Dysplasie de la hanche et symphysiodèse pubienne - Le Point Vétérinaire n° 256 du 01/06/2005
Le Point Vétérinaire n° 256 du 01/06/2005

ORTHOPÉDIE DU CHIEN

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Aymeric Deneuche

Fonctions : Consultant itinérant
en chirurgie
Région Nord-Pas-de-Calais
Résidence le Westhoek, 112
avenue du Peuple-Belge
59000 Lille

La symphysiodèse pubienne met à profit le potentiel de croissance pour corriger la dysplasie coxo-fémorale chez un chiot âgé de moins de cinq mois et asymptomatique.

Diverses options existent pour le traitement de la dysplasie de la hanche chez le chien. Le traitement médical conservateur, ne limite pas la progression de l’arthrose [2, 9, 11, 32]. En cas d’évolution critique, une intervention chirurgicale à visée palliative telle que la résection-arthroplastie coxo-fémorale ou la prothèse totale de hanche peut être proposée [3, 9, 17, 19]. Les actes chirurgicaux destinés à augmenter la couverture de la tête fémorale par l’acétabulum et à diminuer la subluxation dorsale de la tête fémorale, tels que la triple ostéotomie pelvienne (TOP), l’ostéotomie fémorale proximale ou l’arthroplastie acétabulaire, sont idéalement réservés au chien en croissance, en l’absence de signes majeurs de dégénérescence arthrosique [7, 19, 24, 25, 26, 32]. La TOP et/ou l’ostéotomie fémorale proximale peuvent également être proposées chez le chien adulte lors de douleur due aux sollicitations biomécaniques excessives qui s’exercent sur la capsule articulaire d’une hanche subluxée.

En dépit des résultats favorables rapportés dans de nombreuses études [10, 13, 14, 19, 21, 22], ces interventions chirurgicales lourdes et invasives nécessitent un repos strict de l’animal pendant deux à trois mois et peuvent s’accompagner de complications sévères [19, 23, 29, 30]. La symphysiodèse pubienne est une alternative chirurgicale intéressante, moins invasive et moins onéreuse que les procédures précédentes, à réserver toutefois au chiot âgé de moins de cinq mois [15, 19, 31].

Principe de la symphysiodèse pubienne

Cette technique chirurgicale prophylactique provoque la fermeture prématurée de la plaque de croissance pubienne chez le chiot. Le sous-développement ventro-médial du bassin, associé à une croissance normale de la portion dorso-latérale, entraîne une rotation axiale ventro-latérale de la partie dorsale de l’acétabulum [9, 15, 19, 32]. Le centrage et la couverture de la tête fémorale sont augmentés, et ainsi le contact articulaire, ce qui diminue les contraintes sur l’articulation coxo-fémorale [7, 14, 15, 32]. Le résultat biomécanique est équivalent à celui de la TOP, si la diminution de la laxité passive et fonctionnelle de la hanche et le degré de couverture de la tête fémorale sont considérés [4, 32]. Une étude récente sur les résultats à long terme de la TOP atteste de la progression de l’arthrose en dépit d’une intervention chirurgicale précoce [5, 6]. Le développement arthrosique est toutefois moins marqué sur les hanches opérées et le résultat clinique est supérieur [10, 13, 21, 32].

Contre-indiquée après cinq mois

La symphysiodèse pubienne repose sur le potentiel de croissance de l’animal et est contre-indiquée au-delà de l’âge de cinq mois. Réservée aux chiens susceptibles de développer une dysplasie de la hanche, elle est d’autant plus efficace qu’elle est mise en œuvre précocement [8, 32]. Elle nécessite donc une évaluation précoce du risque de dysplasie de la hanche, ce qui constitue la limite majeure de cette technique.

Angle de ventroversion acétabulaire

L’angle de ventro version acétabulaire (AVA) reflète indirectement le degré de couverture de la tête fémorale. Il correspond à l’angle formé par les droites qui joignent les rebords acétabulaires dorsal et ventral de chaque hanche sur un scanner en coupe transversale [9, 32] (PHOTO 1). L’AVA ne dépend pas de la position de la tête fémorale dans l’acétabulum et son suivi au cours de la croissance permet de quantifier le degré de rotation acétabulaire [14, 15, 23, 29, 30, 32].

Index de distraction

L’index de distraction évalue le degré de laxité de la hanche. Il est calculé grâce à la méthode PennHIP, qui permet de réaliser différents clichés radiographiques en contraintes de distraction et de compression. Cette technique permet un dépistage précoce de la dysplasie de la hanche car l’index de distraction est fiable dès l’âge de quatre mois [1, 9]. Cet index constitue un excellent indicateur de l’hyperlaxité articulaire coxo-fémorale (pathologique) de la hanche et du risque de dégénérescence arthrosique [27, 28, 32].

Développement pelvien et acétabulaire

Dans les études menées chez des cochons d’Inde [15], puis chez des chiens sains [32] et dysplasiques [9, 19], des mesures coxométriques et pelvimétriques ont été effectuées chez des animaux en croissance qui ont subi une symphysiodèse pubienne, par comparaison à un groupe témoin.

• La symphysiodèse pubienne entraîne une fusion prématurée du pubis et un arrêt de la croissance de la portion pubienne de la symphyse pelvienne chez tous les chiots opérés [9, 15, 31, 32].

• Les études sont concordantes et témoignent d’une augmentation significative de l’AVA [15, 32]. Les résultats, similaires à ceux obtenus avec une TOP, sont d’autant meilleurs que l’intervention chirurgicale est précoce [8, 9, 19, 32]. Reporter celle-ci d’une semaine entraîne ainsi une diminution du changement d’AVA de 10,4 % [9]. À douze et seize semaines, l’intervention est respectivement cinq et deux fois plus efficace qu’à vingt-quatre semaines. À vingt-quatre semaines, le gain d’AVA est seulement de 6° : la rotation acétabulaire est insuffisante pour stabiliser l’articulation coxo-fémorale [9].

• L’index de distraction est significativement diminué. Selon les études, il s’améliore de 47 à 52 % par rapport au statut préopératoire et diminue de 35 à 58 % par rapport aux chiens témoins [9, 32].

• Chez les cochons d’Inde, la symphysiodèse pubienne entraîne une réduction sévère de la taille de la filière pelvienne [15, 32]. En revanche, les diminutions enregistrées chez le chien (de 13 à 18 % par rapport aux témoins) n’ont pas de répercussions cliniques significatives en ce sur les fonctions urinaire et digestive [9, 32].

Effets cliniques

• La symphysiodèse pubienne augmente le centrage et la couverture de la tête fémorale, sans toutefois modifier la congruence coxo-fémorale [32]. Les forces appliquées sur les hanches sont diminuées [4, 7, 9, 32].

• Dans les études rapportées, les suivis sont inférieurs à trois ans mais leurs résultats concordent : la progression de l’arthrose est moins marquée chez les chiens opérés [10, 13, 21, 32]. Des signes de dégénérescence arthrosique sont observés chez 83 % des chiens témoins, contre 25 % des chiens opérés, sur un suivi de deux ans [19].

• Les travaux de Swainson révèlent une augmentation de l’angle de Norberg, mais les résultats ne sont pas significatifs dans le groupe opéré. La symphysiodèse pubienne pourrait ne pas accroître suffisamment la ventroversion acétabulaire pour modifier l’angle de Norberg [32]. Cet angle n’est toutefois pas un indicateur fiable de la laxité coxo-fémorale car il dépend de la position relative de la tête fémorale dans l’acétabulum et change en fonction de la position radiographique [1, 27, 28, 32].

• Les résultats des études sur un plateau de marche montrent une démarche et une répartition normale des appuis [9]. Aucune limitation de l’amplitude des mouvements de la hanche n’est constatée.

• La symphysiodèse pubienne permet une négativation du signe d’Ortolani au cours de la croissance. Toutefois, comme pour les autres paramètres étudiés, les meilleures évolutions sont notées lors d’une intervention précoce.

• L’ensemble de ces résultats témoigne donc d’une stabilisation de la hanche au cours de la croissance après une symphysiodèse pubienne, consécutivement à l’augmentation de l’AVA et de la couverture acétabulaire. Au fur et à mesure de la croissance, l’index de distraction diminue, signe d’une laxité progressivement corrigée.

Un acte peu invasif

La symphyse pubienne correspond à la moitié crâniale de la symphyse pelvienne (PHOTO 2) [15, 18, 32]. L’abord chirurgical s’effectue par une incision cutanée de 2 à 3 cm sur la ligne médiane. Chez le mâle, il convient d’envisager un abord parapréputial. Après dissection du tissu sous-cutané, les muscles gracile, adducteur et obturateur externe sont disséqués du pubis et de la partie crâniale de l’ischium, en préservant les attaches du muscle droit de l’abdomen [9, 19, 20, 32]. La palpation du bord médial du foramen obturé permet d’identifier une proéminence osseuse, qui représente la jonction entre les plaques de croissance pubienne et ischiatique.

La symphysiodèse peut être effectuée par excision, par stabilisation ou par destruction thermique. L’électrocoagulation est la technique la plus simple à mettre en œuvre et la plus souvent décrite. La symphyse pubienne est vaporisée et les chondrocytes germinaux sont détruits par nécrose thermique [9, 15, 18, 19]. Un bistouri électrique paramétrable est utilisé en mode de coagulation monopolaire à une puissance de 40 W [18]. La durée d’application dépend du type d’électrode, soit douze à trente secondes avec une aiguille et dix secondes au maximum avec une spatule. L’électrode est enfoncée perpendiculairement dans la symphyse pubienne jusqu’à la couche périostée interne, cela tous les 2 à 3 mm [9, 18, 19]. Il ne semble pas nécessaire d’ajuster la puissance selon la taille de l’animal [19].

Il est impératif de respecter scrupuleusement le rectum et l’urètre, ce dernier se trouvant en moyenne 2 à 13 mm en profondeur, sous la symphyse [9]. À des doses de 40 W, la vaporisation de la symphyse entraîne une température locale de plus de 100 °C [18]. Si la distance pubis-rectum n’est pas modifiée fondamentalement par la vidange du rectum, cette dernière est néanmoins conseillée [9, 18]. Une palpation transrectale simultanée à la coagulation permet en outre de rétracter latéralement le rectum et l’urètre [18, 19]. Des auteurs préfèrent relâcher l’insertion pubienne du muscle droit de l’abdomen de façon à introduire un doigt ou un écarteur malléable entre le pubis et l’urètre [9, 15].

Pas de complication majeure

Aucune complication majeure per- ou postopératoire n’est rapportée chez cinquante chiens suivis pendant un à deux ans [9, 19]. Bien que la diminution de la taille de la filière pelvienne n’ait pas de conséquences cliniques selon les études, un risque accru de dystocie ne peut être écarté. Cependant, en raison de la composante héréditaire de la dysplasie de la hanche, une stérilisation précoce des animaux opérés est recommandée et peut être proposée dans le même temps chirurgical [9, 32].

Les études présentées ne donnent toutefois pas de résultats à long terme : le recul le plus élevé à ce jour est de cent trente-sept semaines [9]. Davantage de résultats à long terme seraient nécessaires pour évaluer la progression de l’arthrose entre un lot témoin et des animaux qui ont subi d’autres types de traitements chirurgicaux [9, 19].

La symphysiodèse pubienne n’interfère pas avec une chirurgie de la hanche si cette dernière nécessaire (résection-arthroplastie coxo-fémorale, prothèse totale ou ostéotomie) [9].

La symphysiodèse pubienne est une intervention chirurgicale prophylactique pour la dysplasie coxo-fémorale, à effectuer avant l’âge de cinq mois. Les signes cliniques de dysplasie sont toutefois rares avant cet âge [32]. Un dépistage efficace peut être effectué à partir de l’âge de quatre mois : un signe d’Ortolani positif à seize semaines est hautement prédictif d’arthrose à un an [16, 32] et il est conseillé de mesurer l’index de distraction de la hanche dès cet âge [27, 28, 32]. Cette technique impose donc la médicalisation (anesthésie, radiographies, intervention chirurgicale) d’un animal très jeune et asymptomatique. Si l’électrocoagulation est la méthode préférée aujourd’hui, il serait intéressant d’évaluer l’intérêt du laser et des ablations par radiofréquences [9].