CHIRURGIE DE LA HANCHE CHEZ LE CHIEN
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NOUVEAUTÉS
Auteur(s) : Fabien Collard
Fonctions : Service de chirurgie ENVL
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-l’Étoile
La dénervation de l’articulation coxo-fémorale est une intervention simple qui soulage la dysplasie de la hanche, au moins à court terme.
La dysplasie coxo-fémorale représente une cause fréquente de boiterie du membre postérieur. Elle touche le plus souvent des chiens de grande taille. De nombreux traitements chirurgicaux sont proposés, mais aucun ne s’applique à toutes les situations. Les uns tentent de corriger l’anomalie avant qu’elle ne dégénère vers la coxarthrose (symphysiodèse pubienne juvénile et triple ostéotomie pelvienne), les autres ont pour objectif de supprimer l’interface fémur-cotyle invalidante quand l’arthrose s’est développée de façon irrémédiable (résection arthroplastique de la tête et du col fémoral, prothèse totale de hanche).
La myectomie des muscles pectinés, anciennement considérée comme option chirurgicale, est aujourd’hui abandonnée. Depuis quelques années, une nouvelle procédure a été développée afin d’améliorer le confort de vie de l’animal.
La dysplasie coxo-fémorale est une affection liée à une laxité et/ou une incongruence articulaire : la part relative de ces deux éléments dans la genèse de la douleur est controversée. Elle évolue secondairement vers la dégénérescence arthrosique. Des études arthroscopiques récentes démontrent la précocité des lésions cartilagineuses (fibrillation, éburnation, fractures) dès l’âge de six à sept mois alors que les clichés radiographiques ne révèlent pas encore des signes patents d’arthrose. Cliniquement, ces chiens présentent une douleur à la manipulation de la hanche et une diminution de l’amplitude de leurs mouvements. Le développement arthrosique, mis en évidence par la radiographie, n’est pas corrélé à la clinique. Il semble donc que la douleur et les signes observés soient plus liés à l’instabilité de l’articulation qu’à l’arthrose proprement dite. Lorsque la douleur ne peut être gérée par un traitement anti-inflammatoire, un traitement chirurgical est nécessaire.
La prothèse de hanche est le traitement de choix chez l’adulte, mais son coût est souvent un obstacle pour les propriétaires. L’autre solution chirurgicale est la résection de la tête et du col fémoraux, mais ce traitement est difficile à appliquer sur les chiens de grande taille.
Une nouvelle technique est désormais à la disposition du praticien pour soulager cette douleur. Le principe de la dénervation crânio-dorsale de l’articulation coxo-fémorale est de supprimer l’innervation sensitive de la capsule articulaire de la hanche.
Deux études anatomiques ont été réalisées par Kinzel et Gasse sur l’innervation de la capsule articulaire (voir la FIGURE “Innervation de la capsule articulaire coxale chez le chien”) [1, 2]. La partie ventrale est innervée par un rameau sensitif du nerf fémoral, la partie crâniale par un rameau du nerf glutéal crânial et la partie dorsale par un rameau du nerf sciatique. Les rameaux sensitifs ne sont pas directement individualisables sur la capsule lors de l’abord car ces nerfs se divisent en plusieurs branches qui courent dans le périoste, puis dans les insertions capsulaires. La destruction du périoste lèse donc ces ramifications nerveuses.
• Pour pratiquer l’opération, une tonte large centrée sur la hanche est réalisée, puis le chien est placé en décubitus latéral : un coussinet est installé entre ses deux cuisses pour positionner les pattes postérieures parallèlement à la table d’opération. Un coussin est mis sous les lombes pour orienter le bassin dans une position verticale. Les muscles péri-articulaires sont ainsi relâchés, ce qui facilite la chirurgie.
• La voie d’abord doit permettre un accès aisé à la région cranio-dorsale de la hanche. L’incision cutanée débute caudalement au grand trochanter et s’étend sur trois à cinq centimètres cranialement en direction de la crête iliaque (PHOTO 1). Le tissu sous-cutané est incisé selon la même direction.
• Sous la peau, les portions de trois muscles différents apparaissent dans l’ouverture pratiquée : le biceps fémoral, le muscle fessier moyen et le tenseur du fascia lata. Entre ces trois muscles se trouve un triangle de tissu conjonctif qui est élargi par dissection mousse. Les muscles fessiers moyen et profond sont décollés avec une rugine ou un élévateur à périoste (PHOTO 2), puis réclinés dorsalement avec un écarteur de Hohmann pour permettre de dégager l’ilium.
• À l’aide d’une curette de Volkmann, le périoste est cureté au bord de l’insertion de la capsule articulaire cranialement et dorsalement à la hanche (PHOTO 3) sur une largeur de 5 à 10 mm selon la taille du chien. Puis, le périoste est abrasé à la surface de l’ilium autour de l’insertion du muscle droit de la cuisse.
• Après un rinçage avec du sérum physiologique, le site opératoire est refermé plan par plan avec du fil résorbable en prenant soin de ne pas laisser de cavité, puis la peau est suturée par un surjet avec du nylon.
• Après l’intervention, l’animal souffre peu et retrouve immédiatement l’usage de sa patte postérieure. Il est donc possible de réaliser une dénervation bilatérale au cours d’une seule intervention et de faire sortir le chien le soir même.
Le chien doit cependant être tenu au repos jusqu’au retrait des points : seules des promenades limitées et en laisse sont autorisées. Un traitement anti-inflammatoire à base de méloxicamà 0,1 mg/kg pendant trois à quatre jours est conseillé car une collection séro-hémorragique se forme parfois.
Des modifications du comportement (animal plus joueur, qui peut à nouveau se gratter avec son postérieur) et de la démarche sont perceptibles dès les premiers jours, mais l’amélioration clinique se poursuit sur plusieurs semaines.
Chez l’homme, la dénervation est pratiquée depuis de nombreuses années pour soulager les douleurs articulaires de la main et du coude. Elle est aussi utilisée pour le traitement des problèmes articulaires de la hanche, en particulier lors de nécrose aseptique de la tête fémorale et de rhumatisme. Mais c’est lors de dysplasie accompagnée d’une luxation ou d’une subluxation de la hanche que les résultats sont les meilleurs. Chez le chien, cette technique qui semble prometteuse reste encore peu étudiée. Une étude sur dix cas de dénervation bilatérale révèle que les propriétaires de sept chiens notent une nette amélioration à un mois et, après quatre mois, neuf propriétaires sur dix trouvent que leurs chiens présentent une amélioration de leur état [6].
Deux autres études ont été publiées et les résultats sont aussi d’environ 90 % de chiens dont l’état s’est amélioré à court terme (trois mois au maximum) [4, 5].
Un doute persiste toutefois sur la durée de cette amélioration à long terme. Certains estiment qu’elle ne peut être que temporaire comme avec la myectomie des muscles pectinés. Toutefois, dans la dernière étude rétrospective publiée, l’amélioration a été observée jusqu’à dix ans après l’intervention [3].
La dénervation crânio-dorsale de l’articulation coxo-fémorale représente une alternative intéressante aux autres traitements chirurgicaux de la dysplasie. Elle offre l’avantage d’être simple à réaliser sur des chiens de toutes tailles et sur les deux hanches simultanément. Les indications doivent être encore spécifiées. Si, comme lors de myectomie des pectinés, l’amélioration devait être transitoire, la dénervation pourrait être considérée comme une étape intermédiaire. En effet, l’analgésie obtenue permet à l’animal de refaire de l’exercice et de se remuscler. Ainsi, si une résection de la tête et du col du fémur devait être réalisée dans un second temps, les masses musculaires, qui se sont développées, pourrait permettre d’assurer une meilleure récupération.