CHUTE DE CHEVAL
Pratiquer
LÉGISLATION
Auteur(s) : Philippe Tartera
Fonctions : 6, impasse Salinié, 31100 Toulouse
La propriétaire d’un cheval, innocentée sur le plan pénal, est condamnée à réparer les dommages subis par une cavalière à qui elle a prêté l’animal.
Mlle Propriétaire prête sa jument Cybèle à Mlle Emprunteuse. Cette dernière perd la maîtrise de l’animal qui, après un départ au galop, s’arrête brusquement et projette sa cavalière contre une clôture.
Victime de blessures ayant entraîné plus de trois mois d’incapacité totale de travail, Mlle Emprunteuse porte plainte contre Mlle Propriétaire pour blessures involontaires, sur la base des articles 121-3 et 222-19 du Code pénal. Elle se constitue également partie civile pour obtenir réparation de ses dommages.
Le tribunal correctionnel refuse de poursuivre Mlle Propriétaire sur le plan pénal car cette dernière avait pris soin de rencontrer Mlle Emprunteuse avant de lui prêter sa jument « pour lui donner quelques renseignements indispensables sur Cybèle et pour la prévenir des manières idéales pour l’amadouer ». Mlle Emprunteuse est également déboutée sur le plan civil.
Sur ce dernier point, Mlle Emprunteuse fait appel du jugement. La cour d’appel lui donne alors satisfaction en déclarant Mlle Propriétaire entièrement responsable des conséquences de l’accident, en application de l’article 1891 du Code civil. Mlle Propriétaire est donc condamnée à payer une provision de 152 450 € à Mlle Emprunteuse.
Mlle Propriétaire se pourvoit en cassation, mais son pourvoi est rejeté.
Les magistrats suprêmes ont estimé que la juridiction répressive pouvait retenir la responsabilité civile de la prévenue, même après l’avoir relaxée du chef du délit de blessures involontaires.
L’expertise a été confiée à un professeur vétérinaire, le Dr Expert, également enseignant d’équitation. Dans son rapport, celui-ci a établi que Mlle Emprunteuse n’avait pas un niveau équestre lui permettant de pratiquer l’équitation autrement que sur des chevaux adaptés, calmes et dociles, et dans le cadre d’exercices surveillés et dirigés par un enseignant dûment habilité. Or, Cybèle ne présentait pas les caractéristiques requises pour être montée par une telle cavalière, surtout livrée à elle-même. L’accident, prévisible pour un professionnel, est dû avant tout à l’inconscience des protagonistes.
Le Dr Expert a relevé le fond calme de Cybèle, mais a établi que son tempérament craintif était notoire et pouvait la faire réagir brutalement et de façon imprévisible et non maîtrisable si un facteur extérieur inhabituel l’inquiétait. Il s’agissait encore d’un cheval insuffisamment entraîné et à peine dressé, donc d’une docilité aléatoire. À titre d’utilisatrice de Cybèle depuis de longs mois, Mlle Propriétaire ne pouvait ignorer ces défauts et elle devait en avertir Mlle Emprunteuse de manière particulièrement précise. Mlle Propriétaire a en outre omis de dire à Mlle Emprunteuse qu’elle avait elle-même chuté quelques semaines auparavant. Mlle Emprunteuse ne pouvait pas déceler les défauts de Cybèle, son vice n’étant pas apparent, et rien ne peut lui être reproché au titre de ses obligations d’emprunteur.
Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences, ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.
Il n’y a point de contravention en cas de force majeure.
Le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 € d’amende.
Lorsque la chose prêtée a des défauts tels qu’elle puisse causer du préjudice à celui qui s’en sert, le prêteur est responsable, s’il connaissait les défauts et n’en a pas averti l’emprunteur.