PROTEC : une aide à la surveillance anesthésique - Le Point Vétérinaire n° 272 du 01/01/2007
Le Point Vétérinaire n° 272 du 01/01/2007

ANESTHÉSIE DU CHIEN ET DU CHAT

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COURS

Auteur(s) : Loïc Larguier

Fonctions : Consultant itinérant en chirurgie
5, boulevard Laënnec
56800 Ploërmel

En anesthésie vétérinaire, la tendance actuelle est à la prévention des accidents. La fiche PROTEC est un moyen pratique de détecter de façon précoce les anomalies.

Qu’elle soit fixe ou volatile, courte ou longue, pratiquée pour des interventions chirurgicales ou des examens complémentaires (contention chimique), l’anesthésie occupe une part importante de l’activité quotidienne en médecine des animaux de compagnie.

Le risque d’accident anesthésique est trop souvent négligé, surtout lors de la réalisation d’actes dits de convenance pour lesquels l’anesthésie et sa surveillance sont banalisées.

La diminution du risque anesthésique repose sur :

- le contrôle de l’anesthésie (examen préopératoire indispensable, choix judicieux du protocole anesthésique, évaluations clinique et instrumentale des signes vitaux et surveillance du réveil) ;

- la détection précoce des anomalies ;

- le traitement rapide et efficace de ces anomalies afin de prévenir les accidents [3].

Cet article propose un moyen simple de surveiller une anesthésie à l’aide d’une fiche appelée “PROTEC” qui répertorie les principaux paramètres à contrôler et qui permet de réagir lors d’anomalies.

Définitions

• L’anesthésie de l’animal est un état de perte de conscience obtenu grâce à l’administration de médicaments. Elle permet la réalisation d’examens, d’actes médicaux ou chirurgicaux. Cet état est caractérisé par une narcose, une perte de la motricité (immobilité), une perte de la nociception et un relâchement musculaire. Il doit être facilement réversible afin de contrôler le mieux possible sa durée et son effet sur l’animal.

• Parce qu’un seul médicament ne peut satisfaire toutes ces conditions, des anesthésies dites “balancées”, qui correspondent à un mélange de plusieurs molécules, sont réalisées (voir le TABLEAU “Quelques propriétés des principales molécules utilisées en pratique courante”;).

• L’homéostasie est la propriété de l’organisme à maintenir constantes les conditions physiologiques. Cet état d’équilibre est considéré comme stable chez l’animal en bonne santé et plus “fragile” chez l’animal âgé, malade ou traumatisé. L’anesthésie provoque un déséquilibre par les propriétés pharmacologiques des médicaments utilisés, par exemple, une hypothermie, une hypovolémie, une baisse de la perfusion rénale, des troubles du rythme ou une bradypnée, quel que soit le protocole utilisé : induction et entretien en injection intraveineuse ou induction intraveineuse et entretien par un gaz halogéné. Cette rupture de l’équilibre homéostasique peut induire les premiers troubles anesthésiques susceptibles de conduire aux accidents anesthésiques. Il convient donc d’essayer de rester le plus proche possible de l’état d’homéostasie de départ grâce au contrôle et à la stabilisation des paramètres (la perfusion, la respiration, l’oxygénation, la température et la fonction cardiaque (voir le TABLEAU “Principaux troubles rencontrés pendant une anesthésie et leurs moyens de prévention”).

• Afin de réaliser une anesthésie de bonne qualité, un protocole avec plusieurs molécules est nécessaire pour obtenir une narcose, une immobilité, une relaxation et une perte de la nociception [1, 10].

Pour prévenir les principales modifications liées à l’injection ou à l’inhalation de ces médicaments, il est nécessaire de mettre en place une perfusion intraveineuse, une intubation endotrachéale et une ventilation active possible sous oxygène. Il convient, en outre, de prendre en charge l’hypothermie et de contrôler le rythme et la fréquence cardiaques. Dans ces conditions, il est possible de corriger les anomalies détectées lors de la conduite d’une anesthésie ou de lutter activement contre un accident grave [1, 10].

Incidents et accidents

Les anomalies ou les accidents ont trois origines : le matériel, le vétérinaire et les produits anesthésiques.

1. Les causes liées au matériel et à son vieillissement

• Lors d’une anesthésie fixe, il est nécessaire de vérifier la pose du cathéter et sa bonne tenue au cours de l’anesthésie et du réveil de l’animal, les dates de péremption des produits injectables, le bon calcul des doses, l’accès rapide au matériel de réanimation et son bon état (sonde, ballon, bouteille à oxygène ou concentrateur).

• Lors de l’utilisation d’un circuit à gaz halogéné, il est indispensable de procéder à un entretien et à un contrôle du matériel avant chaque intervention. La vérification concerne le circuit complet et les sondes. Les ballonnets des sondes doivent être contrôlés et les joints des valves et du bac à chaux vérifiés. Puis l’étanchéité globale du système est testée.

La chaux ainsi que les tuyaux sont changés régulièrement. Les tuyaux, nettoyés après chaque utilisation, doivent être remontés dans le bon sens. Le monitorage à disposition (oxymétrie pulsée, capnigraphe, électrocardiogramme, apalert) doit être étalonné.

2. Les causes liées au facteur humain

La première cause d’accident anesthésique est le facteur humain (voir l’encadré “Liste des erreurs humaines régulièrement constatées”). Ce risque diminue avec l’expérience et la connaissance des protocoles anesthésiques.

3. Les anomalies dues aux médicaments

Chaque fois qu’une molécule est administrée, quelle que soit la voie d’injection, des troubles sont observés. Toutes ces modifications doivent être connues pour chaque produit (voir le TABLEAU “Modifications liées à l’administration de médicaments”).

Utilisation de PROTEC

• La surveillance d’un animal nécessite de contrôler de nombreux paramètres, et il n’est pas rare, par habitude, de sous-estimer leur importance ou d’oublier de les évaluer.

• PROTEC permet de faire la synthèse de tous les paramètres à surveiller lors d’une anesthésie en les intégrant dans un système mnémotechnique original. C’est une “check-list” qui peut également servir de rapport d’anesthésie et qui, dans ce cas, est jointe au dossier de l’animal.

1. PROTEC répertorie les principaux paramètres préopératoires

La fiche PROTEC permet de collecter les informations préopératoires et de les conserver par écrit [1, 3, 10].

Elle reprend les initiales de chaque paramètre à vérifier en phase préopératoire (voir la 1re colonne de la “Fiche PROTEC”).

• P comme perfusion : l’évaluation du degré de déshydratation de l’animal permet d’établir un protocole de fluidothérapie. L’évaluation du temps de recoloration capillaire indique la qualité de la perfusion périphérique.

• R comme respiration : la fréquence respiratoire est calculée et la qualité des mouvements respiratoires est observée. L’auscultation des poumons permet de déceler des bruits anormaux.

Il est possible de doser la lactatémie à l’admission avec un appareil de biochimie “accutrend” ou de commencer une cinétique de la lactatémie en effectuant plusieurs dosages pendant l’hospitalisation, afin de détecter un état hypoxique, un état de choc ou de donner un pronostic vital.

• O comme oxygénation : la coloration des muqueuses est évaluée.

• T comme température : la température de l’animal est toujours contrôlée.

• EC comme électrocardiogramme et système cardiovasculaire : la fréquence cardiaque est mesurée. Une auscultation attentive est pratiquée afin d’apprécier le rythme et de déceler un souffle éventuel. Un électrocardiogramme ou une échocardiographie peuvent être réalisés en période préopératoire.

2. PROTEC et l’évaluation du matériel

Il convient de contrôler systématiquement le dispositif d’anesthésie et le matériel de surveillance instrumental avant chaque anesthésie (voir la 2e colonne de la “Fiche PROTEC”) [2, 4, 10].

• P comme perfusion : une voie d’abord veineux doit être mise en place et sécurisée. Un dispositif comme un cathéter avec une voie supplémentaire ou avec un robinet à trois voies, qui permet une injection directe dans la circulation, est recommandé.

Les flacons de soluté sont mis à disposition.

La quantité de fluides à administrer est de 5 à 10 ml/kg/h pour un animal en bonne santé.

• R comme respiration : il est indispensable de contrôler l’appareil d’anesthésie, son étanchéité, les sondes endotrachéales et leur ballonnet, ainsi que la bascule de la fonction “assistée” à “contrôlée”.

Il convient de vérifier le bon fonctionnement du capnigraphe et du “cordon patient”.

• O comme oxygénation : il est essentiel de vérifier le niveau de pression de la bouteille d’oxygène, ainsi que la disponibilité et le bon fonctionnement du ballon d’Ambu. Il est aussi nécessaire de contrôler le fonctionnement de l’oxymètre et du “cordon patient”.

• T comme température : le matelas pour isoler l’animal de la table doit être préparé et sec. Une sonde interne pour la mesure de la température peut être utilisée, sinon un thermomètre doit toujours être à disposition. Si un tapis chauffant est disponible, il est important de s’assurer de la température qu’il produit.

• EC comme électrocardiogramme : il convient de vérifier du bon fonctionnement du monitorage cardiaque.

3. PROTEC répertorie les principaux paramètres peranesthésiques

La fiche PROTEC est un document de suivi de l’anesthésie de l’animal (voir la 3e colonne de la “Fiche PROTEC”). Elle peut servir de preuve de la bonne conduite de l’anesthésie [2, 4].

• P comme perfusion : cette voie d’abord permet de corriger une hypovolémie, une hémorragie grave ou de pratiquer une réanimation lors d’accident. Le temps de recoloration des muqueuses permet de juger de la qualité de la perfusion périphérique.

• R comme respiration : la fréquence respiratoire, la qualité des mouvements respiratoires et leur amplitude sont évaluées et controlées à l’aide d’un détecteur d’apnée. L’efficacité des cycles respiratoires est vérifiée avec un capnigraphe couplé à un oxymètre de pouls.

• O comme oxygénation : l’animal est-il correctement oxygéné ?

La surveillance visuelle s’effectue par le contrôle de la couleur des muqueuses et la surveillance instrumentale par la prise des constantes sur l’écran de l’oxymétrie pulsée.

• T comme température : la température doit être vérifiée afin de lutter contre une hyperthermie ou pour déceler une hyperthermie maligne.

• EC comme électrocardiogramme : l’électrocardiogramme permet de contrôler le rythme et la fréquence cardiaques et de détecter les bradycardies, les extrasystoles et les blocs atrio-ventriculaires.

C’est souvent par négligence que les erreurs provoquent des catastrophes : un banal examen orthopédique sous anesthésie conduit à la mort de l’animal parce que la perfusion, l’hypothermie et des apnées répétées non détectées entraînent un arrêt cardiaque secondaire infiniment plus difficile à traiter. Pour pratiquer une bonne surveillance, il convient d’analyser les points critiques, de les répertorier, puis de les corriger afin de prévenir au maximum les accidents.

Le système PROTEC propose une solution simple pour préparer et conduire les anesthésies, et pour se rappeler à chaque instant ce qui doit être contrôlé. Un prochain article traitera de la fiche RÉAGIR qui est un moyen mnémotechnique pour les conduites à tenir face aux incidents pendant l’anesthésie.

Liste des erreurs humaines régulièrement constatées

Circuit mal monté, ballon trop petit, chaux trop vieille, bouteille d’oxygène vidée en cours d’anesthésie.

Erreurs dans les doses, les flacons, les voies d’administration (injection de Domitor® à la place d’Antisedan®, par exemple).

Erreur de soluté (NaCl 7,5 % rangé par étourderie avec les poches à 0,9 %).

Non-prise en compte de la douleur postopératoire, de l’hypothermie.

Manœuvres de ballonnements inadaptées provoquant un éclatement des alvéoles.

Extubation trop précoce et asphyxie (en particulier chez les animaux brachycéphales).

Perfusion non contrôlée de solutés, surcharge volémique et œdème pulmonaire.

Changement du protocole habituel.

Mauvais contrôle des paramètres vitaux.

Points forts

La première des causes d’accidents anesthésiques est le facteur humain.

Les effets secondaires des médicaments utilisés doivent être connus.

PROTEC permet de faire la synthèse de tous les paramètres à surveiller lors d’anesthésie et peut servir de rapport d’anesthésie.

En phase préopératoire, vérifier la perfusion, la respiration, l’oxygénation, la température et le système cardiovasculaire.

  • 1 - Coppens P, Mathieu E. Guide pratique pour anesthésier chiens et chats. Pfizer. 2005 : 77 p.
  • 2 - Johnson C. Patient monitoring. In : Manual of small animal anesthesia and analgesia.1st ed. BSAVA.1999 : 43-55.
  • 3 - Jourdan G, Verwaerde P. Comment évaluer le risque anesthésique pour établir un protocole adapté chez le chien et le chat. Hors-série chirurgie. Nouv. Prat. Vét. 2005 : 457-460.
  • 4 - Junot S. La surveillance instrumentale de l’anesthésie chez le chien et le chat. Anesthésie du chien et du chat. Nouv. Prat. Vét. 2005 ; 25 : 371-374.
  • 5 - Lubasik VM. Premedication and sedation. In : Manual of small animal anesthesia and analgesia. 1st ed. BSAVA. 1999 : 71-85.
  • 6 - Ludders JW. Inhalant anaesthetics. In : Manual of small animal anesthesia and analgesia. 1st ed. BSAVA. 1999 : 104-107.
  • 7 - Reid J, Nolan AM. Intravenous anaesthetics. In : Manual of small animal anesthesia and analgesia. 1st ed. BSAVA. 1999 : 87-97.
  • 8 - Thurmon JC, Tranquilli W, Benson G. Injectables anaesthetics. In : Lumb and Jones’ Veterinary anesthesia. 3th ed. Williams and Wilkins, Baltimore. 1996 : 210-240.
  • 9 - Thurmon JC, Tranquilli W, Benson G. Preanesthetics and anesthesic adjuncts. In : Lumband Jones’ Veterinary anesthesia.3th ed. Williams and Wilkins, Baltimore. 1996 : 183-209.
  • 10 - Verwaerde P, Estrade C. Vade-mecum d’anesthésie des carnivores domestiques. Éd. Med’Com. 2005 : 255 p.