Prescription à risque et responsabilité du praticien - Le Point Vétérinaire n° 278 du 01/09/2007
Le Point Vétérinaire n° 278 du 01/09/2007

Faute professionnelle et responsabilité civile

Pratique

LÉGISLATION

Auteur(s) : Christian Diaz

Fonctions : 7, rue Saint-Jean, 31130 Balma

La faute intentionnelle peut entraîner la déchéance de la garantie de l’assurance en responsabilité civile du praticien.

Les faits : utilisation de substances interdites en compétition

Un cheval placé chez un entraîneur remporte une victoire. Cependant, les prélèvements biologiques effectués à l’issue de la compétition révèlent la présence d’une substance interdite.

Le vétérinaire avait utilisé en toute connaissance de cause des substances prohibées sur un animal engagé dans une course, et ce sans en informer l’entraîneur. La Société d’encouragement à l’élevage du cheval français (SECF) décide de disqualifier le cheval et de l’exclure de tous les hippodromes pour une durée de quatre mois. Elle inflige en outre une amende à l’entraîneur.

L’arrêt de la cour : responsabilité du vétérinaire et l’entraîneur

Le vétérinaire qui a prescrit un traitement contenant des substances interdites à tout cheval qui participe à une course voit sa responsabilité professionnelle engagée pour manquement à son devoir de conseil et d’information. Il savait que le cheval prenait part à une compétition et a administré les médicaments en toute connaissance de cause. Il n’a pas attiré l’attention de l’entraîneur sur le fait que l’animal ainsi traité ne pouvait concourir.

De son côté, l’entraîneur professionnel a également commis une faute en acceptant que ses chevaux soient traités avant une compétition avec des produits dont il ignore la composition.

Le contrôle positif a entraîné la perte de chance de gagner la course, ainsi que d’autres compétitions eu égard à la période de suspension.

La responsabilité est donc partagée entre le vétérinaire et l’entraîneur.

Commentaires : obligation d’information par le vétérinaire

Cet arrêt est intéressant à plus d’un titre. Le vétérinaire a été condamné en raison d’un manquement à son obligation d’information. Cette dernière est une obligation de résultat, contrairement à celle de soins « consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science » qui est une obligation de moyens.

• Les magistrats ont cependant retenu ici la responsabilité conjointe de l’entraîneur professionnel, probablement en vertu de l’article 77 du Code des courses de trot : « L’entraîneur est dans l’obligation de protéger le cheval dont il a la garde et de le garantir comme il convient des substances définies au paragraphe précédent (…) il doit se tenir informé des conséquences des éventuelles thérapeutiques appliquées aux chevaux. »

• La cour d’appel a estimé que le préjudice ainsi subi par les propriétaires était constitué par la perte de chance de gagner, non seulement la course litigieuse, mais aussi les autres courses pendant la période d’interdiction prononcée par la SECF.

Cette perte de chance, relevant de l’appréciation souveraine des juges, est une partie du préjudice total.

• Si le partage de responsabilité semble atténuer la sanction pour le vétérinaire, le juge l’aggrave en excluant toute garantie de la part de l’assurance, puisqu’il est établi que c’est en connaissance de cause et en espérant que le produit prohibé ne serait pas décelé par les contrôles que le vétérinaire l’a administré.

Ce caractère intentionnel de la faute est ici considéré comme entraînant l’absence de couverture par l’assurance en responsabilité civile du praticien. Ce dernier doit donc assumer sa responsabilité sur ses propres deniers.

Cet arrêt rappelle le pouvoir d’appréciation des juges qui peuvent non seulement répartir les responsabilités entre les différents intervenants, mais aussi exclure l’obligation de garantie de la compagnie d’assurances.

Le praticien doit donc être extrêmement prudent dans ces prescriptions et remplir son devoir d’information et de conseil auprès de son mandant sous peine de courir le risque de subir personnellement de lourdes sanctions financières.

Sources :

- Cour d’appel d’Amiens du 1er Juin 2004.

- Juridique. Bulletin de l’IDE, décembre 2004, 13, rue de Genève, 87100 Limoges.