Clonage chez les bovins : état des lieux - Le Point Vétérinaire n° 256 du 01/06/2005
Le Point Vétérinaire n° 256 du 01/06/2005

BIOTECHNOLOGIES DE LA REPRODUCTION

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Pascale Chavatte-Palmer

Fonctions : UMR INRA/ENVA 1198,
Biologie du développement
et reproduction,
INRA, Domaine de Vilvert,
78352 Jouy-en-Josas Cedex

Après 1 500 veaux clonés, il apparaît qu’il n’y a pas de vieillesse prématurée. Les recherches visent à améliorer le rendement pour faciliter l’acceptation du clonage.

Les premiers bovins issus de clonage à partir d’une cellule somatique provenant d’un animal adulte ont été conçus à peu près au même moment que le mouton Dolly (voir l’ENCADRÉ “Clonage : définition et premiers pas” sur Planete-vet). Depuis, environ 1 500 clones de bovins sont nés à travers le monde. L’efficacité globale du clonage (veaux nés/zygotes reconstitués) est souvent inférieure à 1 %, mais peut atteindre 20 % (voir la FIGURE “Principales étapes aboutissant à la naissance d’un clone”). Elle varie selon les laboratoires et surtout selon l’origine génétique des lignées cellulaires. L’efficacité globale a toutefois été multipliée par cinq depuis la naissance des premiers animaux. Elle varie actuellement entre 1 et 5 %. Ce faible rendement est la conséquence de fortes pertes pendant la gestation. Pendant la période de l’implantation (entre trente et soixante jours de gestation), les pertes sont dues à des anomalies du développement placentaire. Dans la deuxième moitié de la gestation, les affections liées au clonage sont communément regroupées sous le terme “syndrome du gros veau” (voir l’ENCADRÉ “Anomalies de fin de gestation lors de clonage bovin”). Les anomalies décrites ne surviennent pas toutes chez un même veau, mais elles sont régulièrement observées post-mortem.

Des clones adultes “normaux”

Les veaux ayant présenté le “syndrome du gros veau” en fin de gestation meurent en général rapidement après la naissance des conséquences directes de ces anomalies. Entre l’âge de deux et six mois, d’autres anomalies ont été observées, en particulier des atrophies thymiques dont l’origine est encore inconnue (voir le TABLEAU “Viabilité des veaux issus de clonage à l’Inra”).

Chez le clone adulte en revanche, tous les paramètres physiologiques et zootechniques étudiés jusqu’à présent restent dans les limites de la normalité établies chez des animaux de même âge issus d’insémination artificielle et de transfert embryonnaire. Dans une étude menée sur l’ensemble du troupeau de clones bovins de l’Institut national pour la recherche agronomique (Inra), il a été montré que la composition du lait et de la viande des clones était conforme. Il n’existe actuellement aucune donnée qui permette d’affirmer que ces animaux vieillissent plus rapidement que la normale, comme cela avait été supposé à l’origine pour la brebis Dolly.

Bénéfices à la hauteur des coûts

Le clonage représente avant tout une possibilité nouvelle d’améliorer les connaissances sur les premières étapes du développement et en particulier d’explorer le rôle des composantes nucléaires et cytoplasmiques au cours du développement embryonnaire et lors de la “mise en route” du génome du zygote.

Il permet en outre de reproduire le génotype d’animaux de haute valeur génétique ou d’individus rares. L’avenir de certaines races en voie de disparition a ainsi pu être assuré, par exemple celui de l’“Enderby Island” en Nouvelle-Zélande (par la société AgResearch). La mise en banque de cellules somatiques d’un individu en vue d’un clonage ultérieur peut constituer une sécurité en cas d’accident ou de catastrophe sanitaire, comme les abattages massifs suite à l’épisode de fièvre aphteuse au Royaume-Uni en 2001. Disposer des moyens de reconstituer les éléments fondateurs d’un cheptel de grande valeur est inestimable.

Cette technique permet aussi la production d’animaux transgéniques à partir de cultures cellulaires modifiées, par exemple pour induire la production de molécules dans le lait des animaux. La compagnie américaine Trans-Ova Genetics est ainsi sur le point de commercialiser une sérum-albumine recombinante humaine produite dans le lait de vaches clonées transgéniques. Cette sérum-albumine recombinante est actuellement en phase 3 d’essais cliniques aux États-Unis.

Le coût de la production d’un veau cloné est difficile à estimer. L’entreprise Trans-Ova Genetics a estimé entre 20 000 et 26 000 dollars le prix de revient d’un clone transgénique, issu de cellules somatiques fœtales. Ce coût est faible en regard de la valeur génétique et de la rareté de certains individus, et il devrait diminuer avec l’amélioration de la technique.

Aliments interdits

Certaines entreprises spécialisées dans les biotechnologies de la reproduction aux États-Unis, en Argentine et en Australie misent déjà sur la reproduction d’animaux de haute valeur génétique par clonage somatique. Toutefois, l’utilisation d’animaux clonés d’origine somatique pour produire (directement ou par le biais de leur descendance) des denrées destinées à l’alimentation humaine est encore interdite partout. Aux États-Unis, les applications commerciales destinées à l’alimentation humaine du clonage sont suspendues à l’autorisation de la food and drug administration (FDA). En France, tous les animaux clonés et leurs produits sont soumis à un moratoire qui interdit toute utilisation de clones ou de leurs produits dans la chaîne alimentaire. Il n’y a cependant pas d’accord européen à ce sujet. À ce jour, le seul pays au monde qui autorise la consommation de produits issus d’animaux clonés est le Japon, et cette autorisation est limitée aux produits de clones d’origine embryonnaire.

La production d’animaux clonés qui ne sont pas destinés à la consommation n’est en revanche pas interdite. Une start-up française spécialisée dans les biotechnologies de la reproduction chez les équidés, Cryozootech, en collaboration avec plusieurs laboratoires en Italie et aux États-Unis, a donc entrepris la production de chevaux clonés à partir d’individus rares à haut potentiel génétique (en particulier des hongres), dans le seul but de leur faire produire des gamètes pour l’insémination. Cette société, qui possède des cellules de chevaux issues des meilleurs chevaux athlètes mondiaux, s’investit en outre dans la conservation d’individus à fort potentiel génétique de races menacées (baudet du Poitou et trait mulassier, avec l’accord du parc du Marais poitevin, responsable de la préservation de ces races).

L’acceptation sociale et éthique de la technique est essentielle en vue de son développement à des fins commerciales. La question éthique est pertinente, en particulier si la forte mortalité fœtale et néonatale chez les clones est considérée. L’amélioration de l’efficacité est donc nécessaire. Le clonage ne sera probablement accepté que si une transparence totale est gardée. L’efficacité s’améliore peu à peu grâce à une meilleure maîtrise du développement in vitro, du suivi des gestations et des soins néonataux. Les travaux fondamentaux sur la compréhension des interactions entre le noyau et le cytoplasme lors de la reprogrammation du noyau des cellules somatiques devraient par ailleurs permettre de déterminer les conditions optimales de celle-ci. Il restera à déterminer si les animaux clonés, qui ne sont pas des organismes génétiquement modifiés (OGM), doivent être classés dans la catégorie des “Novel Food” avec les OGM, ou plutôt dans celle des “New Food”, produits innovants mais non modifiés. Ce dernier classement, plus logique, sera probablement adopté par la plupart des agences responsables de la sécurité alimentaire.

Anomalies de fin de gestation lors de clonage bovin

Regroupées sous le terme “syndrome du gros veau”, les anomalies affectent entre 20 et 50 % des gestations au troisième trimestre chez les bovins.

→ Poids de naissance en moyenne plus élevé que la normale (d’où le nom).

→ Hydropisie des membranes chez les vaches portant un fœtus qui exprime ce syndrome.

→ Placenta grossièrement anormal avec des placentomes œdémateux et lourds et des anomalies fœtales, parmi lesquelles :

– une ascite abdominale ;

– une augmentation de la taille des vaisseaux ombilicaux ;

– une hypertrophie cardiaque droite peut-être due à une hypertension placentaire ;

– des déformations squelettiques.

En savoir plus

Cloning and Stem Cells. 2004 ; 6 (2 : numéro spécial).