Néoplasie mésenchymateuse de l’appareil urinaire du chien - Le Point Vétérinaire n° 285 du 01/05/2008
Le Point Vétérinaire n° 285 du 01/05/2008

Cancérologie canine

Pratique

Cas clinique

Auteur(s) : Roberto Tamburro*, Giuseppe Spinella**, Giuliano Bettini***, Ombretta Capitani****

Fonctions :
*Département clinique vétérinaire
**Département de médecine
expérimentale et clinique
Università di Catanzaro
Viale Europa 88100 Germaneto (CZ)
***Département de santé
publique vétérinaire
et pathologie animale
Università degli studi di Bologna
Via Tolara di Sopra, 50
40064 Ozzano dell’Emilia (BO)
****Département clinique vétérinaire

Le diagnostic des tumeurs conjonctives du rein et de la vessie s’effectue grâce à l’imagerie médicale. La cytologie peut être décevante car ces lésions sont très cohésives et desquament peu.

Deux cas de tumeurs conjonctives de l’appareil urinaire du chien, un fibrome du rein et un léiomyosarcome de la vessie, sont présentés. Pour chacun, la démarche diagnostique et le protocole thérapeutique sont décrits.

Cas cliniques

1. Cas clinique n° 1

Anamnèse et commémoratifs

Un chien berger allemand femelle âgé de dix ans présente, depuis une semaine, une tachypnée, même au repos, associée à une polydipsie et à une intolérance à l’exercice physique.

Examen clinique

L’examen clinique général met en évidence un abattement et une tachypnée. L’auscultation cardiorespiratoire ne révèle aucune anomalie.

Examens complémentaires

• Les clichés radiographiques du thorax sont normaux.

• La numération et la formule sanguines (NFS) décèlent une légère anémie. L’analyse biochimique révèle une faible augmentation des alanine-transférases (ALT).

• L’examen physicochimique des urines met en évidence un pH basique, une densité urinaire basse et la présence d’érythrocytes. L’examen cytologique du sédiment urinaire ne fournit pas d’indications diagnostiques.

• L’échographie abdominale à l’aide d’une sonde multifréquence 5,5/7,5 MHz met en évidence une masse rénale droite arrondie, semi-solide, homogène et plutôt hypoéchogène d’environ 5 cm de diamètre ().

La néoformation ne semble pas capsulée et ne présente pas de limite nette par rapport au parenchyme rénal. Une structure tubulaire anéchogène, à proximité du hile rénal, est identifiée comme un méga-uretère (). Étant donné les difficultés à visualiser et à immobiliser la masse, aucune biopsie ne peut être envisagée.

Diagnostic et traitement

• Le propriétaire refuse une laparotomie exploratrice pour des raisons économiques et préfère une cœlioscopie exploratrice.

La prémédication comporte de la buprénorfine(1) (Temgesic®) à la dose de 15 µg/kg par voie intramusculaire. L’induction est réalisée à l’aide de propofol (Rapinovet®) à la dose de 6 mg/kg par voie intraveineuse. L’anesthésie est maintenue par un mélange gazeux d’isoflurane et d’oxygène.

Une masse piriforme non ulcérée et intimement reliée au rein droit est mise en évidence ().

• L’exérèse de la masse seule se révélant impossible, et un processus de nature néoplasique étant suspecté, une néphrectomie unilatérale est effectuée. L’animal est hospitalisé et perfusé afin de répondre à ses besoins d’entretien. Un traitement antibiotique et analgésique est instauré.

• L’examen anatomique de la masse et du rein met en évidence en regard du hile une tumeur très dense de 5 à 7 cm (). La section de l’organe révèle une néoformation blanchâtre pédiculée qui occupe intégralement le bassinet rénal et s’engage dans la portion proximale de l’uretère, dilatant sensiblement ces structures (). À l’examen histopathologique, la prolifération d’éléments fibroblastiques bien différenciés, immergés dans un abondant tissu conjonctif et disposés en faisceaux, est observée. Le tissu rénal montre des signes d’atrophie de compression. Une hyperplasie folliculaire, une infiltration sinusale d’éosinophiles et de plasmocytes, ainsi qu’une érythropoïèse extramédullaire sont notées dans le nœud lymphatique rénal. Un fibrome du bassinet, associé à une hydronéphrose et à un méga-uretère est diagnostiqué.

Suivi

Sept mois plus tard, l’état général du chien est bon. Les paramètres biologiques et urinaires sont revenus dans la norme. L’animal est mort 18 mois plus tard d’insuffisance rénale.

2. Cas clinique n° 2

Commémoratifs

Un chien croisé mâle âgé de 13 ans est présenté pour une hématurie d’apparition soudaine (quatre heures avant la consultation) qui persiste du début à la fin de la miction.

Examen clinique

L’examen clinique est normal. Cependant, la palpation de l’abdomen provoque une réaction algique de l’animal qui empêche l’évaluation des organes abdominaux.

Examens complémentaires

• L’examen échographique, effectué avec une sonde multifréquence 5,5/7,5 MHz, met en évidence une masse solide non homogène de 10 x 7 cm, apparemment capsulée, avec, au niveau de l’apex vésical, de longues zones de transition entre le tissu tumoral et le tissu normal (). Dans la cavité vésicale, une masse hypoéchogène hétérogène non vascularisée est observée à proximité de l’apex vésical ( et ).

• L’examen cytologique du sédiment urinaire met en évidence une inflammation aseptique et une hématurie sévère.

• Les examens sanguins (NFS et analyse biochimique) sont normaux, exception faite d’un hématocrite à la limite inférieure de la norme.

Diagnostic

• Malgré le résultat de l’examen cytologique des urines, peu en faveur de cette hypothèse, une néoplasie de la paroi vésicale est suspectée.

Un examen radiologique du thorax ne révèle pas d’images compatibles avec des métastases.

• Le chien subit une cœlioscopie. Une prémédication est instaurée à l’aide de buprénorfine (Temgesic®) à la dose de 15 µg/kg par voie intramusculaire. L’induction est réalisée avec du propofol (Rapinovet®) à la dose de 6 mg/kg par voie intraveineuse. Le maintien de l’anesthésie est réalisé par un mélange gazeux d’isoflurane et d’oxygène.

À l’ouverture de la cavité abdominale, une masse bosselée, ronde, et partant de l’apex de la vessie est observée ().

• Une cystotomie permet d’examiner le contenu vésical. La masse intracavitaire révélée à l’examen échographique est un caillot de grande dimension, adhérent à la muqueuse de la vessie en regard de l’insertion de la néoformation extracavitaire (). Le caillot dérive vraisemblablement de l’ulcération partielle de cette dernière. Une cystectomie apicale partielle et l’exérèse de la néoformation sont mises en œuvre. Une sonde de Foley est introduite dans la vessie et la paroi abdominale est reconstruite couche par couche. Le chien est hospitalisé pendant sept jours, durant lesquels sont prescrites des mesures de réhydratation et une antibiothérapie à base d’enrofloxacine à la dose de 2 mg/kg par voie intraveineuse.

• La néoformation extraite apparaît macroscopiquement comme une masse ronde compacte de quelque 10 cm de diamètre, composée d’un tissu ferme blanc rosé (). L’examen histopathologique met en évidence la prolifération de cellules allongées, regroupées en faisceaux disposés irrégulièrement et dotées de noyaux en forme de cigares de dimensions variables, contenant des nucléoles volumineux et multiples. Un diagnostic histologique de léiomyosarcome de la vessie est établi, confirmé par le résultat immunohistochimique positif à la vimentine et à l’actine.

Suivi

Lors du contrôle postopératoire quatre mois plus tard, l’intégrité de la paroi vésicale et un bon fonctionnement de l’organe sont notés. Un second contrôle réalisé deux ans plus tard confirme l’absence de récidive locale et de métastase.

Discussion

1. Épidémiologie

• Les tumeurs primitives de l’appareil urinaire du chien représentent 2 % de l’ensemble des néoplasies. Les organes les plus touchés sont la vessie et les reins. Des cas relatifs aux uretères et à l’urètre sont plus rarement rapportés [1, 2, 5]. Les formes d’origine épithéliale sont les plus fréquentes, par rapport aux lésions mésenchymateuses (conjonctives), plus rares.

• Au cours des dix dernières années, de nouveaux articles ont été publiés sur les néoplasies de la vessie. Cependant, aucune étiologie n’est avancée. Le risque de contracter ces maladies augmente après l’exposition à des antiparasitaires, à des herbicides et à la cyclophosphamide [3]. Les individus obèses et âgés semblent particulièrement prédisposés [3]. Ces éléments représentent des facteurs de risque vérifiés pour les tumeurs épithéliales (adénocarcinomes transitionnels). En revanche, aucune étude du même ordre ne concerne le léiomyosarcome vésical [3].

Seulement 10 % des tumeurs de la vessie sont des formes d’origine mésenchymateuse (fibrome, fibrosarcome, léiomyome, léiomyosarcome, hémangiome et hémangiosarcome), à proportion égale de lésions bénignes et malignes [3]. Ces néoplasies impliquent surtout la composante musculaire. Le rhabdomyosarcome touche des animaux jeunes (âgés d’un à deux ans) et peut être associé à une ostéopathie hypertrophique [9].

• Les tumeurs primitives du rein sont rares et, chez le chien, 20 % d’entre elles seulement sont d’origine mésenchymateuse. Un cas d’hémangiome, quatre cas de fibrome et un cas de léiomyosarcome ont été publiés [2, 6, 9]. En médecine humaine, les facteurs de risque sont la fumée de cigarette et l’exposition à certains métaux (cadmium, amiante). Ces éléments ne semblent pourtant jouer aucun rôle pathogène chez les mammifères domestiques [3]. Les néoplasies primaires rénales présentent une localisation unilatérale et sont de nature maligne dans 90 % des cas [3]. À l’inverse, les formes néoplasiques rénales métastatiques sont bilatérales et plus fréquentes en fonction de la richesse de la vascularisation de l’organe source. Selon une étude, l’incidence des néoplasies mésenchymateuses est majeure chez les individus de sexe masculin. Ainsi, la composante hormonale jouerait un rôle fondamental dans la cancérogenèse rénale [3].

2. Signes cliniques

La clinique est caractérisée par une symptomatologie systémique (amaigrissement, perte d’appétit, abdomen douloureux, fréquentes tentatives infructueuses d’uriner) et des symptômes typiques, mais non spécifiques, comme l’hématurie (toujours présente dans les stades avancés) et la pollakiurie.

Un dépistage précoce améliorerait considérablement le pronostic.

Toutefois, un tableau clinique peu évocateur est souvent à l’origine d’un diagnostic à un stade déjà avancé.

Lors de léiomyosarcome vésical, la symptomatologie évolue fréquemment sur un mode aigu. Dans ce cas, la sensibilité de l’abdomen et la sévérité de l’hématurie, associées aux résultats diagnostiques, ont nécessité une intervention chirurgicale dans des délais brefs.

L’évolution clinique du léiomyosarcome du cas décrit est analogue à celle rapportée pour le léiomyosarcome vésical ou rénal [7, 8].

Le fibrome rénal ne requiert pas de traitement d’urgence. Les néoplasies bénignes du rein peuvent évoluer de façon asymptomatique et sont parfois mises en évidence fortuitement à l’examen nécroscopique [6].

3. Diagnostic

• Les examens biochimiques sanguins de routine offrent généralement peu d’éléments évocateurs et diagnostiques. Dans le cas n° 2, la seule donnée objective est l’anémie modérée due à l’hématurie.

• L’examen du sédiment des urines ne s’est révélé indicatif qu’en cours de maladie vésicale. La littérature rapporte, pour le léiomyosarcome rénal, une anémie et une hypoalbuminémie (2,3 mg/dl), une diminution de la densité urinaire (1 022), une protéinurie et la présence de bactéries [7].

• L’examen histopathologique de biopsies des lésions n’a été effectué pour aucun des deux cas. La mise en œuvre d’une biopsie aurait présenté des difficultés de prélèvement et requis une anesthésie supplémentaire. À la suite de l’examen échographique, l’exérèse totale des lésions s’est imposée comme une thérapie de choix.

• A posteriori, étant donné la nature mésenchymateuse des tumeurs, le prélèvement cytologique aurait été probablement peu significatif. En effet, les deux tumeurs sont de nature conjonctive, donc très cohésives, et elles ne desquament pas, ou peu. Cependant, cet examen présente un intérêt en première intention lors de tumeurs des voies urinaires, en particulier de la vessie, car, statistiquement, elles sont en majorité épithéliales, donc desquament facilement. Lors de tumeur vésicale, un prélèvement cytologique de bonne qualité peut être obtenu à partir d’une cytoponction échoguidée ou d’un recueil de cellules prélevées à l’aide d’une sonde urinaire appliquée contre la tumeur.

• L’échographie reste le moyen diagnostique de choix pour localiser la lésion. L’association avec l’imagerie par résonance magnétique apporte des informations anatomiques supplémentaires [7].

4. Agressivité de la tumeur et suivi

• Le comportement biologique des tumeurs malignes mésenchymateuses est caractérisé par un envahissement local et une faible propension à former des métastases, localisées principalement dans les nœuds lymphatiques régionaux et les poumons.

• Les contrôles effectués 18 et 24 mois plus tard n’ont mis en évidence aucun signe de récidive locale ni de métastase.

Un seul cas de léiomyosarcome vésical se caractérise par une dissémination métastatique multiviscérale : nœuds lymphatiques régionaux, poumon, cœur, grand épiploon, intestin, foie, rein, pancréas [8].

Le fibrome du rein et le léiomyosarcome de la vessie sont des formes néoplasiques extrêmement rares chez le chien.

En raison de la localisation de ces tumeurs et de leur possible évolution, le pronostic est réservé, en particulier pour le léiomyosarcome. La faible tendance de ce dernier à la dissémination métastatique par rapport aux carcinomes vésicaux ou urétéraux, plus fréquents, souligne en revanche la nécessité d’un diagnostic précoce et d’une intervention chirurgicale totale et rapide, laquelle peut permettre la guérison complète de l’animal.

D’un point de vue diagnostique, l’examen cytologique du sédiment des urines est peu efficace pour détecter les tumeurs mésenchymateuses de l’appareil urinaire, en raison de leur faible tendance à desquamer et, surtout, de leur localisation dans la sous-muqueuse.

  • (1) Médicament humain sorti de la réserve hospitalière.

POINTS FORTS

• Les tumeurs primitives de l’appareil urinaire sont rares.

• L’origine de ces tumeurs est plus souvent épithéliale que conjonctive.

• Les tumeurs vésicales sont essentiellement des carcinomes transitionnels.

• L’échographie est la méthode de choix pour le diagnostic des tumeurs urinaires conjonctives.

Remerciements à Aurélie Sfar pour sa collaboration à la présentation en français de ce travail.

Références

  • 1 - Berzon JL. Primary leiomyosarcoma of the Ureter in a Dog. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1978;172(12):1427-1429.
  • 2 - Eddlestone S, Taboada J, Senior D et coll. J. Small Anim. Pract. 1999;40(3):132-135.
  • 3 - Marconato L, Del Piero F. In : Oncologia medica dei piccoli animali. Ed. Poletto, gaggiano. 2005;25:487-505.
  • 4 - Meuten DJ. Tumors in Domestic Animals. 4th ed. Ed. State Press, Ioawa. 2002;520-542.
  • 5 - Morris J, Dobson JM. In : Buracco P. Oncologia clinica del cane e del gatto. Ed. Utet, Turin. 2003;181-191.
  • 6 - Picut CA, Valentine BA. Renal fibroma in four dogs. Vet. Pathol. 1985;22(4):422-423.
  • 7 - Sato T, Aoki K, Shibuya H et coll. Leiomyosarcoma of the Kidney in a Dog. J. Vet. Med. 2003;50(7):366-369.
  • 8 - Seely JC, Cosenza SF, Montgomery CA. Leiomyosarcoma of the canine urinary bladder, with metastases. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1978;172(12):1427-1429.
  • 9 - Sbitti Y, Kasmaoui E, Ameur A et coll. Leiomyosarcoma of the bladder. Prog. Urol. 2004;14(2):227-229.
  • 10 - Whithrow SJ, MacEwen EG. Small animal Clinical Oncology. 3rd ed. Ed. Saunders WB, Philadelphia. 2001:490-499.