Chirurgie et cardiologie du chien
Pratique
Cas clinique
Auteur(s) : François Serres*, Valérie Chetboul**, Carolina Carlos Sampedrano***, Vassiliki Gouni****, Jean-Louis Pouchelon*****, Antoine Hidalgo******
Fonctions :
*Unité de cardiologie
**Unité de chirurgie, ENV d’Alfort
Lors de tumeur cardiaque, un épanchement péricardique est souvent associé. La péricardectomie peut être indiquée, avec un pronostic variable selon la nature tumorale.
Une chienne boxer femelle stérilisée âgée de 10 ans est présentée en consultation de cardiologie pour une dilatation abdominale apparue une semaine plus tôt. L’animal a été examiné en urgence six mois auparavant pour les mêmes symptômes. À ce moment-là, l’analyse du liquide d’ascite ayant révélé un transsudat modifié, un examen échocardiographique a été réalisé. Une masse tissulaire a alors été identifiée à la base du cœur, associée à un épanchement péricardique avec tamponnade secondaire. Des clichés échographique de l’abdomen et radiographique du thorax n’ont pas mis en évidence de lésion associée (tumeur primitive ou métastase). Après péricardiocentèse, un traitement à l’aide d’anti-inflammatoires stéroïdiens a été mis en place : prednisone à la dose de 0,5 mg/kg toutes les 12 heures per os. L’animal n’a présenté aucune récidive dans les mois qui ont suivi.
Les examens clinique et échocardiographique confirment la présence d’un épanchement péricardique et d’une tamponnade. La masse cardiaque est de nouveau visualisée ( et ). D’échogénicité relativement homogène, elle est en contact avec la racine de l’aorte, l’atrium gauche et l’artère pulmonaire droite. Aucune augmentation sensible de sa taille n’est constatée par rapport à l’examen réalisé six mois plus tôt. Le bilan d’extension est toujours négatif.
L’épanchement est de nouveau ponctionné, mais trois récidives sont observées à moins d’une semaine d’intervalle, nécessitant chacune une péricardiocentèse.
À l’issue de la quatrième ponction, un traitement chirurgical à visée palliative est accepté par les propriétaires de l’animal. Une exérèse partielle ou totale de la masse est délicate en raison de sa localisation. Après thoracotomie dans le cinquième espace intercostal droit, une péricardectomie partielle est réalisée. Une portion circulaire du péricarde de 4 cm de diamètre est excisée. Un drain thoracique est maintenu durant 72 heures. Un épanchement pleural modéré persiste les deux premières semaines qui suivent l’intervention chirurgicale.
Dans les mois suivants, l’animal subit plusieurs contrôles. L’épanchement pleural disparaît progressivement et, six mois après l’intervention chirurgicale, la chienne vit bien sans traitement associé.
Les tumeurs cardiaques sont le plus souvent de pronostic sombre chez le chien. Dans la majorité des cas, le diagnostic de certitude repose sur l’examen nécropsique, car ces lésions ne permettent généralement ni une exérèse ni une biopsie. Dans le cas présenté, l’hypothèse d’un chémodectome est formulée en raison de la race de l’animal et de la localisation de la masse. L’évolution d’un hémangiosarcome ou d’une tumeur cardiaque métastatique est peu probable du fait de la survie, très longue, de la chienne. L’hémangiosarcome est l’affection tumorale cardiaque la plus commune. Elle est de pronostic sombre à court terme (avec une médiane de survie le plus souvent inférieure à deux mois) [4]. Lors d’hémangiosarcome, la réalisation d’une péricardectomie ne prolonge pas la survie et ne diminue pas le risque de récidive de l’épanchement [1]. En revanche, le recours à la péricardectomie lors d’épanchements péricardiques récurrents secondaires à un chémodectome allonge significativement la survie. En effet, plusieurs études font état de médianes de survie qui passent alors de 4 à 20 mois [2, 3]. La décision opératoire représente cependant une “prise de risque”, la nature de la tumeur n’étant que rarement connue avec certitude au moment de l’intervention.