Juridiction de proximité et jurisprudence
Pratique
Législation
Auteur(s) : Christian Diaz
Fonctions : 7, rue Saint-Jean, 31130 Balma
Un juge de proximité a tranché au mépris de la jurisprudence actuelle. Le refus du défendeur de recourir aux services d’un avocat est probablement la cause de sa défaite.
Le 15 mai 2004, Mme L. achète un chien âgé de trois mois auprès de Mme E., éleveuse. Le 24 novembre de la même année, le Dr Vétérinaire diagnostique une luxation bilatérale des rotules, corrigée chirurgicalement le 21 décembre 2004. Mme L. demande alors à Mme E. de participer aux frais. Celle-ci lui fait une proposition qu’elle juge insuffisante. Le 25 avril 2005, Mme L. assigne Mme E. devant le juge de proximité sur le fondement des articles 1641 (garantie des vices cachés) et 1110 (vices du consentement) du Code civil. À l’audience, Mme E. comparaît seule. Elle énonce, en faisant référence aux articles 213-1 et suivants du Code rural que l’action engagée n’en respecte ni la forme ni les délais et doit être jugée irrecevable. Elle précise que le défaut affectant le chien n’est pas inscrit sur la liste des vices rédhibitoires. Mme L., représentée par un avocat, soutient que le régime dérogatoire du Code rural (vices rédhibitoires) n’empêche nullement l’acheteur de faire choix de l’action en garantie des vices cachés prévue par l’article 1641 du Code civil et demande non pas la résolution de la vente, mais le remboursement des frais exposés pour guérir l’animal.
« À défaut de convention contraire, l’action en garantie dans les ventes et échanges d’animaux domestiques est régie par les dispositions des articles L. 213-1 à L. 213-9 et R. 213-2 à R. 213-9 du Code rural […]. La rédaction de la convention ne permet pas d’établir que les parties ont entendu déroger aux règles générales relatives à la vente d’animaux domestiques telles qu’elles résultent du Code rural […]. Cependant, la jurisprudence estime qu’il peut être dérogé implicitement aux textes d’application stricte et limitative du Code rural en raison de la qualité du vendeur et de la destination de l’animal […]. Le juge de proximité, en dernier ressort, condamne Mme E. […]. Mme E. est tenue sur le fondement des articles 1641 et 1645 Code civil de réparer l’intégralité du préjudice subi, c’est-à-dire de payer la facture du vétérinaire versée aux débats […]. »
• Suivant un arrêt de la Cour de cassation du 6 mars 2001, l’existence d’une convention contraire est nécessaire pour invoquer la garantie des vices cachés et déroger aux dispositions du Code rural. Avant cette date, les tribunaux admettaient l’existence d’une convention contraire tacite et jugeaient l’action en garantie selon les modalités du Code civil relatives aux vices cachés. Fort habilement, l’avocat de Mme L. a plaidé en fonction de cette jurisprudence ancienne, occultant, volontairement ou non, l’actuelle jurisprudence. Le juge de proximité, magistrat non professionnel, a suivi ses conclusions, au bénéfice de l’acheteur.
• La juridiction de proximité a été créée par la loi d’orientation et de programmation sur la justice du 9 septembre 2002, afin de désengorger les tribunaux d’instance. En matière civile, la juridiction de proximité est compétente pour juger en dernier ressort les litiges pour lesquels la demande n’excède pas 4 000 € (hormis les affaires de crédit à la consommation et de bail d’habitation). Le juge de proximité, juge unique, n’est pas, sauf exception, un magistrat de formation. Il est recruté dans la société civile selon des critères définis par la loi. Le juge de proximité doit théoriquement juger en droit, et non pas en équité. Lorsqu’il est compétent en dernier ressort, son jugement ne peut faire l’objet d’un appel, mais relève d’un recours devant la Cour de cassation. En l’espèce, le coût de la procédure aurait été hors de proportion avec l’objet du litige. Devant la juridiction de proximité, l’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire. Si Mme L. était représentée par un avocat, Mme E. a choisi d’en faire l’économie. Le juge de proximité a cependant suivi les conclusions de la partie adverse, bien que son avocat ait fait référence à une jurisprudence obsolète. Nul doute que si Mme E. s’était attachée les services d’un défenseur compétent, celui-ci aurait produit aux débats la jurisprudence actuelle, avec de grandes chances de succès.
• L’ordonnance du 17 février 2005 est venue modifier l’article L. 213-1 du Code rural, permettant le recours en garantie lors des ventes et des échanges d’animaux domestiques (entre professionnel et particulier acheteur) selon les dispositions du Code de la consommation(1). Cependant, la garantie de conformité ne peut être invoquée que pour les ventes conclues après le 17 février 2005.