Conduite d’élevage et parasitologie canines
Mise à jour
Le point sur…
Auteur(s) : Aurélien Grellet
Fonctions : Cerca-ENVA
7, avenue du général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort
Une bonne connaissance des principaux moyens thérapeutiques et prophylactiques est particulièrement importante lors d’acariose chez une chienne gestante ou un jeune chiot.
Lors de prurit chez le chien, les acarioses (encadré 1) sont sous-diagnostiquées et sous-estimées au profit d’autres affections comme les allergies (dermatite allergique due aux piqûres de puces, dermatite atopique). Elles ne sont pourtant pas à négliger en raison de leur fréquence et de leur caractère contagieux, aussi bien pour les congénères en contact avec les animaux infectés que pour l’homme. Les méthodes diagnostiques de plus en plus précises et les nouvelles molécules antiparasitaires développées facilitent la prise en charge de ces dermatoses. Cependant, la mise en œuvre du traitement peut être plus délicat chez des chiots très jeunes, des chiennes gestantes ou lors d’effectif important.
La réponse de l’organisme aux xénobiotiques(1) en fonction de l’âge de l’animal et de son statut reproducteur est un domaine peu étudié en médecine vétérinaire. Le chiot et la femelle gestante présentent des particularités physiologiques susceptibles de modifier la pharmacocinétique des xénobiotiques. Les spécificités liées à l’absorption, à la distribution, au métabolisme et à l’élimination des xénobiotiques chez ces individus sont passées en revue.
La vitesse d’absorption des xénobiotiques chez l’animal pédiatrique(2) est réduite par voie orale, augmentée par voie percutanée et variable par voie sous-cutanée () [8, 28, 57].
Le chiot présente un rapport volume extracellulaire/volume intracellulaire supérieur à celui de l’adulte, mais des réserves graisseuses proportionnellement plus faibles. La concentration plasmatique en xénobiotiques est donc réduite pour les molécules hydrosolubles, et plus importante, avec une demi-vie plus courte, pour les molécules liposolubles [66].
Les protéines de transport étant en plus faible concentration chez les individus pédiatriques, la concentration plasmatique de xénobiotiques libres, pharmacologiquement actifs, augmente, entraînant un risque accru de toxicité [8]. Le flux sanguin cérébral, en proportion plus importante chez les individus pédiatriques, ainsi que la plus grande perméabilité de la barrière hémato-encéphalique, augmentent les risques d’exposition du système nerveux central aux molécules toxiques chez les jeunes individus [8, 59].
Le chiot présente un métabolisme hépatique et une excrétion rénale diminués. Ces derniers sont équivalents à ceux de l’adulte à l’âge de 4 et de 2,5 mois respectivement [8, 55].
L’augmentation de la progestéronémie durant les deux mois de la gestation entraîne un retard de la vidange gastrique et une réduction de la mobilité intestinale, ce qui allonge la durée de transit des molécules () [18]. Cet allongement du transit intestinal entraîne une augmentation de l’absorption des xénobiotiques faiblement hydrosolubles et du métabolisme de ces molécules dans la paroi intestinale.
Le flux sanguin cutané est multiplié par six chez la femme enceinte, ce qui est susceptible de modifier la pharmacocinétique des xénobiotiques transépidermiques [42]. L’administration cutanée d’insecticides ou de composés pharmaceutiques pourrait avoir un effet toxique durant la gestation.
À partir de la seconde moitié de la gestation et jusqu’au deuxième mois post-partum, la chienne présente une hémodilution, entraînant une hypoalbuminémie [15]. Lors de la gestation, celle-ci est responsable d’une diminution de la concentration en protéines de transport, donc d’une augmentation de la concentration en xénobiotiques libres (actifs), ce qui peut potentiellement augmenter l’effet de ces molécules.
La plupart des xénobiotiques (hydrophiles ou lipophiles) traversent le placenta et présentent une concentration pharmacologique dans le fœtus après exposition de la mère [40, 61].
La diminution des protéines de transport et l’augmentation des xénobiotiques libres durant la gestation accroissent la biotransformation hépatique de ces molécules (processus augmentant le caractère hydrophile des xénobiotiques et permettant donc une élimination rénale).
La chienne gestante présente une augmentation du flux sanguin et de la filtration glomérulaire. Ce phénomène entraîne une élimination accrue des molécules, ce qui peut influencer l’efficacité du traitement [58]. Le fœtus fait appel au système maternel pour l’élimination des xénobiotiques. Ces derniers peuvent être évacués du compartiment fœtal dans la circulation maternelle par diffusion passive ou via un transport actif (glycoprotéine-P) [71].
Les xénobiotiques peuvent traverser la membrane alvéolaire par diffusion passive ou via un transport actif par les protéines membranaires. La diffusion passive constitue la voie la plus commune du passage des xénobiotiques dans le lait [40]. La concentration dans le lait est directement proportionnelle à la concentration plasmatique pour les xénobiotiques traversant la membrane alvéolaire par diffusion passive. Les caractéristiques physico-chimiques de la molécule (taille, affinité avec les protéines de transport, liposolubilité et ionisation) déterminent la quantité transférée dans le lait. Dans ce dernier, la plupart du temps, la concentration en xénobiotiques n’excède pas la concentration plasmatique. Même lorsque la première excède la seconde, les quantités ingérées par le chiot sont rarement suffisantes pour atteindre une concentration thérapeutique ou toxique [40].
La démodécie localisée est une maladie bénigne qui régresse spontanément en quelques semaines () [30]. La mise en place d’un traitement n’augmente pas le taux de guérison et ne permet de prévenir l’apparition d’une démodécie généralisée [30]. Elle n’est donc pas nécessaire. Cependant, une surveillance est nécessaire afin d’identifier les cas où l’extension et la généralisation requièrent un traitement [6, 24]. En revanche, le traitement des pododémodécies, des otodémodécies, des démodécies localisées multifocales et généralisées, avec ou sans infections bactériennes secondaires, est obligatoire [24].
Bien que certains chiens développent une immunité contre Sarcoptes spp., la guérison spontanée reste exceptionnelle () [2]. En raison du caractère fortement contagieux et zoonotique de l’affection, il est recommandé d’entreprendre rapidement un traitement efficace.
L’efficacité du traitement topique lors d’otocariose est accrue par l’instauration d’un prétraitement qui à l’aide d’un céruménolytique. Celui-ci permet l’élimination de l’exsudat du conduit auditif, et augmente ainsi le contact entre la molécule acaricide et le parasite () [17].
Lors de démodécie, des raclages cutanés sur deux ou trois sites représentatifs des lésions doivent être réalisés tous les mois, afin de suivre l’évolution de la population parasitaire au cours du traitement [35]. Ils sont mis en œuvre aux mêmes endroits à chaque fois. Un inventaire semi-quantitatif du nombre moyen des différents stades parasitaires (larves, œufs et adultes) est effectué. La présence de larves, d’œufs et d’adultes en grand nombre est en faveur d’une démodécie extrêmement active [35].
Lors de démodécie et de gale sarcoptique, une tonte ou un raccourcissement des poils est préconisé, voire obligatoire chez les animaux à pelage dense ou à poils longs. Cette tonte permet une visualisation de l’étendue réelle des lésions cutanées, ainsi qu’une amélioration de l’efficacité des shampoings et du traitement acaricide topique éventuel [35].
Différents traitements acaricides topiques (amitraz et fipronil) ou systémiques (avermectines) ont été testés pour lutter contre ces acarioses ( et ). Les spécialités utilisées chez les jeunes animaux ou les femelles gestantes atteints d’acariose sont plus particulièrement présentées.
• Le fipronil (Frontline®, Merial) appartient à la famille des phénylpyrazolés. Cette molécule agit en entrant en compétition avec le canal chlore du récepteur de l’acide g-aminobutyrique (GABA) chez les arthropodes (mais aussi chez les mammifères), ce qui conduit à la mort du parasite par hyperexcitation [7]. La conformation du canal chlore des neurones des vertébrés est sensiblement différente de celle observée chez les arthropodes, ce qui limite la fixation du fipronil. L’afflux intracellulaire des ions chlores n’est donc pas inhibé durablement. Ce mode d’action sélectif explique la très faible toxicité chez les mammifères : la DL50 orale chez le chien est de 640 mg/kg, dose correspondant au flacon de Frontline spray® [11]. Aucun effet secondaire n’est observé (photosensibilisation, irritation cutanée ou muqueuse). Le produit peut être utilisé en toute sécurité chez le chiot et la chienne gestante (pas d’effet tératogène) ou en lactation [11]. La présentation spot-on est cependant contre-indiquée chez le chiot de moins de 10 semaines ou le chien de moins de 2 kg [11].
En l’absence de produits avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement de la gale sarcoptique chez les chiots de moins de quatre semaines, l’utilisation du fipronil spray à 0,25 % (Frontline spray® en trois applications à trois semaines d’intervalle, sur l’ensemble du corps à la dose de 3 ml/kg) est une solution alternative intéressante [16]. Une guérison clinique, sans récidive dans les deux mois, a également été décrite chez un yorkshire âgé de quatre mois lors de l’utilisation de Frontline spray® en trois applications à deux semaines d’intervalle, sur l’ensemble du corps à la dose de 3 ml/kg (associé à un traitement de l’environnement une fois par mois à l’aide d’un spray acaricide à base de perméthrine, Puce Stop Environnement®) [9]. Un des principaux inconvénients du fipronil lors de gale sarcoptique est un risque de contagion prolongé lié à une guérison relativement lente [16]. De plus, en l’absence d’études portant sur un nombre plus important de cas, ce traitement doit être réservé aux individus sensibles, aux jeunes chiots, aux femelles gestantes ou allaitantes [17].
Deux à six gouttes d’une solution de fipronil en spot-on avec un complément d’application sur le dos constituent un traitement efficace lors d’otacariose [33].
Malgré l’absence d’AMM pour la cheylétiellose, l’administration de fipronil (deux applications à 0,25 % à la dose de 3 ml/kg, à un mois d’intervalle), associée à un traitement de l’environnement avec de la perméthrine, est efficace chez les adultes parasités ( et ) [14]. L’efficacité de ce protocole chez l’adulte et la grande marge de sécurité du fipronil suggèrent que l’emploi de ce dernier chez le chiot ou la chienne gestante constituerait un schéma thérapeutique intéressant.
• L’amitraz (Ectodex®, Intervet) est une molécule de synthèse de la famille des formamidines. Absorbé par la cuticule de l’arthropode, il s’agit d’un inhibiteur de la monoamine-oxydase [11]. Une seule présentation est officiellement utilisable chez le chien : Ectodex® (flacon de 50 ml), qui possède une indication pour la démodécie.
L’utilisation d’amitraz n’est pas recommandée chez les chiennes gestantes ou allaitantes et les chiots de moins de trois mois [36, 37]. Dans les cas où l’administration de cette molécule est nécessaire chez de jeunes animaux, des concentrations plus faibles de la solution (à 0,025 %, soit un demi-flacon pour 5 litres d’eau) sont alors requises [11].
L’emploi d’amitraz à une concentration plus élevée, soit à 1,25 %, en association avec un antidote (atipamézole, à la dose de 0,1 mg/kg par voie intramusculaire, en une fois, et yohimbine, à la dose de 0,1 mg/kg une fois par jour pendant trois jours per os) est rapporté chez un chiot braque de Weimar atteint de gale sarcoptique. Ce traitement efficace a cependant entraîné des vomissements 30 minutes après le bain d’amitraz [38].
Le traitement systémique fait appel à la famille des lactones macrocycliques qui regroupe les avermectines (ivermectine, doramectine, abamectine, sélamectine, éprinomectine) et les milbémycines (milbémycine-oxime, moxidectine).
Les avermectines, comme les milbémycines, possèdent une affinité importante pour les canaux chlorures glutamate-dépendants présents dans les cellules nerveuses et musculaires des invertébrés. Ces composés se lient de manière sélective à ces canaux et déclenchent une augmentation de la perméabilité membranaire aux ions chlorures, entraînant une hyperpolarisation de la cellule nerveuse ou musculaire. Il en résulte une absence de réponse aux stimuli classiques, d’où la paralysie puis la mort du parasite [65]. Ces molécules peuvent également interagir avec d’autres canaux chlorures ligand-dépendants, comme ceux qui font intervenir le neuromédiateur inhibiteur gABA. Ce neurotransmetteur assure la transmission de l’information entre les interneurones et les motoneurones chez les nématodes et entre les motoneurones et les cellules musculaires chez les arthropodes [4]. Chez les mammifères, il ne se retrouve que dans le système nerveux central. À la condition que les endectocides ne traversent pas la barrière hémato-encéphalique, ils ne présentent pas de toxicité (encadré 2) [65].
• L’ivermectine (Ivomec®, Merial) possède une AMM dans le cadre de la prophylaxie de la dirofilariose canine à la dose de 6 µg/kg per os une fois par mois. Son spectre d’activité peut être élargi à la gale sarcoptique pour un dosage plus élevé (200 à 400 µg/kg) [54]. Cette utilisation hors AMM fait appel à de l’ivermectine conditionnée pour d’autres espèces. La molécule la plus couramment utilisée est alors la solution bovine injectable à 1 %. Cette présentation, destinée aux grands animaux, peut être diluée dans du propylène glycol afin d’obtenir une dose précise chez les chiens de faible poids [48]. Le propylène glycol est cependant un produit irritant, pouvant entraîner une bradycardie et une dépression cardiorespiratoire [22]. Chez de tels animaux, les pâtes orales ou la solution orale à 1 % pour chevaux sont donc préférables [11, 46]. Cette dernière ne peut être employée que par voie orale, pure ou diluée avec de l’eau stérile. La solution à base de propylène glycol peut être employée oralement ou par voie sous-cutanée. Les seringues peuvent être préparées et distribuées au propriétaire pour une administration orale [52]. L’ivermectine est cependant sensible aux ultraviolets et doit donc être conservée à l’abri de la lumière [51].
Bien que certains auteurs rapportent l’utilisation d’ivermectine chez des chiots de moins de six semaines sans effets secondaires, cette molécule est déconseillée chez des chiots non “mutants” âgés de moins de trois mois [47, 48, 65].
L’emploi de ce produit chez les chiennes gestantes semble également sûr. Ainsi, l’administration orale à la dose de 0,5 mg/kg en quatre fois durant les 40 premiers jours de gestation n’entraîne pas d’effets indésirables chez les chiennes et n’a pas d’action tératogène chez les fœtus [13, 52]. Cette sécurité d’emploi est confirmée par les résultats d’une seconde étude. Dans cet essai, l’administration orale répétée d’ivermectine à la dose de 0,6 mg/kg à deux mois d’intervalle avant la reproduction, puis à J10, J25 et J45 de la gestation et tous les mois après la mise bas n’a pas engendré d’effets secondaires sur la reproduction [52].
• La moxidectine (Cydectin®, Fort Dodge) est enregistrée chez le chien seulement dans le cadre de la prévention de la dirofilariose (voie orale une fois par mois à la dose de 0,003 mg/kg). Elle est proscrite chez le chiot de moins de sept semaines.
L’utilisation de cette molécule (Cydectin® solution injectable à 1 % pour bovins) à une concentration de 0,2 à 0,4 mg/kg par voie orale ou sous-cutanée a été rapportée chez des chiens adultes présentant une gale sarcoptique, otodectique ou une démodécie [5, 10, 12, 67, 72].
Diverses réactions secondaires comme une léthargie, des vomissements, une diarrhée ou une ataxie sont décrites dans la notice du produit. Cette molécule semble cependant relativement sûre. En effet, l’administration journalière durant un an de moxidectine à une concentration de 1 130 µg/kg n’entraîne pas de signes d’intoxication chez les beagles adultes traités [53].
De plus, un essai portant sur l’observation d’effets secondaires chez des colleys “ivermectine-sensibles” après administration de moxidectine à des doses de 30, de 60 et de 90 µg/kg a démontré une tolérance satisfaisante à la moxidectine de ces animaux. Cette molécule semblerait aussi relativement sûre chez la chienne gestante. En effet, aucun effet secondaire n’est décrit à la suite d’une administration à une concentration de 1 mg/kg chez quatre chiennes à J40 et à J55 de leur gestation [39].
Toutefois, le recul permettant de mesurer l’activité de cette molécule chez le chien est insuffisant. Très peu d’informations sur la sécurité d’emploi chez le chiot sont disponibles. Une intoxication d’un chiot colley après une ingestion de moxidectine pour chevaux a été rapportée. Très rapidement, le chiot a présenté des symptômes de détresse respiratoire (œdème pulmonaire neurogène), des troubles neurologiques avant de devenir comateux. Des soins intensifs ont permis une amélioration très progressive de son état [3].
• La milbémycine-oxime (Interceptor®, Norvartis) est utilisée à la dose de 0,5 mg/kg chez le chien en prévention de la dirofilariose et pour le traitement des infestations par des nématodes digestifs. La milbémycine n’est pas employée chez la chienne gestante.
La toxicité de cette molécule est très faible, avec une DL50 supérieure à 200 mg/kg et une marge de sécurité importante [11, 24]. Les races sensibles de type colley pourraient ainsi être traitées sans risques. En effet, l’administration de milbémycine-oxime à 10 mg/kg (20 fois la dose recommandée) chez des colleys sensibles à des doses élevées d’ivermectine entraîne des symptômes modérés (ataxie et dépression) et transitoires (le chien est cliniquement normal après 24 heures) [70].
L’administration chez des chiots de huit semaines de milbémycine-oxime à des doses équivalentes à 18 fois la dose minimale recommandée de 0,5 mg/kg durant trois jours consécutifs n’entraîne aucun signe clinique. L’administration de 90 fois la dose minimale provoque l’apparition transitoire (pendant 48 heures) de signes modérés, comme une ataxie et des tremblements [69].
• La sélamectine (Revolution/Strongold®, Pfizer) est une molécule d’utilisation sûre chez les chiots et les chiennes reproductrices. L’administration de 10 fois la dose (de 72 à 114 mg/kg) à des chiots de six semaines n’occasionne pas d’effets secondaires. Au-delà, les signes de surdosage sont des vomissements, une diarrhée, une anorexie, une léthargie, une tachypnée et des tremblements. Chez les femelles reproductrices, cette molécule ne modifie pas la fertilité [50]. Aucun effet tératogène n’a été décrit à la suite de son utilisation [32, 50]. La sélamectine est donc une molécule intéressante chez les chiennes reproductrices ou les chiots atteints d’otacariose, de gale sarcoptique ou de cheylétiellose.
• L’association d’imidaclopride 10 % et de demoxidectine 2,5 % (Advocate®, Bayer) dans une présentation pour-on est enregistrée pour le traitement de la gale sarcoptique, la gale des oreilles à otodectes cynotis et la démodécie chez le chien. Cependant, elle n’est pas recommandée chez les chiots de moins de sept semaines. De plus, l’innocuité de la spécialité n’ayant pas été établie en cas de gravidité et de lactation, l’administration s’effectue en fonction de l’évaluation du rapport bénéfice-risque. Aucun effet tératogène, fœto-toxique ou materno-toxique n’a été observé dans les études de laboratoire menées avec l’imidaclopride ou la moxidectine chez le rat ou le lapin.
Lors de démodécie, l’efficacité clinique est facile à évaluer (par dénombrement), mais n’est pas synonyme d’efficacité parasitologique. À titre d’exemple, la guérison clinique précède généralement la guérison parasitaire. Le traitement doit être maintenu (quel que soit le produit antidémodécique choisi) jusqu’à la guérison parasitaire (deux séries de raclages cutanés négatifs à un mois d’intervalle) [26]. Cela explique que le traitement est souvent long (plusieurs mois). Lors de gale sarcoptique, la question qui demeure est l’évaluation de l’efficacité complète du traitement.
En effet, la sensibilité des méthodes est généralement faible, si bien que la guérison clinique associée à la disparition apparente du parasite ne correspond pas toujours à la guérison parasitologique.
• Les complications infectieuses sont fréquentes lors d’acariose, en particulier les pyodermites bactériennes, mais aussi dans certains cas les dermatites à Malassezia. La réalisation d’un calque cutané permet d’identifier le type de bactéries présentes (coques, bacilles), voire de mettre en évidence des Malassezia.
Dans tous les cas, un isolement bactérien et un antibiogramme sont recommandés [24, 35]. La céfalexine (Rilexine®, Virbac, à la dose de 15 à 30 mg/kg deux fois par jour), l’association amoxicilline-acide clavulanique (Synulox®, Pfizer, à la dose de 12,5 mg/kg deux fois par jour) et les fluoroquinolones (marbofloxacine, Marbocyl®, Vétoquinol, à la dose de 2 à 5 mg/kg deux fois par jour; enrofloxacine, Baytril®, Pfizer, à la dose de 5 mg/kg une fois par jour) sont les antibiotiques habituellement employés. Cependant, les fluoroquinolones sont à éviter chez les animaux en croissance en raison de leur toxicité potentielle sur les cartilages de conjugaison [25, 35]. La durée du traitement est longue (deux à quatre mois) [25]. Le traitement est poursuivi un mois après la guérison de l’infection bactérienne [25]. Lors de dermatite à Malassezia associée, le kétoconazole est prescrit à 5 mg/kg une fois par jour. L’administration du médicament s’effectue pendant le repas pour prévenir les vomissements [35].
• Lors d’infection bactérienne secondaire, l’utilisation des antibiotiques seule n’est pas suffisante, l’association avec un traitement antibactérien topique est recommandée. Le peroxyde de benzoyle (balnéation à 2,5 %) est particulièrement indiqué (vidange des follicules pileux et action antiseptique). Ce traitement peut être irritant. Dans ce cas, des shampoings antiseptiques à l’aide de chlorhexidine à 3 %, par exemple, sont suffisants [35]. La fréquence d’utilisation varie selon la gravité de la pyodermite, de journalière à hebdomadaire [24].
• Les corticoïdes, en raison de leur action sur le ssytème immunitaire (immunosuppression des réponses immunitaires spécifique et non spécifique), sont proscrits dans le traitement de la démodécie [62]. En revanche, lors de gale sarcoptique associée à un prurit très sévère avec automutilation, une administration de prednisolone à dose “anti-allergique” (0,5 à 1 mg/kg/j) pendant trois ou quatre jours en début de traitement est possible [20, 29, 45, 65].
• Lors d’otacariose, le traitement des congénères, aussi bien les chiens, les chats que les furets, est nécessaire, même en l’absence de lésions, pour éradiquer le parasite [33]. La forte contagiosité de la gale sarcoptique requiert aussi de traiter le plus rapidement possible l’animal atteint et tous les chiens ayant eu un contact avec lui avant son isolement (même en l’absence de signes cliniques) [9, 19, 68]. Des porteurs asymptomatiques sont en effet décrits [20].
• En revanche, le traitement des chats au contact de chiens galeux ne semble pas justifié en raison de la très faible incidence de la contagion entre les deux espèces [48].
• La démodécie n’étant pas contagieuse d’un animal infesté vers un animal sain, le traitement des congénères est inutile [30].
• Lors d’otacariose, l’application de composés à base d’organophosphorés ou d’une association pyréthrine-pyriproxyfène est indispensable (surtout en collectivité) pour nettoyer les surfaces en contact avec l’animal (). En collectivité, un vide sanitaire de 12 jours pour une température extérieure de 25 °C permet de lutter contre les otodectes qui survivent dans l’environnement. Pour les animaux appartenant à des particuliers, passer l’aspirateur sur les surfaces potentiellement en contact avec l’animal infesté complète le traitement de l’environnement [33, 34].
• Face à la description d’échecs du traitement acaricide contre les sarcoptes et à la durée de survie dans le milieu extérieur de la cheyletielle (plus de 80 jours), il est conseillé, pour ces deux acarioses, de traiter l’environnement avec de l’eau crésylée à 5 %, deux fois à 10 jours d’intervalle, en instaurant un vide sanitaire (au moins 10 jours, surtout dans les chenils) [10, 26, 48, 65].
• Lors de l’introduction d’un nouvel animal dans une collectivité, il est indispensable de lui faire subir un examen cutané attentif afin de dépister toute trace de prurit. La quarantaine, bien que rarement utilisée, est une mesure sage pour les grands effectifs. Par précaution, pendant cette période d’attente, les nouveaux animaux peuvent être soumis à un traitement antiparasitaire externe [56].
• Une hygiène rigoureuse, une alimentation équilibrée et suffisante, des lieux de vie propres, aérés et tempérés, autrement dit l’application de bonnes pratiques d’élevage, sont autant d’atouts qui permettent de prévenir les épizooties.
Les chiennes démodéciques étant plus sujettes aux rechutes lors des chaleurs, des gestations et des mises bas, une stérilisation est recommandée. Celle-ci intervient également dans la prophylaxie de la dermatose. La stérilisation de reproducteurs ayant de nombreux individus démodéciques dans leur descendance semble une mesure judicieuse.
L’AAVD (American Academy of Veterinary Dermatology) a pris, en 1983, la résolution de recommander de ne traiter les chiens et les chiennes atteints de démodécie généralisée que s’ils sont castrés ou que leur castration est probable.
Quelle que soit l’acariose considérée, la conduite thérapeutique individuelle ou collective vise à l’éradication définitive des acariens à l’aide d’un traitement topique ou systémique. Celle-ci ne peut se faire qu’avec la mise en place de mesures préliminaires et d’un suivi thérapeutique adapté. Les propriétaires doivent être avertis dès le début du traitement de sa durée et de la nécessité de contrôles réguliers.
(1) Xénobiotique : composé chimique qui n’est pas produit, et qui, souvent, ne peut pas être dégradé, par des organismes vivants.
(2) Chez le chien, “pédiatrique” fait référence aux 12 premières semaines de vie [57].
Parmi les différentes acarioses rencontrées chez le chien, les affections contagieuses sont distinguées de celles contractées par contact mère-chiot.
• Les acarioses contagieuses présentent une forte prévalence en collectivité puisque les conditions mêmes de l’élevage en chenil sont favorables à leur apparition et à leur extension.
Elles reposent par définition sur le contact entre des animaux atteints (malades ou non) et des animaux sains. Sarcoptes scabiei (agent de la gale sarcoptique), Otodectes cynotis (agent de la gale otodectique) et Cheyletiella yasguri (agent de la cheyletiellose) sont les principaux acariens contagieux rencontrés chez le chien.
• Demodex sp. est un acarien dont la transmission s’effectue uniquement de la lice à ses chiots au cours des trois premiers jours de la lactation [23, 41].
À l’inverse des autres acarioses, aucune contagion réelle d’un animal infesté vers un animal sain n’a lieu en dehors de cette situation [30].
Le parasite faisant partie de la faune normale de la peau, seules des conditions particulières (immunodéficience) expliqueraient l’apparition d’une démodécie clinique chez le chiot [63, 64].
• Certains individus (plus spécialement dans certaines races telles que le colley, le berger australien, le bobtail, le border collie, le shetland) présentent une sensibilité extrême aux lactones macrocycliques (une anomalie plus particulièrement documentée pour l’ivermectine) [27, 31, 49]. Ces animaux “sensibles” présentent une mutation du gène MDR-1 (MDR : multidrug resistant) codant pour la synthèse de la glycoprotéine P [44, 60]. Une comparaison des cDNA de la glycoprotéine P chez le chien “normal” et le chien “mutant” (colley sensible à l’ivermectine) met en évidence une délétion exonique de quatre paires de bases chez le colley, responsable de l’apparition d’un codon “stop” rendant la synthèse de cette glycoprotéine impossible [1]. Cette glycoprotéine P se localise, entre autres, dans les membranes cellulaires endothéliales des capillaires cérébraux [21]. Elle assure le transport et l’excrétion de nombreux substrats au travers de l’interface hémato-encéphalique. L’excrétion active des substrats de la glycoprotéine P à l’extérieur de la cellule permet de limiter la toxicité cérébrale de nombreux agents chimiques.
• Les chiens avec une double mutation allélique du gène MDR-1 (homozygotes -/-) sont incapables de synthétiser des glycoprotéines P complètes [44]. Certains médicaments comme les lactones macrocycliques franchissent la barrière hémato-encéphalique et se concentrent dans le tissu nerveux central. Dans le cas des lactones macrocycliques, l’interaction avec le système gABA de l’animal augmente la conductance postsynaptique aux ions chlorures, et induit une hyperpolarisation neuronale et une dépression des fonctions nerveuses [27]. Des signes neurologiques comme une mydriase, une hypersalivation, une léthargie, une ataxie, des tremblements, voire un coma et la mort de l’animal peuvent être observés [27, 65]. Les individus hétérozygotes ne sont pas “sensibles” et peuvent donc être traités sans risque avec des lactones macrocycliques [43].
• Cette tolérance varie d’une molécule à l’autre et l’utilisation raisonnée de doses faibles a permis de limiter les accidents. Ainsi, il semble que, chez les animaux réputés sensibles, la dose toxique de l’ivermectine soit de l’ordre de 100 µg/kg (dose usuelle thérapeutique de 200 à 400 µg/kg), de 400 µg/kg pour la moxidectine (dose usuelle thérapeutique de 200 à 400 µg/kg), de 5 mg/kg pour la milbémycine-oxime (dose usuelle thérapeutique de 1 à 2 mg/kg) [70]. Cette différence de toxicité entre les avermectines, qui sont toutes des substrats de la glycoprotéine P, n’est toujours pas expliquée. La voie d’administration pourrait jouer un rôle.
• Le fipronil est un acaricide topique plus sûr que l’amitraz chez la chienne gestante et les très jeunes animaux.
• Certains individus peuvent présenter une sensibilité sévère aux lactones macrocycliques.
• Un traitement efficace de l’environnement est indispensable dans les collectivités.