Verrues, décubitus, goitres et surchloration de l’eau - Le Point Vétérinaire n° 268 du 01/09/2006
Le Point Vétérinaire n° 268 du 01/09/2006

OLIGO-ÉLÉMENTS CHEZ LES VACHES LAITIÈRES

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CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Régis Rupert

Fonctions : Clinique vétérinaire
La Barre
49120 Melay

Dans un troupeau laitier, diverses manifestations de carence en oligo-éléments sont observées, en particulier en iode. Une correction ciblée ne suffit pas. Une eau fortement chlorée est distribuée depuis peu.

Les carences primaires par défaut d’apports alimentaires en iode sont possibles chez les bovins, notamment dans les régions de montagne [a]. L’utilisation fréquente d’un aliment minéral et vitaminique (AMV) en élevage laitier réduit ce risque, sans toutefois le supprimer.

Les carences secondaires surviennent par perturbation du métabolisme de l’iode [1]. Les conséquences cliniques sont les mêmes que celles d’un déficit primaire. Il existe de nombreuses substances goitrogènes capables de perturber le métabolisme de l’iode. Elles agissent à différents niveaux métaboliques (assimilation, fixation par la thyroïde, élimination, etc.) [1, 4]. Elles peuvent être présentes dans l’aliment, mais il est parfois nécessaire de les chercher jusque dans l’eau d’abreuvement, comme dans le cas de cet élevage. Une grande variété de manifestations cliniques, rapportées lors d’hypothyroxinémie, y ont été observées.

Cas clinique

1. Anamnèse et commémoratifs cliniques

• En janvier 2004, des vaches d’un élevage laitier sont présentées pour des verrues sur les trayons, des boiteries, ainsi que pour des myoclonies, pour quelques-unes d’entre elles.

L’élevage est composé d’une trentaine de vaches prim’holstein hautes productrices, qui réalisent un quota de production de 278 000 l de lait.

Au moment de la visite, presque toutes les vaches sont en fin de lactation, et le volume de lait collecté dans le tank baisse d’environ 8 % par mois. Le taux protéique (TP) moyen est de 37 ‰ et le taux butyreux (TB) moyen de 47 ‰.

• Des verrues sur les trayons sont observées surtout depuis quelques mois (PHOTOS 1A, 1B et 1C), uniquement chez les primipares (14 sur 16). Elles apparaissent généralement dans les jours qui suivent le vêlage.

Le pelage des vaches et des génisses est terne.

Des cas d’acétonémie sont rapportés, tôt après le vêlage, uniquement chez les multipares. Six animaux sur dix-huit sont affectés.

Des boiteries surviennent brusquement, chez des primipares, dans les mois qui suivent leur mise bas, depuis deux ans. Les jarrets doublent de volume en quelques jours. Les traitements à base d’anti-inflammatoires non stéroïdiens apportent parfois une amélioration. Les génisses sont transférées dans la stabulation à logettes des vaches en production juste après leur vêlage.

Des myoclonies sont également observées chez quelques vaches et génisses à divers stades physiologiques.

2. Évaluation du statut nutritionnel

Rations

Les vaches en lactation reçoivent une ration de base semi-complète (voir l’ENCADRÉ “Composition de la ration des vaches en lactation”). Un complément de production est distribué matin et soir.

Au tarissement, pendant deux mois à deux mois et demi, les multipares mangent du foin, auquel s’ajoutent 12 kg d’ensilage de maïs pendant les trois dernières semaines. Elles semblent avoir du mal à consommer l’ensilage. Leur état corporel est correct au tarissement (note d’état proche de 3,5) et reste stable jusqu’au vêlage. Au premier contrôle laitier, la production des multipares est en moyenne de 39,2 kg. Les nullipares reçoivent 10 kg d’ensilage de maïs durant les cinq semaines qui précèdent le vêlage et ne présentent pas de signe d’anomalie métabolique en début de lactation. Au premier contrôle, la production des primipares est en moyenne de 32 kg.

Examens complémentaires

Afin d’évaluer le statut nutritionnel du troupeau, des examens complémentaires sont effectués chez cinq primipares (vaches A, B, C, D, E) (voir le TABLEAU “Résultats de l’évaluation du statut nutritionnel chez cinq primipares”).

Les glycémies et les rapports glycémie/urémie sont élevés, résultats compatibles avec un état de subacidose. Des prélèvements par ponctions de jus de rumen sont effectués, avec une mesure instantanée du pH, mais les valeurs obtenues, comprises entre 6 et 6,4, ne permettent pas de confirmer l’acidose.

Pour les oligo-éléments, une carence importante en iode est mise en évidence (iode inorganique plasmatique : IIP), ainsi qu’un déficit marqué en sélénium (enzyme GSH-pxe) et une carence en zinc.

Des analyses urinaires après sondage sont effectuées. Les résultats ne montrent qu’une excrétion urinaire à la limite inférieure des normes admises pour le phosphore.

Premières corrections

En février, la grande majorité des vêlages a eu lieu. Seule la vache F doit être tarie dans les jours qui suivent. Elle a produit plus de 11 000 kg de lait en 5e lactation et doit vêler au mois de mars. Une nouvelle ration de tarissement lui est donnée, visant à limiter le déficit énergétique en début de lactation. Du foin n’est distribué seul que pendant les trois premiers jours. L’ensilage de maïs est rapidement réintroduit, à raison de 3 à 4 kg de matière sèche par jour, avec du foin à volonté.

Les vaches en lactation (toutes les autres) reçoivent une complémentation raisonnée en trois oligo-éléments : de l’iode (Octadine® granulés, 20 g/semaine/vache pendant deux mois), du zinc (Octazinc®, 60 g/j/vache pendant cinq jours) et du sélénium (Octaselen®, 100 g/j/vache pendant cinq jours).

3. Évolution clinique

Observations sur le troupeau

Un contrôle sanguin est effectué chez les vaches en lactation après la complémentation (voir le TABLEAU “Résultats biochimiques sanguins après complémentation”). Il montre une bonne amélioration du statut en zinc et surtout en sélénium, mais insuffisante pour l’iode.

Les verrues disparaissent en quelques semaines chez 12 des 16 primipares affectées. Le pelage redevient luisant. L’indice de consommation alimentaire augmente rapidement de 10 % environ. La persistance en production s’améliore : moins 1 % par mois durant les deux mois qui suivent le début de la complémentation en oligo-éléments (contre moins 8 % auparavant). Les myoclonies semblent atténuées (en fréquence et en intensité). En revanche, aucune amélioration des boiteries n’est notée.

Observations individuels

Un animal (vache F) présente un syndrome “vache couchée” le lendemain du vêlage (voir l’ENCADRÉ “Syndrome vache couchée chez la vache F” et les TABLEAUX “Résultats des analyses sanguines chez la vache F” et “Thyroxinémies de la vache F, avant et après le traitement”, PHOTO 2). Des verrues persistent chez deux primipares. Quatre animaux (vaches G, H, I, J) sont retrouvés en décubitus le 8 août, le 4 et le 15 septembre. Ces différents symptômes sont améliorés par l’administration d’iode et de sélénium.

Une laryngite striduleuse est observée chez le veau de la vache H. La vache K donne naissance à un veau mort-né le 25 novembre (voir l’ENCADRÉ “Autres cas traités” et les TABLEAUX complémentaires “Résultats des analyses sanguines chez la vache H” et “Résultats des analyses sanguines chez la vache J” sur planete-vet.com, PHOTOS 3, 4 et 5).

4. Hypothèses étiologiques

Différentes origines peuvent être trouvées aux troubles du métabolisme des oligo-éléments en général, et de l’iode en particulier, observés dans cet élevage. Les hypothèses suivantes sont envisagées :

- la présence de toxiques ou de substances goitrigènes dans l’aliment (glucosinolate, goitrine, substances cyanogéniques, L-5-vinyl-2-thio-oxazolidone, lithium, thiocarbamine) [5, 2] ;

- une infection sous-jacente, avec une immunodépression (”ehrlichiose“ [ou anaplasmose à A. phagocytophylum], maladie de Lyme, diarrhée virale bovine [BVD], etc.) ;

- une anomalie de la qualité de l’eau (chlore, nitrates, etc.).

Aucun aliment goitrigène n’est a priori présent dans la ration, et les moyens qui permettent de vérifier la présence accidentelle de toxiques ayant des répercussions sur le métabolisme des oligo-éléments ne sont pas simples à mettre en œuvre. La première hypothèse est donc écartée, au moins temporairement.

Des sérologies pour l’ehrlichiose et la maladie de Lyme sont effectuées chez cinq vaches. Elles sont toutes négatives. En outre, aucun anticorps antivirus BVD n’est détecté dans le lait.

Il reste à procéder à une recherche sur la qualité de l’eau.

5. Étude de la chloration de l’eau

Les vaches sont abreuvées avec l’eau du réseau depuis l’été 2003. Les premiers événements cliniques accompagnés de perturbations dans le statut en oligo-éléments (verrues) ont été observés quelques mois plus tard. Autrefois, l’abreuvement était assuré par un puits devenu impropre à la consommation.

Des analyses effectuées par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) révèlent des concentrations en chlore total variables selon les communes et le moment de l’analyse (les nitrates sont normaux). Une surchloration est parfois observée, notamment dans la commune où se déroule ce cas clinique, et dans celles environnantes : les pics de concentration en chlore total(2) dans l’eau ont déjà atteint, voire dépassé 1 mg/l ces deux dernières années (voir la FIGURE “Résultats des dosages du chlore total dans l’eau du réseau autour de l’exploitation”), alors que la réglementation prévoit que la concentration en chlore libre dans l’eau ne doit pas dépasser 0,1 mg/l au robinet du consommateur. Au nord de ces communes, les concentrations en chlore total restent dans les normes, mais ces zones sont desservies par un réseau indépendant. Les quatre communes où une surchloration est observée sont alimentées par un réseau disposant de trois points de chloration, dont deux relativement proches. En outre, l’exploitation en cause se situe en limite de commune. Elle est desservie par une canalisation secondaire qui se termine en impasse (voir la FIGURE “Situation de l’exploitation par rapport aux canalisations du réseau”). L’éleveur se plaint souvent et depuis longtemps d’une eau potable qui » sent fortement le chlore ».

6. Mesures de correction et bilan

Les vêlages doivent commencer en juillet. Les vaches sont abreuvées avec l’eau d’un nouveau forage dont la qualité physico-chimique et bactérienne a été vérifiée par des analyses répétées (elle est non traitée).

Au printemps 2005, un programme de préparation au vêlage est instauré. Les vaches sont mises en pâture le premier mois de leur période sèche. Puis, dans le mois qui précède le vêlage, elles reçoivent la ration suivante :

- 20 kg de la ration de base d’une vache en lactation, sans bicarbonate ;

- de la paille hachée et mélassée à volonté (mélasse sans potasse) ;

- un aliment minéral et vitaminique 14-14, à raison de 200 g, un jour sur deux ;

- Octapluriel Vitamine® (iode, sélénium, zinc, cuivre, cobalt, et vitamines A, D3, E), à raison de 50 g par semaine.

À la fin de la saison de vêlage de l’année 2005, aucun cas de vache couchée ni d’acétonémie n’est observé. Les performances de production et de reproduction se sont encore améliorées. Les boiteries qui affectaient les primipares ont été résolues en améliorant les transitions alimentaires entre les différents stades de production.

Discussion

Lors de carence en iode, une baisse de la thyroxinémie peut survenir (voir la FIGURE complémentaire “Métabolisme de l’iode” sur planete-vet.com), dans un délai de plusieurs mois à un an [6], car la colloïde libère d’abord suffisamment d’hormones thyroïdiennes pour maintenir des concentrations plasmatiques correctes. Les troubles métaboliques (et cliniques) associés apparaissent plus rapidement et plus intensément chez le veau né d’une mère carencée, comme cela a été observé ici (veau à laryngite striduleuse qui présente un goitre, veau mort-né). La mesure de la thyroxinémie est un paramètre intéressant chez le jeune en croissance, mais elle est soumise à trop de variations physiologiques chez l’adulte (maladie, déficit énergétique, etc.). Il est alors préférable de doser l’iode inorganique plasmatique pour obtenir une évaluation des apports alimentaires récents en iode [6].

1. Carence primaire en iode

Dans le cas de cet élevage, les concentrations plasmatiques en iode inorganique sont apparues faibles chez les primipares qui ont subi des analyses (IIP : 3 µg/l en moyenne), faisant suspecter une carence en iode primaire chez ces dernières, sachant aussi qu’elles recevaient moins d’AMV que les femelles en lactation. La complémentation entreprise chez toutes les femelles adultes a restauré en partie le statut en iode et a supprimé certaines manifestations cliniques. Toutefois, elle n’a pas permis un retour à la normale des thyroxinémies.

2. Carence secondaire en iode

• Dans cet exemple, la surchloration de l’eau d’abreuvement pourrait être la cause majeure des thyroxinémies qui sont restées basses après complémentation. Une étude montre l’effet antithyroïdien du chlore dans l’eau de boisson [3] chez des agneaux abreuvés avec de l’eau chlorée à 0,3 ppm pendant quatre semaines et de façon plus nette, avec de l’eau chlorée à 1,8 ppm pendant trois mois. Elle rapporte également qu’une exposition subchronique à de l’eau chlorée induit une baisse de la thyroxinémie chez des singes ou encore chez des rats nouveau-nés. Le chlore libre et ses dérivés organiques agissent à plusieurs niveaux. Ce sont notamment des inhibiteurs du symporteur membranaire sodium-iodure qui permet la fixation de l’iode par la thyroïde [1]. Ils favorisent également le relargage des ions iodures déjà fixés par la thyroïde. Le chlore facilite aussi l’excrétion urinaire de l’iode [4]. Dans cet élevage, les effets délétères du chlore se sont vraisemblablement ajoutés à la carence primaire en iode.

• En France, depuis fin 1999, le volet Biotox du plan Vigipirate prévoit, au chapitre “prévention”, de maintenir une concentration minimale en chlore libre de 0,3 ppm en sortie des réservoirs, pour viser une concentration en chlore libre de 0,1 ppm en tout point du réseau de distribution [b].

Dans la commune de cet élevage, des concentrations en chlore libre jusqu’à 0,65 ppm ont été mesurées. Elles ont probablement atteint des valeurs encore supérieures dans cette exploitation, en raison de sa position dans le réseau.

3. Carence associée en sélénium

La grande majorité de la T3 circulante est issue de la T4. La conversion est permise par des désiodases, enzymes séléno-dépendantes. Lors de carence en sélénium, il est possible d’observer une augmentation des thyroxinémies par effet d’accumulation, accompagnée d’une diminution des concentrations plasmatiques en T3 [4]. Il est important de connaître conjointement les statuts en iode et en sélénium, avant d’entreprendre une complémentation. Une carence en sélénium a été observée conjointement à la carence en iode, au début de ce cas. Le sélénium favorisant la conversion de la T4 en T3, la complémentation en sélénium ne peut pas, dans un premier temps, permettre une augmentation de la concentration en T4, mais plutôt une consommation de celle-ci. Dans la situation clinique de carence de ce cas, l’hormone thyroïdienne a été directement administrée (Lévothyrox®(1)) pour remonter rapidement la thyoxinémie des vaches affectées, tandis que l’iode et le sélénium administrés conjointement (Capdine®, Capsel®) sont destinés à aider la thyroïde à prendre le relais métabolique à moyen terme.

4. Acétonémies

Un déficit énergétique chez la vache laitière s’accompagne d’une diminution des concentrations plasmatiques en T4 et en T3 [4]. Il existe également, dans les jours qui précèdent le vêlage, un transfert important de la thyroxine maternelle vers le fœtus : les hormones thyroïdiennes jouent un grand rôle dans les fonctions vitales à la naissance (thermorégulation, production du surfactant pulmonaire, transfert de l’immunité passive, etc.) [4, d]. Il est possible que les acétonémies observées peu après le vêlage chez un tiers des multipares de cet élevage aient constitué un facteur de risque pour les hypothyroxinémies post-partum.

5. Manifestations cliniques des hypothyroxinémies

• Chez le veau nouveau-né, lors d’hypothyroxinémie, de nombreux troubles sont décrits [1, 4, b, c] : mortinatalité, hypothermies, syndromes de détresse respiratoire aiguë [c], troubles du comportement (veaux mous refusant de téter), goitres (observés dans ce cas) [2, c], laryngites striduleuses (observées dans ce cas, mais sans anomalie de l’IIP), etc. Les cas de mort subite chez des veaux âgés de quelques jours, rapportés par l’éleveur au cours de la même saison de vêlage, n’ont pas donné lieu à des investigations.

• Chez la vache adulte, le goitre n’est présent que chez environ 4 % des animaux en hypothyroxinémie [2]. Diverses autres manifestations peuvent être mises en évidence. L’effet négatif d’une carence en iode sur la production laitière peut être suspecté : la production s’est effectivement améliorée après corrections successives [7].

Des observations personnelles préliminaires, conduites avec l’aide de la firme Nutrition-Biochimie Vétérinaire Consultants (NBVC), font suspecter un lien étroit entre la concentration plasmatique en iode inorganique et l’expression clinique du papillomavirus, agent causal des verrues. Dans ce cas, les verrues ont disparu après complémentation.

Concernant la relation suspectée entre la carence en iode et l’œdème mammaire, peu de données sont disponibles.

Les troubles de la reproduction (avortements, infertilité, rétentions placentaires, etc.) rapportés dans la littérature lors de carence en iode n’ont pas été notés ici.

Les observations relevées invitent à intégrer l’hypothyroxinémie dans le diagnostic différentiel de la vache couchée. Un trouble de la kaliémie aurait également pu être recherché.

Ce cas illustre l’existence et la diversité des expressions cliniques de carences en oligo-éléments en élevage laitier. L’apport d’un aliment minéral et vitaminique ne suffit pas à exclure cette hypothèse. Les carences en oligo-éléments sont surtout secondaires, mais peuvent, comme ici, être à la fois primaires et secondaires. Ce sont surtout leurs conséquences indirectes sur la santé du troupeau et sur ses performances de production et de reproduction qui doivent être prises en considération. Une carence en iode est un facteur de risque, parmi tous ceux susceptibles de détériorer la santé d’un bovin (dans ce cas des vaches en décubitus) comme celle d’un troupeau.

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) Le chlore total correspond au chlore libre et à la fraction du chlore libre qui s’est transformée au contact de la matière organique présente dans les canalisations.

Composition de la ration de base des vaches en lactation

La ration de base des vaches en lactation comprend :

- de l’ensilage de maïs : 11 kg ;

- de l’ensilage d’herbe (“ray-gras” italien) : 4 kg ;

- du soja : 2,7 kg ;

- du blé : 2 kg ;

- un complément minéral 7-27-4 enrichi en sélénium ;

- un carbonate de chaux : 50 g ;

- du foin à volonté.

Syndrome “vache couchée” chez la vache F

Signes cliniques

Le lendemain du vêlage, la vache F est trouvée en décubitus. Une thérapeutique calcique de première intention ne permet pas de la relever. L’état général de l’animal est toutefois satisfaisant et la rumination normale. Une fois relevée à la pince iliaque, la vache tient debout toute seule pendant quelques heures, se déplace et mange, mais elle reste léthargique et de nombreuses trémulations musculaires sont visibles sur les membres (PHOTO 2). Après quelques heures, elle se recouche en décubitus sternal, puis s’étale en décubitus latéral complet, sans perte de conscience. La vache est relevée mécaniquement et retourne manger. L’éleveur procède ainsi pendant quelques jours et l’animal produit 30 l de lait par jour.

Examens complémentaires

Une analyse biochimique est effectuée sur un échantillon de sang prélevé cinq jours après le vêlage. Elle révèle une légère hypocalcémie, qui peut être qualifiée de subclinique puisque cette vache, une fois relevée mécaniquement, se déplace sans ataxie et rumine normalement, couchée ou non. Une bandelette, réalisée sur un prélèvement d’urine par sondage, révèle des traces de corps cétoniques. Les autres paramètres sont normaux.

Hypothèses diagnostiques

Parmi les causes de décubitus après le vêlage, le trouble phosphocalcique et le choc endotoxinique semblent pouvoir être écartés. L’hypothèse d’une carence en oligo-éléments est envisagée car la vacheF est la seule à ne pas avoir bénéficié de la complémentation. Or, de profondes carences en oligo-éléments ont été observées chez les vaches en lactation et la complémentation a permis une amélioration clinique notoire (pelage, production, etc.).

Diagnostic thérapeutique

Une confirmation thérapeutique à cette hypothèse est recherchée : un traitement est mis en place chez cette seule vache, à base d’hormone thyroïdienne T4 (Levothyrox®(1), per os, à la dose de 600 µg/j pendant trois jours), d’iode (Capdine®, un bolus oral le premier jour) et de sélénium (Capsel® : un bolus oral le premier jour).

La vache se relève seule pour la première fois quelques heures après l’administration du traitement.

Dans les jours qui suivent, elle se relève sans difficulté. Sa démarche est plus alerte. Les trémulations musculaires disparaissent complètement. Des prises de sang sont effectuées à J0 (juste avant le traitement), J3 et J7. Les résultats montrent une nette amélioration.

Autres cas traités

Des verrues persistantes chez deux primipares

Deux primipares traitées initialement, comme tout le troupeau, avec de l’iode, du sélénium et du zinc n’ont pas complètement guéri de leurs verrues. La thyroxine leur est prescrite (Lévothyrox®(1), à la même dose que précédemment). Les verrues disparaissent en une quinzaine de jours. La production laitière de ces animaux augmente d’environ 10 % au neuvième contrôle, alors qu’elle était en baisse régulière.

Décubitus chez deux multipares

La vache G est trouvée en décubitus le 8 août, à sept mois de gestation, en cinquième lactation. Relevée à la pince iliaque, elle tient debout pendant quelques heures. Après un traitement à base d’iode et de sélénium (Lévothyrox®(1), Capdine®, Capsel®, même protocole que pour la vache F), elle retourne normalement en production le 10 août.

La vache H est retrouvée couchée le 4 septembre, avant le vêlage, en fin de deuxième lactation. Elle ne présente ni hypocalcémie, ni hypophosphatémie. Le même traitement iodé est instauré. Elle doit être relevée avec le tracteur jusqu’au 6 septembre, puis poursuit une lactation normale.

Laryngite striduleuse chez un veau

Le veau de la vache H présente une laryngite striduleuse le 12 septembre. Son état général se dégrade. Le 20, il est amorphe, en détresse respiratoire. Un traitement à base d’iode et de sélénium est instauré (Lévothyrox®(1), Capdine®, Capsel®, même protocole que pour les vaches). Dans les heures qui suivent, la détresse respiratoire est levée, le veau se redresse et va boire spontanément. Le lendemain, il est toutefois retrouvé mort. Les résultats des analyses sanguines ante-mortem montrent a posteriori un état d’hypothyroxinémie marqué (T4 : 9,9 nmol/l ; GSH-pxe : 170 U/g Hb ; IIP : 1 537 µg/l).

Post-mortem, la glande thyroïde est hypertrophiée et pèse 25 g, au lieu de 8 à 10 g normalement [8].

Deux autres cas de décubitus

La vache I est retrouvée couchée le 8 septembre (vêlage le 30 juin, production 41 kg au premier contrôle). L’éleveur décide seul d’administrer le traitement à base d’iode et de sélénium (Lévothyrox®(1), Capdine®, Capsel®, même protocole), et un soluté oral de calcium et de phosphore. La vache se relève sans assistance et poursuit sa lactation.

La vache J présente une hypocalcémie clinique au vêlage, le 15 septembre, en deuxième lactation, avérée par une analyse biochimique. Un traitement classique (perfusion d’un soluté calcique du commerce et administration d’un composé phosphoré (Tonophosphan®) ne permet pas d’obtenir le relever. La calcémie, la phosphatémie et la magnésiémie sont pourtant revenues à la normale. Le traitement à base d’iode est instauré. Le 18 septembre, la vache se relève spontanément. Une semaine après, l’éleveur constate qu’elle hésite de plus en plus à se coucher, de la même manière que pour les vaches relevées à la pince. Il signale aussi l’apparition d’un œdème en avant de la mamelle, quelques jours après le vêlage, comme pour certaines vaches en décubitus. Chez celles traitées avec l’iode et le sélénium, l’œdème mammaire a diminué de quelques heures à quelques jours. Il est décidé pour la vache J de prolonger le traitement avec l’hormone thyroïdienne Levothyrox®(1) à la même dose pendant 15 jours après vêlage. Tous les signes cliniques régressent en quelques jours et la vache retourne en production.

Un veau mort-né

Le 25 novembre, la vache K donne naissance à un veau mort-né. Elle a reçu pendant plusieurs semaines une complémentation à base d’iode (Octadine® granulés et capdine bolus individuel), ainsi qu’un mélange d’iode, de sélénium, de zinc et de cuivre (Octapluriel®). Une autopsie du veau est réalisée, qui met en évidence un renflement laryngé. La dissection de la thyroïde révèle de nombreuses pétéchies, ainsi qu’un œdème gélatineux autour de la glande. La thyroïde pèse 25 g. L’examen histologique conclut à une hyperplasie folliculaire d’intensité modérée à marquée, à distribution multifocale (type 2). L’éleveur relate qu’il a eu plusieurs cas de veaux mourant dans les premiers jours de vie, sans explication particulière. Certains semblaient, selon lui, gênés pour déglutir.

Points forts

L’hypothyroxinémie pourrait être intégrée dans le diagnostic différentiel du syndrome de la “vache couchée”.

Le lien entre la carence en iode et la sensibilité au papillomavirus, ou les œdèmes mammaires reste à confirmer.

Depuis la fin 1999, le plan Vigipirate prévoit de maintenir une concentration minimale en chlore libre de 0,3 ppm en sortie des réservoirs, pour viser une concentration en chlore libre de 0,1 ppm en tout point du réseau de distribution de l’eau.

Des enzymes séléno-dépendantes assurent la conversion de la T3 en T4. Il est donc important de connaître conjointement les statuts en iode et en sélénium, avant d’entreprendre une complémentation.

Un déficit énergétique (acétonémie) chez la vache laitière s’accompagne d’une diminution des concentrations plasmatiques en hormones thyroïdiennes T4 et T3.

  • 1 - Chabanas A. Contribution à l’étude des effets d’une complémentation alimentaire en iode chez la vache laitière. Thèse de doctorat vétérinaire, Lyon. 2005:72p. consultable en ligne http://www.vet-lyon.fr/bib/fondoc/th_sout/listhe.php? annee=2005
  • 2 - Ghergariu S, Roca R. Goitre chez les bovins : études épidémiologique et hormonale dans une zone endémique en Roumanie. Point Vét. 1995;27(172):869-874.
  • 3 - Konova M, Bekeova E, Levkut M. The effects of chlorine intake on some morphometric parameters of the thyroid gland in lambs. Acta Vet. Brno. 1999;68:191-195.
  • 4 - Lebreton P, Garnier C, Radigue PE. Carence en iode chez les bovins. Point Vét. 2006;265(37):48-50.
  • 5 - Marmoiton A. Importance de la fonction thyroïdienne chez les ruminants : étude bibliographique. Thèse de doctorat vétérinaire, Lyon. 1991:68p.
  • 6 - Radigue PE, Husband J. Des “normes” à la hausse pour l’iode. Point Vét. 2006;37(267):10-11.
  • 7 - Underwood EJ, Suttle NF. The mineral nutrition of livestock, Commonwealth Agricultural Bureaux, London, 2001:614p.