THÉRAPEUTIQUE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT
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COURS
Auteur(s) : Stéphane Junot*, Jeanne-Marie Bonnet**
Fonctions :
*Unité de chirurgie-anestheste,
ENV de Lyon
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-l'Étoile
**Unité de physiologie,
ENV de Lyon
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-l'Étoile
Un AINS doit être choisi non seulement pour ses indications, mais peut-être plus encore en tenant compte des contre-indications. Les AINS sélectifs présentent à cet égard des indications et des contre-indications plus précises.
Une enquête épidémiologique montre que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) représentent la classe d’antalgiques la plus prescrite par les vétérinaires en France (voir l’ENCADRÉé “AINS disponibles en médecine vétérinaire”). Il apparaît néanmoins que la majorité des praticiens méconnaît leurs effets secondaires et leurs contre-indications [22].
Le mode d’action des AINS et les molécules disponibles en France sont présentés, puis leur utilisation est détaillée en abordant leurs indications, leurs contre-indications et leurs effets secondaires.
Les AINS possèdent des propriétés anti-inflammatoires grâce à leur action sur les enzymes cyclo-oxygénases (COX) [11]. En inhibant ces enzymes, ils limitent la production de prostaglandines médiatrices de l’inflammation (voir la FIGURE “Sites d’action des AINS”).
Au début des années 1990, deux isoformes des COX ont été mises en évidence [51] :
- une isoforme appelée COX-1, dite constitutive, qui est présente à l’état normal dans les tissus et intervient dans certaines fonctions physiologiques protectrices, notamment la régulation du débit sanguin rénal et la sécrétion de mucus gastrique ;
- une isoforme dénommée COX-2, inductible par certains stimuli comme les processus inflammatoires.
Depuis peu, cette dichotomie n’est plus aussi nette. En effet, des COX-2 ont été trouvées à l’état constitutif dans des tissus comme le rein ou le système nerveux central, où cette isoforme assure des fonctions protectrices [4, 19]. En outre, plus récemment, l’hypothèse d’une isoforme COX-3 a été avancée, permettant d’expliquer l’action centrale du paracétamol [43].
Lors de la mise en jeu de la cascade de l’inflammation, les COX-1 sont augmentées de deux à trois fois par rapport à la normale, alors que les COX-2 le sont jusqu’à vingt fois, ce qui laisse supposer que les COX-2 sont davantage impliquées que les COX-1 dans l’inflammation et la transmission de la douleur.
Certains AINS présentent également la faculté d’inhiber d’autres médiateurs de l’inflammation, les leucotriènes, par l’inhibition des lipo-oxygénases (LOX) [13, 46]. D’autres AINS empêchent aussi l’activation des neutrophiles [1].
Classiquement, les AINS sont classés selon leur potentiel d’inhibition des COX-1, des COX-2, voire des LOX. C’est ainsi que sont distingués les inhibiteurs non sélectifs des COX (inhibition des COX-1 et des COX-2 : faible ratio COX-1/COX-2), les inhibiteurs préférentiels des COX-2 (faible inhibition de la COX-1 en comparaison de la COX-2 : ratio COX-1/COX-2 élevé), les inhibiteurs sélectifs des COX-2 (pas d’inhibition de la COX-1 à dose thérapeutique : ratio COX-1/COX-2 très élevé) et les inhibiteurs mixtes COX/LOX (inhibant à la fois les COX et les LOX).
Les effets des AINS sont essentiellement le reflet de l’inhibition de la synthèse des prostaglandines. Entre autres effets, les prostaglandines participent au phénomène inflammatoire lors de traumatismes tissulaires et elles élèvent le seuil à partir duquel les régulations hypothermisantes se déclenchent. En outre, elles possèdent une activité pro-agrégeante via le thromboxane. Les AINS possèdent donc des propriétés :
- anti-inflammatoires ;
- antipyrétiques ;
- anti-agrégeantes plaquettaires.
Dans la paroi de l’estomac, les prostaglandines E (PGE) et I (prostacyclines), dont la synthèse dépend de la COX-1 à ce niveau, régulent l’acidité des sécrétions gastriques, permettent une vasodilatation et un maintien du flux sanguin dans la muqueuse gastrique. Elles ont des vertus cytoprotectrices. Dans certaines situations comme des ulcérations de la muqueuse, des COX-2 (absentes à l’état constitutif mais induites par l’inflammation) produisent des PGE qui participent à la cicatrisation de la muqueuse.
Dans le rein, ces prostaglandines E et I sont synthétisées non seulement par les COX-1, mais aussi par les COX-2. Elles sont essentielles au maintien du débit sanguin rénal et à la réabsorption tubulaire de sodium, en interaction avec d’autres médiateurs comme l’angiotensine II notamment. En outre, ces prostaglandines participent au phénomène d’auto-régulation rénale, mécanisme intrinsèque du maintien du débit de filtration glomérulaire quand la pression de perfusion du rein varie [18, 40]. Les agents qui inhibent les COX-2 sans affecter les COX-1 préservent donc la muqueuse gastro-intestinale, mais ne sont pas dénués d’effets rénaux dans certaines conditions [6].
Le pouvoir antalgique des AINS ne repose pas uniquement sur leur action anti-inflammatoire périphérique lors d’atteintes tissulaires : des études récentes montrent que des COX-2 sont présentes dans le système nerveux central (SNC) et participent à la modulation du message douloureux à l’étage spinal [33].
Les AINS sont indiqués, entre autres, dans le traitement de la douleur inflammatoire aiguë ou chronique. Ils sont aussi employés dans d’autres indications comme les syndromes fébriles.
Les AINS sont utilisés en phase péri-opératoire pour des interventions chirurgicales abdominales et ostéo-articulaires [7, 8, 17, 25, 26, 27, 36, 38, 41 44]. Ils permettent de limiter les phases de modulation et de transduction du message douloureux associé au geste chirurgical. Ces agents sont recommandés pour des douleurs faibles (douleur de palier 1 sur 3 selon la classification de l’Organisation mondiale de la santé). Ainsi, pour des douleurs de plus forte intensité, il est préférable de les associer à d’autres agents antalgiques, qu’ils potentialisent [47].
Une prise en charge optimale de la douleur péri-opératoire repose sur le concept d’analgésie préventive (c’est-à-dire l’administration de l’agent antalgique avant la survenue de la stimulation douloureuse). Les AINS doivent être utilisés avec précaution en raison de leurs effets secondaires, notamment rénaux. Ceux dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) vétérinaire encadre une administration péri-opératoire (méloxicam, carprofène) nécessitent toutefois une fluidothérapie pendant l’anesthésie pour prévenir la baisse de débit sanguin rénal induite par ces agents. Si l’AINS est administré avant l’intervention, il convient de le faire idéalement au moins trente minutes à une heure avant l’opération (selon la voie d’administration choisie), délai moyen nécessaire pour une action optimale du produit.
Les risques de déficit de coagulation et/ou de retard à la cicatrisation qui pourraient être redoutés lors de l’usage peropératoire d’AINS ne sont pas rencontrés en pratique chez les animaux sains [48].
Les AINS sont très efficaces contre les douleurs aiguës d’origine inflammatoire (méningite, cystite, otite, dermatite, etc.) car ils limitent la libération de médiateurs de l’inflammation et permettent de traiter ces affections, sous réserve que le phénomène causal soit pris en charge. Il en est de même pour les douleurs d’origine traumatique pour lesquelles la composante inflammatoire est majoritairement responsable de la douleur ressentie par l’animal [34] (voir la FIGURE “Action des AINS sur la douleur aiguë”).
L’arthrose est la première cause de douleur chronique chez les animaux de compagnie, en particulier chez les chiens. Elle se caractérise par une détérioration, voire une érosion, du cartilage articulaire, la formation d’ostéophytes, un remodelage de l’os et des tissus péri-articulaires. Ces phénomènes inflammatoires chroniques peuvent diminuer la qualité de vie de l’animal car ils contribuent à réduire sa mobilité, son interactivité, et occasionnent une douleur permanente d’intensité variable.
Le traitement repose sur une diminution de l’inflammation, un exercice modéré, un contrôle du poids de l’animal, voire une intervention chirurgicale dans certains cas, ainsi que sur des thérapeutiques adjuvantes [3]. Les AINS limitent le phénomène inflammatoire et réduisent ainsi la douleur, ce qui améliore le confort de l’animal. Leur tolérance à long terme par l’appareil digestif et les reins pose des difficultés car, dans la plupart des cas, les animaux sont âgés et ils peuvent ne pas supporter ces agents.
Dans ce contexte, les agents qui inhibent préférentiellement ou sélectivement les COX-2 semblent préférables car ils ont moins d’effets digestifs et entraînent des perturbations moindres de l’hémodynamique rénale, en comparaison avec les AINS classiques (non sélectifs) [9, 21, a] (voir la FIGURE “Cercle vicieux de la douleur arthrosique”).
La douleur cancéreuse est complexe : selon le type de cancer, la douleur peut avoir différentes origines, inflammatoire ou non inflammatoire, neurogène, somatique ou viscérale. Elle est le plus souvent chronique, mais peut être aiguë, notamment lors de traitements par radiothérapie ou par chirurgie.
Les AINS sont intéressants dans le cadre de la douleur cancéreuse d’origine inflammatoire (la plus fréquente) d’intensité faible à modérée (douleur de palier 1). Un traitement antalgique de longue durée permet d’améliorer la vie de l’animal, à condition d’être bien toléré par celui-ci [29]. Les AINS inhibant préférentiellement ou spécifiquement les COX-2 paraissent plus adaptés en raison de leurs moindres effets indésirables gastro-intestinaux.
Les inhibiteurs des COX-2 sont aussi étudiés en médecine humaine pour leurs propriétés anticancéreuses. En effet, les COX-2 semblent impliquées dans les tumeurs colorectales, les métastases tumorales, l’angiogenèse et la néovascularisation [10, 30, 32]. Cette même isoforme pourrait également avoir un rôle dans la résistance à la chimiothérapie anticancéreuse [45]. Le piroxicam (Feldène®(1)), un inhibiteur mixte des COX-1 et COX-2, est également utilisé pour le traitement de certaines tumeurs comme les carcinomes transitionnels de la vessie chez le chien et les carcinomes épidermoïdes (voir la FIGURE “Action des AINS sur la douleur chronique”).
Les AINS sont indiqués pour limiter des œdèmes tissulaires susceptibles d’entraîner une gêne mécanique. Ils sont utiles dans les syndromes fébriles pour leurs propriétés antipyrétiques. L’action antithrombotique des COX-1, notamment les salicylés (aspirine), en fait des agents de choix dans la prévention et le traitement d’affections thrombosantes [16].
Les AINS non sélectifs induisent une inhibition des COX-1, ce qui diminue la sécrétion du mucus protecteur et favorise la survenue de lésions gastro-intestinales. En outre, ces effets sont aggravés par l’inhibition des COX-2 inductibles, laquelle limite la synthèse des PGE2 qui participent à la cicatrisation de la muqueuse gastro-intestinale.
Certains AINS non sélectifs provoquent une irritation directe sur la muqueuse gastro-intestinale. En effet, étant des acides faibles pour la plupart, les AINS prédominent sous leur forme non ionisée dans le milieu acide de l’estomac. Ils traversent ainsi plus rapidement les membranes cellulaires des cellules épithéliales, se retrouvent sous forme ionisée dans la cellule en raison du pH intracellulaire plus élevé, et peuvent s’accumuler et causer des lésions cellulaires directes. En outre, le cycle entéro-hépatique suivi par la majorité des AINS non sélectifs tend à exposer la muqueuse digestive au médicament de façon répétée.
Les AINS non sélectifs peuvent induire chez les animaux prédisposés une diminution du débit sanguin rénal et, par conséquent, une insuffisance rénalee. En limitant l’agrégation plaquettaire, ils prédisposent les animaux traités aux troubles de l’hémostase [15].
Les AINS non sélectifs sont donc contre- indiqués chez des animaux :
- insuffisants rénaux, déshydratés, hypovolémiques ou qui présentent une affection responsable d’une diminution de volume circulant (insuffisance cardiaque congestive, ascite) ;
- suspects de lésions gastro-duodénales ou d’affections prédisposant à celles-ci ;
- prédisposés à des troubles de l’hémostase ou pour lesquels la survenue de tels troubles risquerait d’aggraver leur état clinique (traumatisme crânien ou spinal, épistaxis, hémangiosarcome) ;
- atteints d’asthme non contrôlé ou d’affection pulmonaire restrictive car les prostaglandines participent à la bronchodilatation.
Il est d’usage d’éviter l’administration des AINS chez les femelles gestantes en comparaison des données de la médecine humaine où les risques d’avortement sont augmentés par la prise de ces médicaments. Il en est de même chez les jeunes, âgés de moins de dix semaines (sensibilité et risque de survenue d’un effet secondaire accrus en raison d’une immaturité des systèmes hépatique et rénal) [24]. Parmi les autres effets secondaires potentiels, une toxicité hépatique est parfois décrite, d’origine soit indirecte (toxines issues des lésions gastro-intestinales), soit directe (augmentation des enzymes hépatiques de façon non prédictible, sans que le mécanisme d’action en soit connu). Une toxicité pour le cartilage a été évoquée lors d’administration chronique qui semble accélérer la dégénérescence du cartilage ; elle est controversée selon l’AINS utilisé (plus marquée avec l’aspirine et l’indométacine) [39].
Les contre-indications des AINS COX-2 préférentiels ou spécifiques sont un peu différentes de celles des AINS mixtes. Ces agents épargnent la muqueuse gastrique et la coagulation puisqu’ils n’ont pas d’effet (inhibiteurs sélectifs) ou peu d’effets (inhibiteurs préférentiels) sur la COX-1 aux doses thérapeutiques, à des degrés divers selon qu’ils sont préférentiels ou spécifiques. En raison de leur apparition relativement récente en pratique vétérinaire, il convient d’effectuer des études complémentaires sur leur tolérance dans les espèces canine et féline. Des effets rénaux ont, par exemple, été décrits chez l’homme, ainsi que des retards à la cicatrisation osseuse [6, 14] (voir l’ENCADRÉ “Pourquoi les inhibiteurs sélectifs ont fait débat en médecine humaine : quelles répercussions en médecine vétérinaire ?”).
En l’état actuel des connaissances, ces agents sont à utiliser avec précaution chez les animaux à risque d’insuffisance rénale, et chez ceux qui présentent des lésions digestives et un trouble de la coagulation. Ils restent contre-indiqués chez les femelles gestantes et les jeunes de moins de dix semaines. Un suivi de l’animal présentant des risques de lésions digestives, de néphropathie ou de troubles de la coagulation est recommandé.
L’espèce féline semble plus sensible aux AINS que l’espèce canine. En raison de leur capacité de métabolisme donc d’élimination, diminuée, les chats sont davantage exposés à un risque de surdosage important et peuvent présenter les symptômes suivants après administration de salicylés : hyperthermie, alcalose respiratoire, acidose métabolique, méthémoglobinémie, gastrite hémorragique, insuffisances rénale et hépatique [52]. Le paracétamol présente une forte toxicité dans cette espèce, avec un risque de méthémoglobinémie aiguë létale en cas d’insuffisance hépatique [20].
Les AMM des AINS comme le méloxicam et l’acide tolfénamique ont validé une utilisation de courte durée chez le chat, mais celle d’autres AINS a été décrite “hors AMM”. Il semble que les accidents soient rencontrés essentiellement lors d’administration prolongée ou de dosage trop élevé. Il convient donc de rester prudent lors de l’administration d’AINS dans cette espèce, en prescrivant de préférence des spécialités dont l’AMM mentionne le chat comme espèce cible, en respectant les doses et en limitant la durée d’administration.
Lors d’un traitement de courte durée, les AINS non sélectifs ou sélectifs COX-2 peuvent être utilisés indifféremment s’ils sont efficaces et tolérés par l’animal.
Si le traitement anti-inflammatoire doit être prolongé, il est préférable d’opter pour les molécules dont le risque d’effets indésirables est réduit, c’est-à-dire les inhibiteurs préférentiels ou sélectifs des COX-2. En effet, ces agents ont peu d’effets délétères sur la muqueuse digestive, mais ils sont susceptibles d’induire des complications rénales chez les animaux hypovolémiés ou déshydratés.
Aucun AINS ne doit être utilisé dans les situations suivantes :
- ulcérations gastro-intestinales connues ou suspectées ;
- insuffisance rénale ;
- insuffisance hépatique ;
- troubles de la coagulation ;
- femelles gestantes ;
- jeunes âgés de moins de dix semaines.
L’hypovolémie ou la déshydratation, les états de choc et les hémorragies sont également des contre-indications des anti-inflammatoires non sélectifs et sélectifs. Les inhibiteurs préférentiels ou sélectifs des COX-2 peuvent être utilisés avec précautions, en évaluant régulièrement l’état clinique de l’animal et les paramètres rénaux notamment.
L’adaptation posologique a pour but de limiter la survenue des effets secondaires des médicaments. Pour les AINS, cette adaptation consiste à diminuer la posologie chez les animaux âgés ou chez les jeunes lors d’une première administration, puis à réévaluer la dose en fonction de la réponse de l’animal. Lors d’une prescription sur une longue durée, une baisse progressive des doses administrées peut permettre, tout en gardant une efficacité anti-inflammatoire et antalgique, de diminuer les risques de complications associées au traitement [35].
Les AINS sont indiqués comme traitement antalgique des douleurs de palier 1, mais ils peuvent être insuffisants lors de douleurs plus intenses. Ainsi, si le confort de l’animal après l’administration d’un AINS paraît insuffisant, il convient de prescrire un antalgique d’une autre famille (un morphinique essentiellement pour les douleurs péri-opératoire et chronique, mais aussi de la kétamine, de la lidocaïne, un α2-agoniste pour la gestion de la douleur péri-opératoire), plutôt que d’augmenter la dose de l’AINS (les risques d’intolérance du médicament seraient alors plus importants pour l’animal).
Ce type d’association permet d’optimiser l’analgésie en agissant à différents niveaux du message douloureux et de diminuer les doses respectives des différents agents (analgésie multimodale).
• Il est recommandé de ne pas co-administrer deux AINS différents afin de ne pas augmenter les risques de complications gastro-intestinales ou rénales.
• Les AINS ne doivent pas être associés aux anti-inflammatoires stéroïdiens car les risques de complications gastro-intestinales et rénales sont majorés puisque les corticoïdes agissent également sur la cascade de l’acide arachidonique (voir l'ENCADRÉ “Anti-inflammatoires stéroïdiens et non stéroïdiens”).
• La forte fixation des AINS aux protéines plasmatiques est également un élément à considérer. Elle peut être à l’origine d’interactions médicamenteuses avec les agents fortement fixés sur les protéines plasmatiques, comme les barbituriques ou les anticoagulants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), et induire un risque de surdosage.
• Les AINS peuvent favoriser la survenue d’une insuffisance rénale lorsqu’ils sont utilisés avec des médicaments hypotenseurs (par exemple, les anesthésiques généraux).
• L’association des AINS avec des IECA peut s’avérer délétère pour le rein. En effet, les IECA diminuent le tonus vasomoteur de l’artériole efférente par l’inhibition de la production d’angiotensine II. Les AINS bloquent la synthèse de prostaglandines vasodilatatrices de l’artériole afférente. Les mécanismes de préservation du débit sanguin rénal et de la filtration glomérulaire s’en trouvent affectés. Il en résulte un risque accru d’insuffisance rénale aiguë, particulièrement chez les animaux qui présentent une hypovolémie, une déshydratation ou une prédisposition (animal âgé, par exemple) [2]. Diverses études n’ont pas corroboré ces risques, mais il convient de surveiller la fonction rénale en cas de prescription de cette association (voir la FIGURE “Interaction des AINS et des IECA sur l’hémodynamique glomérulaire”) [28].
• Pour les interactions médicamenteuses avec les inhibiteurs sélectifs des COX-2, les mêmes précautions doivent être prises qu’avec les AINS non sélectifs.
Les AINS constituent une classe importante de médicaments, en raison de leur efficacité et de leur facilité de prescription et d’approvisionnement. Ces agents sont particulièrement intéressants pour la gestion de douleurs inflammatoires, aussi bien aiguës que chroniques. Ils procurent une analgésie efficace pour les douleurs de palier 1. Lors de douleur plus intense, les AINS gardent leur intérêt car ils permettent de potentialiser d’autres agents antalgiques, notamment les morphiniques. Néanmoins, ils ne sont pas dénués d’effets secondaires, en particulier les inhibiteurs non sélectifs des cyclo-oxygénases qui inhibent également les COX-1, et sont susceptibles d’être à l’origine d’effets secondaires gastriques et rénaux lors d’administration de longue durée. La sortie sur le marché vétérinaire d’inhibiteurs sélectifs des COX-2 semble une option intéressante, en particulier pour les traitements antalgiques de longue durée et en phase péri-opératoire.
Les AINS sont caractérisés par leur formule chimique (qui guide leur famille d’appartenance) et leur capacité à inhiber la COX-2 par rapport à la COX-1, représentée par le ratio COX-1/COX-2 [5, 31, 42]. Ce ratio est fondé sur la Cl50 (concentration sanguine d’agent nécessaire pour inhiber 50 % d’activité enzymatique) :
ratio COX-1/COX-2 = Cl50 COX-1/Cl50 COX-2.
Plus ce ratio est élevé, plus l’agent inhibe préférentiellement la COX-2 par rapport à la COX-1. Cela signifie qu’une concentration plus élevée d’agent est nécessaire pour inhiber la COX-1 par rapport à la COX-2. Ce ratio COX-1/COX-2 est spécifique d’un modèle d’expérience : ainsi, une valeur chez le chien ne peut être extrapolée au chat ou à une autre espèce. Ce ratio est fondé sur des concentrations sanguines qui ne reflètent pas nécessairement les concentrations tissulaires nécessaires pour que l’AINS soit actif.
Les TABLEAUX “AINS validés chez le chien” et “AINS validés chez le chat” résument les agents disponibles à ce jour sur le marché vétérinaire français, avec leur ratio COX-1/COX-2 lorsqu’il a été publié.
Les inhibiteurs sélectifs des COX-2 ont été mis sur le marché en médecine humaine en 2000, avec notamment le rofécoxib (Vioxx®(1)), puis le célécoxib (Celebrex®(1)). Ils ont été particulièrement utilisés en raison des effets indésirables moins fréquents sur le tractus digestif, limitant ainsi la coprescription d’inhibiteurs des pompes à protons et de pansements gastriques. Rapidement, leur innocuité rénale et cardiovasculaire a été remise en cause et, en 2004, plusieurs études de cohorte ont révélé une incidence plus élevée d’événements cardiovasculaires (notamment des infarctus du myocarde) chez les patients traités par le rofécoxib et le célécoxib, en comparaison avec des malades recevant un AINS non sélectif (naproxène(1)) [23, 37, 49].
La pharmacologie des COX explique ce phénomène : les COX-1 sont constitutivement exprimées dans les plaquettes où elles sont responsables de la production de thromboxane, un vasoconstricteur puissant. Dans le même temps, les COX-1 et les COX-2 présentes dans les cellules endothéliales sont susceptibles de produire des prostaglandines vasodilatatrices (prostacyclines notamment), en réponse à une augmentation de la pression exercée par le flux sanguin sur les parois vasculaires nommée shear stress (à la suite d’une anomalie locale). Ainsi, le blocage de la COX-1 peut diminuer les risques de thrombose et de vasoconstriction. Inversement, le blocage de la COX-2 peut favoriser la survenue de tels événements. Cela constitue vraisemblablement l’explication des complications cardiovasculaires rencontrées lors de l’utilisation des inhibiteurs spécifiques des COX-2 en médecine humaine.
Il est difficile de savoir si de telles complications sont possibles en médecine vétérinaire. Les données actuellement disponibles sur un inhibiteur spécifique des COX, le firocoxib, ne concernent que l’espèce canine et ne mettent pas en évidence un tel risque. En outre, les infarctus du myocarde sont très rares chez les chiens et les chats.
Les COX2 sont davantage impliquées que les COX1 dans l’inflammation et la transmission de la douleur.
Les AINS administrés en péri-opératoire nécessitent une fluidothérapie pendant l’anesthésie pour prévenir la baisse de débit sanguin rénal.
Les inhibiteurs des COX2 sont à préférer lors d’arthrose car ils présentent moins d’effets secondaires digestifs et rénaux.
Les AINS permettent de lutter contre la douleur cancéreuse d’origine inflammatoire d’intensité faible à modérée.
Les AINS non sélectifs sont contre-indiqués chez les animaux atteints d’affections pulmonaires et chez les animaux prédisposés à des troubles de l’hémostase.
L'utilisation d'AINS chez le chat doit être prudente et se limiter aux indications de l'AMM.
Les AINS inhibent la synthèse des prostaglandines en se fixant de façon réversible sur les enzymes COX. Le mode d’action des anti-inflammatoires stéroïdiens est plus complexe.
La majeure partie des actions des glucocorticoïdes est consécutive à leur interaction avec leurs récepteurs intracellulaires, le complexe ligand-récepteur ainsi formé agissant sur l’activité transcriptionnelle au sein de la cellule.
D’autres effets sont dus à une action sur les membranes cellulaires [50].
• L’activité anti-inflammatoire des corticoïdes repose sur les phénomènes suivants [12] :
- inhibition de la transcription des cytokines pro-inflammatoires ;
- diminution de la libération d’acide arachidonique par inhibition de la phospholipase A2 (PLA2) ;
- modulation de l’expression des COX-2 inductibles ;
- inhibition de l’expression des molécules d’adhésion ;
- action sur les cellules de la lignée blanche en diminuant leur activité ;
- action sur les cellules endothéliales qui permettent l’inhibition de l’afflux des leucocytes et la diminution de la perméabilité vasculaire ;
- limitation de la prolifération des fibroblastes.
• Outre leurs propriétés anti-inflammatoires, les corticoïdes possèdent aussi de nombreux autres effets, en général indésirables, qui limitent l’utilisation de cette classe de médicaments en première intention :
- effets issus des propriétés glucocorticoïdes (suppression de la mise en jeu de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, effet hyperglycémiant, modification de la répartition des graisses corporelles, diminution des réserves en calcium, fonte musculaire) ;
- effets issus des propriétés minéralocorticoïdes (augmentation de la réabsorption tubulaire de sodium et d’eau, excrétion rénale de potassium).
Les indications respectives des AINS et des corticoïdes sont :
• AINS : douleur d’origine inflammatoire aiguë ou chronique, effet antipyrétique ;
• corticoïdes :
- inflammation, allergie, effet anti-œdémateux,
- immunosuppression, traitement antitumoral,
- œdème cérébral, affection neurologique d’origine inflammatoire,
- traitement lors d’insuffisance surrénalienne,
- leur utilisation à forte dose lors de choc et de traumatisme médullaire reste controversée.
Dans le cadre d’un traitement à visée anti-inflammatoire chronique, les effets secondaires des corticoïdes (polyphagie, polyuro/polydipsie, immunosuppression, ulcérations gastro-intestinales, etc.) limitent leur emploi à un cadre restreint comme un traitement anticancéreux. Pour une action anti-inflammatoire de courte durée, les corticoïdes sont intéressants plus spécialement lorsqu’un effet anti-œdémateux ou anti-prurigineux est recherché. Une corticothérapie ne doit pas être entreprise lors de suspicion d’infection, de démodécie, d’insuffisances rénale ou cardiaque, de gestation, de diabète, d’ulcérations gastro-intestinales préexistantes.
a - Hanson PD, Romano D, Fleishman C, et coll. Health events recorded from 575 dogs treated for osteoarthritis with firocoxib, carprofen or etodolac. Proc ACVIM 2004:Abstract 160.
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