Le trilostane, le traitement de choix du syndrome de Cushing - Le Point Vétérinaire n° 268 du 01/09/2006
Le Point Vétérinaire n° 268 du 01/09/2006

ENDOCRINOLOGIE CANINE

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : 4, square de Tourville
44470 Carquefou

Le rapport bénéfice/risque du trilostane est nettement supérieur à celui du mitotane ou Op’DDD, interdit aux vétérinaires. Un suivi rigoureux reste nécessaire.

En l’an 2000, le numéro spécial “Endocrinologie clinique des carnivores domestiques” du Point vétérinaire indiquait que « le traitement de l’hypercorticisme hypophysaire repose depuis plus de vingt ans, et encore actuellement, sur l’administration de l’Op’DDD, ou mitotane (Lysodren®(1)). Cette molécule, malgré ses désavantages, reste la thérapeutique de choix ». Les inconvénients du mitotane sont nombreux et parfois sévères. C’est un composé organochloré dérivé de l’insecticide DDT tristement célèbre. En outre, ce composé dangereux est difficilement disponible car la substance (le mitotane) comme la spécialité (Lysodren®) sont réservées à l’usage hospitalier.

En 2006, le mitotane n’est plus le traitement de choix du syndrome de Cushing spontané (voir l’ENCADRÉ complémentaire “Le syndrome de Cushing” sur planete-vet.com). L’Agence du médicament a accordé une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour des gélules de trilostane dosées à 30 ou à 60 mg comme « traitement chez le chien de l’hypercorticisme d’origine hypophysaire (maladie de Cushing) ou d’origine surrénalienne (syndrome de Cushing surrénalien) ». Depuis quelques mois, Janssen commercialise ce nouveau médicament par boîte de trente gélules à un prix HT d’environ 27 à 37 € selon le dosage de 30 ou de 60 mg.

Vétoryl® apporte, pour la première fois en France, un traitement à la fois efficace (son efficacité est au moins similaire à celle du mitotane) et, surtout, plus sûr d’emploi (effet réversible à l’arrêt du traitement), à la fois pour l’animal et l’utilisateur, bien que de nombreuses mises en garde figurent dans la notice. Il est aussi plus facile d’emploi, et surtout, légalement accessible. Les vétérinaires français bénéficient, en outre, de l’expérience du Royaume-Uni, où ce traitement est prescrit depuis 2001 chez environ 8 000 chiens.

Une inhibition enzymatique réversible

Le trilostane est un inhibiteur enzymatique de la stéroïdogenèse, bloquant ainsi la synthèse de cortisol, de corticostérone, et dans une moindre mesure, d’aldostérone. Il appartient à la classe des « anticorticostéroïdes par inhibition de la synthèse de cortisol ». Lors d’hypercorticisme (syndrome de Cushing non iatrogène), il diminue les sécrétions de glucocorticoïdes et de minéralocorticoïdes par le cortex surrénalien. Il n’agit pas sur le système nerveux central, ni sur la sécrétion hypophysaire d’ACTH (hormone adrénocorticotropique) qui stimule celle de cortisol. Il ne possède pas non plus d’action cytotoxique comme le mitotane (ou Op’DDD). Son activité est donc réversible lors de l’arrêt du traitement, ce qui rend son emploi plus sûr.

En raison de ce mode d’action, il est indiqué dans les deux types de Cushing spontané : le syndrome de Cushing d’origine hypophysaire, le plus fréquent (80 à 85 % des cas), et celui d’origine surrénalienne (tumeur surrénalienne). En revanche, il ne l’est pas pour traiter le syndrome de Cushing iatrogène. Et compte tenu de son interaction potentielle avec la synthèse des hormones stéroïdes sexuelles, il est aussi contre-indiqué chez les animaux reproducteurs et les femelles gestantes ou allaitantes (voir la FIGURE “Mode d’action du trilostane”).

Une efficacité visible en une dizaine de jours

Dans les essais cliniques, l’inhibition de la synthèse de cortisol est contrôlée après une dizaine de jours de traitement. Le propriétaire de l’animal observe une amélioration clinique en dix jours environ, surtout pour la polyurie. Toutefois, si la cortisolémie se stabilise rapidement, ce bénéfice est maximal après un à trois mois de traitement (voir la FIGURE “Résultats cliniques et effets sur la cortisolémie de l’administration de trilostane”). Lors d’alopécie, la repousse des poils est observée au-delà de trois mois de traitement.

La dose initiale la plus faible possible

La confirmation diagnostique d’un syndrome de Cushing, par un test de stimulation à l’ACTH le plus souvent, est une obligation médicale avant d’envisager son traitement par le trilostane. À la différence du protocole thérapeutique du mitotane, la dose de départ doit être la plus faible possible (entre 2 et 5 mg/kg/j), surtout chez les chiens de petite taille, et administrée une fois par jour. Toutefois, chez les chiens de moins de 5 kg, la présentation en gélule de 30 mg, la plus faible posologie, ne permet pas de descendre en dessous de 6 mg/kg/j, d’autant qu’il est formellement contre-indiqué d’ouvrir les gélules. « Dans les essais cliniques, la dose initiale moyenne de 6 mg/kg une seule fois par jour s’est avérée efficace », indique le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP). Selon l’évolution des signes cliniques et les résultats du test de stimulation à l’ACTH, il convient d’augmenter progressivement la posologie et/ou de répartir la dose en deux prises, matin et soir, dans environ un cas sur trois. Cependant, la quasi-totalité des chiens sont stabilisés à des doses inférieures ou égales à 10 mg/kg/j. Pour les animaux qui requièrent une dose supérieure à 10 mg/kg, un suivi plus attentif est nécessaire.

Une prise avec les repas, sans ouvrir la gélule

La résorption digestive du trilostane est nettement augmentée par la prise concomitante d’aliments. Il est recommandé d’administrer la gélule avec le repas, mais surtout sans l’ouvrir pour éviter tout contact direct de l’utilisateur avec la substance active. Les pics plasmatiques sont atteints entre trente minutes et deux heures et demie après administration. L’effet maximal sur la cortisolémie est observé entre quatre et huit heures après la prise. Pour l’ajustement de la dose, le test de stimulation à l’ACTH est réalisé pendant cette période d’efficacité maximale.

Un suivi à dix jours, à un mois, à trois mois, puis tous les trois mois

La notice d’emploi du trilostane recommande, après le début du traitement (ou après une modification de la dose), un suivi à dix jours, à un mois, à trois mois, puis tous les trimestres, en réalisant des mesures de la cortisolémie après stimulation à l’ACTH (voir le TABLEAU “Le suivi des chiens sous traitement”). Ces suivis ont pour objectif de vérifier que la posologie de trilostane est adaptée. Une hypercortisolémie doit amener à augmenter les doses par paliers « aussi petits que possible ».

À l’inverse, la trop grande efficacité du trilostane sur la synthèse de cortisol peut entraîner un syndrome de privation en corticoïdes, associé à des signes cliniques comme une léthargie, une anorexie, etc. Ce syndrome, généralement peu grave, nécessite un arrêt du traitement pendant une semaine, puis une reprise à une dose moins forte. Ce phénomène est d’autant plus rare que le traitement est entrepris à une dose faible.

Dans un essai clinique sur 75 chiens, une insuffisance corticosurrénalienne iatrogène, plus sévère et plus rare, avec une dégradation brutale de l’état général, est survenue chez deux animaux, soit une prévalence de 2,6 %. Cette insuffisance est réversible à l’arrêt du traitement. Le mitotane est à l’origine de cette insuffisance dans 5 à 17 % des cas selon les études, et souvent de manière irréversible.

Hyperkaliémie avec la spironolactone et les IECA

Le syndrome de Cushing survient plus fréquemment chez des animaux âgés. Or ceux-ci reçoivent souvent un autre traitement à long terme (anti-inflammatoires non stéroïdiens, antibiotiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion [IECA], etc.). Lors des études cliniques, certains chiens ont été traités à la fois avec Vétoryl® et avec des anti-inflammatoires et/ou des antibiotiques (amoxicilline, céfalexine, marbofloxacine, enrofloxacine), sans effets indésirables. Toutefois, une interaction est à craindre avec la spironolactone et les IECA, mais non avec le furosémide, plus couramment utilisé par les vétérinaires. La spironolactone est en effet un diurétique “épargneur potassique” par une action anti-aldostérone. L’activité concomitante du trilostane sur la synthèse d’aldostérone peut alors conduire à une hyperkaliémie. Il en est de même avec l’utilisation concomitante de trilostane et d’un IECA. L’évaluation du rapport bénéfice/risque de l’emploi de cette association par le praticien, ainsi qu’un suivi de la kaliémie sont alors recommandés.

Pour les chiens dont le syndrome de Cushing est contrôlé avec le mitotane, il n’est pas nécessairement indiqué de substituer le trilostane à ce traitement. Néanmoins, le mitotane n’étant pas légalement accessible pour un usage vétérinaire, le praticien peut être contraint de suspendre sa prescription. Il est alors recommandé de respecter un intervalle d’au moins un mois ou d’attendre la réapparition des signes d’hypercorticisme avant de commencer l’administration de trilostane à la dose la plus faible possible, afin d’éviter toute interférence avec le premier traitement.

  • (1) Médicament à usage humain, réservé à l’usage hospitalier, des laboratoires HRA. Cette spécialité a été approuvée par l’Agence européenne du médicament selon la procédure des médicaments orphelins.

En savoir plus

Goy-Thollot I, Cadoré J-L. Hypercorticisme chez le chien : mise au point sur la thérapeutique, suivi, complications. Point Vét. 2000;31 (n° spécial “Endocrinologie clinique des carnivores domestiques“):511-518.