvent atteints.
Le cycle évolutif de Lucilia sericata peut être rapide. La ponte débute cinq à neuf jours après l’éclosion de la mouche (voir la FIGURE “Cycle biologique de ). Deux à trois mille œufs sont produits en une dizaine de pontes, en l’espace de trois semaines.
L’éclosabilité des œufs nécessite une hygrométrie supérieure à 50 % (effet défavorable d’une sécheresse prolongée) [21].
La rapidité de développement des asticots du stade L1 au stade L3 est fortement dépendante de la température. Dans les conditions optimales, à partir de 30 °C, la durée du parasitisme sur le corps varie entre cinq et onze jours (trois jours seulement à 33 °C).
La pupaison ne se produit que si la température au sol est supérieure à 8 °C et sa durée est fonction de celle-ci (dix-huit à vingt-quatre jours à 12 °C, six ou sept jours à 27 °C, quatre à sept jours à 32 °C, mais presque létale au-dessus de 35 °C). L’excès de chaleur associé à la sécheresse annihile toute possibilité de pupaison [21].
Après l’éclosion, les larves L1 se nourrissent de débris cutanés et de sérosités sans générer de lésions significatives. Les larves L2 et L3 provoquent en revanche des lésions visibles par l’action d’enzymes protéolytiques qui digèrent et liquéfient les tissus. Elles se nourrissent de ce matériel prédigéré [12].
L’infestation du tégument du mouton peut être soit superficielle, ne générant que des dommages limités à la toison, ou plus profonde, avec une atteinte des tissus sous-jacents (tunnellisation sous-cutanée). Une nécrose des tissus apparaît alors rapidement, souvent associée à une sphacélisation de la peau (longs lambeaux de peau recouverts de laine). Des zones brunâtres de couleur lie-de-vin, voire noirâtres, sont observées dans les régions lésées.
Les larves colonisent préférentiellement les zones à peau fine.
Plus le nombre de larves est élevé (souvent plusieurs centaines), plus les dommages tissulaires sont marqués.
Des symptômes généraux apparaissent à ce stade : anorexie, douleur et mauvais état général. La myiase évolue jusqu’à la mort de l’animal en deux à trois jours, par toxémie et/ou septicémie.
Lors de forte activité des mouches, associée en particulier à des lésions de fourchet ou de piétin, la myiase peut se développer dans l’espace interdigité. La localisation plus superficielle de l’infestation et l’accumulation des larves L3 permettent d’établir le diagnostic différentiel avec Wohlfahrtia magnifica (PHOTO 1 ET PHOTO 2).
• La prévalence des myiases à L. sericata s’accroît avec la chaleur et l’humidité, facteurs indissociables auxquels s’ajoute l’épaisseur de la toison (agnelles non tondues, brebis avant la tonte).
Les myiases à Lucilia peuvent donc survenir très tôt, dès le printemps et jusqu’à la fin de l’automne. L’évolution saisonnière classique est biphasique, avec un pic principal de mai à juin et un pic secondaire de fin d’été et de début d’automne, la période pendant laquelle la chaleur et l’hygrométrie sont favorables (comme en 2002 et en 2004) (voir la FIGURE “Évolution de la prévalence des myiases à ). Les grandes chaleurs associées à la sécheresse apparaissent toutefois défavorables [1].
Des températures élevées peuvent interrompre le cycle des réinfestations des animaux récemment tondus, comme en témoigne l’évolution unimodale, atypique, de l’année 2003.
• La sensibilité particulière des agneaux d’herbe semble s’accroître avec l’épaisseur de la toison et l’intensité des souillures fécales. Le risque de myiases de l’arrière-train est en outre corrélé à l’expression des parasitoses digestives. Un contrôle efficace du parasitisme digestif, et en particulier des strongyloses digestives et de la coccidiose, est donc nécessaire.
• Lucilia sericata affectionne les lisières de bois et les haies, ainsi que les zones les plus chaudes et les plus humides des prairies.
Les principales données ont été obtenues en zone herbagère par Francis Personne (2001 et 2002) et Christian Mage (2003).
Soixante-dix pour cent des élevages de vingt-cinq départements du Centre et de l’Est et 88 % des élevages de Poitou-Charentes ont été atteints.
Le recensement des cas a permis d’établir une carte de répartition géographique des zones d’infestation. En 2003 une expansion géographique des myiases à Lucilia sericata a été observée (voir la FIGURE “Carte géographique : zones d’infestation des myiases”).
Une nette progression des cas a été décrite dans des régions habituellement peu affectées, comme le Piémont pyrénéen [a].
La mouche Wohlfahrtia magnifica est active de juillet à septembre. Son activité dépend de la luminosité et de la température (qui doit se situer entre 25 et 35 °C).
Si les ovins sont préférentiellement atteints, d’autres espèces peuvent toutefois être parasitées (voir le TABLEAU “Comparaison ). W. magnifica est donc adaptée à une plus grande variété de vertébrés à sang chaud que L. sericata.
W. magnifica semble également s’adapter à diverses zones géographiques. Traditionnellement cantonnée, en France, dans les Alpes et dans les Pyrénées entre 1 000 et 2 200 mètres d’altitude, elle est présente en moyenne altitude en Hongrie, dès 400 mètres en Espagne et presque au niveau de la mer en Corse (J.-M. Gourreau, observation personnelle non publiée). Ces observations convergent avec les publications qui font état de sa présence à proximité de la mer ou à faible altitude sur le pourtour méditerranéen (Crète, Grèce) [18, 19].
À la différence de Lucilia sericata, W. magnifica ne peut pas se développer sur des milieux en décomposition. Elle est attirée par les écoulements cutanés (inflammatoires ou non), par les plaies, mais aussi par les muqueuses, même en l’absence de lésion préexistante. W. magnifica se développerait préférentiellement en présence de composés volatils soufrés et benzéniques produits par différentes espèces bactériennes rencontrées sur le tégument sain de la zone périvulvaire de la brebis.
La mouche, qui est larvipare, dépose de cent vingt à cent soixante-dix larves L1, mobiles et capables de sécréter des substances protéolytiques. Ces larves L1 se nourrissent dans les tissus sains de cellules épidermiques et de lymphe extravasée, puis de tissus et d’exsudats. Leur croissance est rapide et, après deux mues, la larve L3 produite en cinq à sept jours quitte le mouton pour la pupaison (voir la FIGURE “Cycle biologique de ). Une prolifération de bactéries anaérobies est observée au cours du développement des larves [18].
À la différence de Lucilia sericata, les zones tégumentaires infestées par Wohlfahrtia ne recèlent que quelques larves (une à trente au maximum), le plus souvent au même stade de développement [7]. Plus rarement, lors de forte activité des mouches, différents stades peuvent être observés en raison de pontes successives sur un même site déjà lésé.
Les larves de Wohlfahrtia sont profondément enfoncées dans les tissus (PHOTO 3 ET PHOTO 4) [2, 5, a], fichées dans les chairs perpendiculairement à la peau.
Les symptômes les plus souvent décrits sont l’anxiété, l’agitation et une perturbation de l’appétit.
La localisation corporelle des myiases à W. magnifica est variable, mais elles sont plutôt situées sur la vulve, sur le fourreau, à l’entrée du conduit auditif et surtout, en France, dans l’espace interdigité. Sur le pourtour méditerranéen, l’infestation du tronc est plus fréquente, en particulier au niveau des plaies.
Les myiases sont aussi rencontrées à la base des cornes, suite aux affrontements frontaux ou en raison de leur implantation trop serrée.
Des myiases auriculaires sont observées suite à la pose de boucles d’identification et au frottement de l’oreille contre celles-ci.
Wohlfahrtia est naturellement attirée par les écoulements du sinus biflexe interdigital. L’infestation peut survenir à la faveur d’une inflammation, soit d’origine traumatique (blessure en cours de marche), soit d’origine alimentaire (changement brutal d’alimentation dû à la consommation d’herbe jeune en début d’estive), ou lors d’infection (fourchet, piétin) [2, a].
Le pied se déforme, devient tuméfié, et la boiterie est marquée. Les deux doigts sont écartés (PHOTO 4). Plus l’infestation est ancienne, plus les tissus sont lésés en profondeur, avec de nombreuses galeries. Les lésions et l’inflammation sont marquées et les surinfections locales accroissent les dommages tissulaires.
Les myiases génitales sont favorisées par les écoulements naturels au niveau du prépuce chez les mâles, et par les tuméfactions locales vulvaires (œstrus et périodes de post-partum chez les agnelles et les brebis).
Les lèvres vulvaires sont maintenues écartées par un amas d’asticots. La douleur et le prurit sont intenses, ce qui provoque des mordillements et des grattages. La queue coupée courte dans certaines races (basco-béarnaise, tarasconnaise, mérinos) est un facteur favorable à l’infestation.
La localisation génitale est dominante en Hongrie, en Espagne et en Crète [7, 18, 19]. Les mâles seraient significativement davantage atteints [7].
Dans le sud de l’Espagne, où les ovins et les caprins coexistent sur les mêmes pâtures, les localisations préférentielles des myiases varient selon l’espèce. Chez les ovins, les myiases sont surtout génitales et auriculaires, alors qu’elles sont génitales et interdigitales chez les chèvres [17].
Chez les ovins comme chez les caprins, l’âge croissant semble un facteur qui favorise le développement de cette myiase [17, c], mais cela n’a pas été confirmé par nos observations les plus récentes.
Les signes locaux de l’infestation sont rapidement suivis de signes généraux liés à la douleur marquée. Les animaux infestés restent en retrait, répugnent à se déplacer et mangent moins. Ils s’isolent et entrent dans un état de dépérissement qui aboutit souvent à la mort. L’absence d’abreuvement liée à l’isolement précipite celle-ci, en particulier en estive. Les surinfections bactériennes et les toxines produites aggravent les lésions initiées par les larves (PHOTO 5).
Les cas les plus graves aboutissent toujours à la mort de l’animal. Les cas moins sévères, diagnostiqués et soignés précocement, induisent des pertes de poids et des chutes de production, notamment laitière.
Depuis la recrudescence des myiases à Wohlfahrtia dans les massifs montagneux pyrénéens et alpins à partir de 1985, la mortalité varie selon les années. Lors des années favorables aux myiases, avec un été chaud et précoce, son taux peut atteindre 2,5 % des animaux, parfois plus. Selon l’ensemble des données épidémiologiques européennes, la morbidité est toujours supérieure à la mortalité. Elle varie entre 5 et 20 % [2, a, c].
La morbidité est étroitement corrélée à la production et à l’activité des mouches adultes de Wohlfahrtia. Ces dernières sont dépendantes des conditions climatiques et n’aiment pas le froid, le vent ni la brume.
Selon les caractéristiques climatiques et l’orientation des parcours en montagne, la prévalence peut fortement varier. Dans les Pyrénées ariégeoises, la morbidité a varié de 5 à 10 % dans des endroits géographiquement proches entre 1988 et 1990. Des enquêtes réalisées dans la même zone ont relevé une morbidité de 3 à 6 % selon les estives lors des étés 2002 et 2003. L’été froid et pluvieux de 2002 a raccourci fortement la saison des myiases (de mi-juillet à mi-août).
L’évolution des myiases à Wohlfahrtia en France est habituellement unimodale, avec un pic resserré sur les mois de juillet et d’août. L’été froid et pluvieux dans les Pyrénées en 2002 a encore réduit la période d’infestation. À l’inverse, l’été chaud et sec de 2003 a été à l’origine de myiases précoces, dès le début du mois de juillet, qui se sont prolongées jusqu’à la fin du mois d’août [1] (voir la FIGURE “Évolution de la prévalence des myiases à Wohlfahrtia magnifica”).
Pendant longtemps, les éleveurs n’ont pu traiter les animaux atteints qu’au cas par cas car ils étaient dépourvus de moyens de prévention durables. Le traitement classique, lourd et fastidieux, est évoqué pour mémoire. Les données récentes montrent en revanche l’efficacité d’un traitement préventif dans l’espèce ovine.
Une inspection rapprochée, suivie d’un éventuel traitement des animaux atteints, doit être réalisée au minimum une fois par semaine [5].
• Lors de myiase déclarée à L. sericata, il convient d’appliquer un premier traitement avec un insecticide à effet rapide, par exemple un organophosphoré ou un pyréthrinoïde, afin d’éliminer les larves L2 et L3 déjà présentes, qui sont les plus dommageables pour l’animal. L’usage des organochlorés en productions animales est en revanche légalement interdit.
Les pulvérisations et les bains restent les méthodes les plus utilisées. Ils sont efficaces, mais ne confèrent une protection que pendant quinze à vingt jours.
• Lors de myiase à Wohlfahrtia, la localisation très profonde des larves impose leur extraction manuelle, généralement à la pince, après un nettoyage de la zone lésée.
Une fois la plaie nettoyée et déparasitée, une nouvelle application locale d’insecticide est réalisée. L’imprégnation de la zone évite la recontamination immédiate de la plaie. Il est conseillé de pulvériser ensuite une préparation anti-infectieuse et cicatrisante.
L’animal traité est remis en liberté, après avoir collé sur la toison un pansement de tissu en coton, de type “blue-jean”, imprégné d’insecticide. Le pansement peut au mieux rester en place une semaine. Il a cependant l’avantage de constituer un obstacle “physique” aux réinfestations et d’optimiser la réparation tissulaire. Lorsque les animaux peuvent être soignés toutes les quarante-huit heures, le renouvellement du pansement, associé à la pulvérisation de Cothivet(r) (effet antiseptique et répulsif vis-à-vis des mouches), s’avère performant.
Le traitement par voie générale vise à contrôler la population larvaire présente et les surinfections bactériennes.
L’injection de lactones macrocycliques (ivermectine, doramectine, moxidectine) est parfois pratiquée par des éleveurs, à la posologie de 200 µg/kg. Les résultats de terrain sont controversés. L’efficacité ponctuelle de ces traitements est cependant probable, mais leur rémanence semble limitée (une semaine au maximum), en particulier pour l’ivermectine et la moxidectine injectables [6]. L’activité de ces endectocides ne semble pas suffisamment longue pour prévenir de nouvelles infestations.
Une antibiothérapie par voie générale est vivement recommandée pour éviter les complications bactériennes. Les formulations d’oxytétracycline longue action à la dose de 20 mg/kg et les associations de pénicilline et de streptomycine sont le plus souvent utilisées [2, a].
Les infestations successives étant responsables de morbidité et de mortalité, les éleveurs se sont initialement orientés vers l’usage des insecticides larvicides et adulticides. L’effet protecteur des organophosphorés et des pyréthrinoïdes par voie externe ne dépasse toutefois guère deux à trois semaines dans les conditions de terrain et leur fréquence d’utilisation requiert une main-d’œuvre importante.
Plusieurs éleveurs d’ovins ont observé la faible prévalence des myiases à Lucilia sericata dans des lots ou dans les cheptels traités avec du closantel par voie orale, à la dose de 10 mg/kg, dans le cadre de contrôle stratégique estival de l’hæmonchose et de l’œstrose ovine. Il a donc été décidé d’évaluer son efficacité sur L. sericata. Les premières observations cliniques ont suggéré une efficacité préventive du closantel lorsque le traitement est administré dans les trente jours qui précèdent les attaques de myiases à L. sericata.
Une étude complémentaire a été menée in vitro afin d’évaluer l’effet du plasma de brebis préalablement traitées au closantel sur les larves de L. sericata [b]. Le closantel à la dose de 10 mg/kg par voie orale confère au plasma un effet insecticide et inhibiteur pendant trois semaines. Le nombre de larves diminue de 77 % [b]. Cette molécule ralentit en outre le développement des larves de L. sericata survivantes. Cet effet semble comparable à son activité déjà observée sur Fasciola hepatica dans l’espèce ovine.
Si l’efficacité du closantel contre L. sericata devait être confirmée par des études de terrain multicentriques, son utilisation stratégique sur Haemonchus contortus et Œstrus ovis permettrait également de limiter l’infestation par L. sericata.
Depuis 2001, un régulateur de croissance des insectes (IgrIGR) de la famille des pyridinamines, le dicyclanil (Clik(r)), est disponible. Cette spécialité est surtout active sur les larves de diptères et moins sur celles des coléoptères. Elle agit sur les premiers stades larvaires en interférant avec le métabolisme de la chitine et en induisant ainsi des modifications létales lors des interstades larvaires. Lorsqu’elles se nourrissent d’exsudats et de débris cutanés, les larves L1 absorbent le dicyclanil déposé en pour-on sur la laine et mélangé au suint. La molécule bloque alors la mue L1/L2. Le dicyclanil n’a aucun effet par contact ni sur la mouche, ni sur la larve, mais doit être ingéré par la larve L1 pour exercer son action durant les périodes transstadiales.
Il a une action préventive et prolongée en raison de sa rémanence dans la toison et sur la peau. Il s’applique en pour-on, pour moitié le long de la ligne dorsale et pour l’autre moitié sur l’arrière-train et autour de la queue. Le principe actif diffuse lentement depuis la ligne de dépôt vers les régions avoisinantes, pour couvrir en deux à trois semaines la totalité de la surface de la peau.
Le dicyclanil, très lipophile, présente une action locale et non systémique. Toutefois, une faible part du produit (5 % au maximum) est absorbée par voie transcutanée, ce qui explique le délai d’attente viande de quarante jours.
Il est administré une seule fois au début de la période d’infestation par les mouches myiasigènes ou lors de myiase identifiée dans l’élevage ou à proximité. La date d’application du traitement doit tenir compte des conditions météorologiques et des données générales sur l’épidémiologie des myiases. Divers essais d’efficacité contre L. sericata et plus récemment contre W. magnifica ont été réalisés en France et en Europe [a].
• Le bilan des essais cliniques réalisés en France a confirmé la protection totale pendant au moins seize semaines après une seule application sur Lucilia. L’application du dicyclanil dès les premières myiases au printemps protège les animaux pendant la majeure partie de la période à risque et limite en particulier le pic d’infestation à la fin du printemps.
• L’activité du dicyclanil sur W. magnifica a d’abord été démontrée in vitro. La synthèse des résultats crétois (effectif ovin faible mais très contrôlé) et des essais pyrénéens (effectifs plus conséquents) converge vers un faisceau de forte présomption d’efficacité du dicyclanil pour le contrôle des myiases à Wohlfahrtia magnifica.
Actuellement, l’administration du dicyclanil dans le contrôle de Wohlfahrtia se fait hors RCP (résumé des caractéristiques du produit). L’indication de la notice d’emploi est la prévention des myiases à Lucilia sericata. L’absence de LMR (limite maximale de résidus) lait conduit le RCP à contre-indiquer son emploi chez les brebis dont le lait est destiné à la consommation humaine. Il n’existe pas non plus à ce jour de données disponibles sur l’efficacité préventive de cette spécialité chez la chèvre. Il est toutefois probable que la durée soit différente en raison de la dissemblance du tégument : abondance des poils et moindre qualité de suint dans l’espèce caprine.
Les conditions d’hygiène défavorables restent le premier facteur de risque d’apparition des myiases, en particulier celles à L. sericata.
L’application des principes fondamentaux d’une hygiène optimale évite de nombreux cas de myiases :
– la tonte correcte de printemps et en particulier de l’arrière-train (“crutching”) ;
– la prévention et le traitement des diarrhées qui souillent la laine (périnée et arrière-train), ce qui implique la prévention et le traitement des parasitoses chez l’agneau (coccidiose et strongyloses digestives) ;
– le traitement des parasitoses externes intercurrentes (mélophagose, gales, tiques) ;
– la surveillance des plaies, quelle que soit leur origine (en zone de montagnes française, les plaies sont les plus fréquentes des affections) ;
– la surveillance de l’état des pieds. Il convient de n’admettre sur les parcours que des ovins guéris du fourchet et du piétin (parage, anti-infectieux) et de mettre en place un passage régulier au pédiluve ;
– l’absence d’intervention pour bouclage auriculaire dans les quatre semaines qui précèdent la période à risque de myiase.
Les myiases à Lucilia sericata et à Wohlfahrtia magnifica sanctionnent le plus souvent un état sanitaire déficient des animaux. Pour éviter un traitement lourd et fastidieux, la prévention s’impose. Elle est fondée en premier lieu sur une hygiène générale optimale associée à un contrôle efficace du parasitisme digestif. Le dicyclanil, utilisé en une seule application pour-on préventive chez les ovins dès la survenue des premiers cas (“métaphylaxie”), permet de maîtriser ces myiases pendant toute leur durée d’infestation et constitue à ce titre une avancée technique indéniable.
→ En Europe, les sources majeures de myiases cutanées sont Lucilia sericata (sous-famille des Calliphoridés), mouche très répandue en basse et moyenne altitudes (Royaume-Uni, zone herbagère française) et Wohlfahrtia magnifica (sous-famille des Sarcophaginés), présente en moyenne et haute altitudes dans le sud et l’est de l’Europe.
→ Les adultes sont des mouches de grande taille (10 à 15 mm), d’activité diurne, principalement saprophiles et zoophiles, qui affectent préférentiellement l’espèce ovine. Elles sont faciles à distinguer car Lucilia est de couleur vert métallique et Wohlfahrtia bleutée avec un abdomen en damier.
→ Dans les conditions de terrain, aucune infestation mixte à Lucilia et à Wohlfahrtia n’est recensée, même si les deux espèces peuvent parfois coexister [7].
→ Les autres espèces agents de myiases jouent un rôle secondaire, à l’exception de Lucilia caesar dans le nord de l’Europe.
→ Les myiases à Lucilia sericata et à Wohlfahrtia magnifica diffèrent des myiases dites “secondaires”, dues à l’action de larves déposées sous des lésions préexistantes provoquées par certaines maladies (par exemple, myiases à Chrysomyia).
→ Les larves de Lucilia ont une localisation beaucoup plus superficielle que celles de Wohlfahrtia magnifica.
→ À la différence de Lucilia, les zones tégumentaires infestées par Wohlfahrtia recèlent peu de larves.
→ Les premiers symptômes notés sont une anxiété, de l’agitation, une perturbation de l’appétit qui évolue rapidement vers une anorexie, avec une douleur intense.
→ Wohlfahrtia est souvent observée en France sous forme de podomyiase, mais elle infecte aussi fréquemment les muqueuses (génitales, etc.).
→ Il convient de privilégier les traitements préventifs.
→ Des conditions d’hygiène défavorables sont le premier facteur de risque d’apparition des myiases, en particulier celles à Lucilia.
L’effet protecteur des organophosphorés et des pyréthrinoïdes par voie externe ne dépasse guère deux à trois semaines dans les conditions de terrain et leur fréquence d’utilisation requiert une main-d’œuvre importante.