ANALGÉSIE DES NOUVEAUX ANIMAUX DE COMPAGNIE
Thérapeutique
Auteur(s) : Didier Boussarie*, Yassine Mallem**
Fonctions :
*(DIE phytothérapie)
Clinique de Fismes
2, rue des Comtes Thibault
51170 Fismes
**Auteur coordinateur :
***Unité de pharmacologie
et toxicologie,
Oniris, site de La Chantrerie
101, route de Gachet
44300 Nantes
Chez le lapin, la gabapentine présente un intérêt pour soulager les douleurs chroniques neuropathiques, dentaires et rachidiennes. Son utilisation, hors AMM, doit toutefois être réfléchie.
La gabapentine est indiquée en médecine humaine dans le traitement des épilepsies partielles, avec ou sans généralisation secondaire, et des douleurs neuropathiques périphériques. En médecine vétérinaire, elle est utilisée hors autorisation de mise sur le marché (AMM), principalement chez le chien et le chat, pour le traitement des douleurs neuropathiques au sein d’un protocole multimodal. Les principales indications chez le lapin concernent la prise en charge des douleurs chroniques neuropathiques, essentiellement bucco-dentaires et rachidiennes.
La gabapentine combine des propriétés analgésiques, antihyperalgiques, anticonvulsivantes et peut-être anxiolytiques. Elle possèderait surtout une action antihyperalgique si elle est administrée lorsqu’une sensibilisation centrale ou périphérique a déjà eu lieu, ce qui suggère qu’elle devrait être utilisée dans le traitement de douleurs préexistantes, non traitées ou réfractaires aux traitements analgésiques précédents [2]. Son niveau d’action analgésique est toutefois difficile à estimer et à quantifier chez le lapin, car cette espèce exprime peu la douleur (photo 1). Ses propriétés anticonvulsivantes peuvent être mises à profit lors de crises épileptiformes. Son effet anxiolytique, mis en évidence chez l’homme et le chat, mériterait d’être testé chez le lapin en cas de stress dû au transport ou au changement d’environnement. En extrapolant par rapport au chat, l’action sédative dose dépendante est plus marquée deux à trois heures après l’administration [3].
Le mode d’action de la gabapentine est multiple, mais incomplètement élucidé.
La gabapentine est un analogue structurel de l’acide gamma-aminobutyrique (Gaba), mais son mécanisme d’action en tant qu’anticonvulsivant est mal connu. Elle semble interagir avec les hétérorécepteurs GabaB pour inhiber la production de glutamate, et augmenterait la sécrétion de Gaba dans le cerveau [2]. Elle passe la barrière hémato-méningée et pénètre facilement dans le cerveau [5]. Avec une grande affinité, la gabapentine se lie à la sous-unité α2δ des canaux calciques voltage dépendants, et cette liaison pourrait être à l’origine de ses effets anticonvulsivants et analgésiques [2]. Elle active également les voies descendantes inhibitrices, ce qui produit un effet analgésique par la stimulation des récepteurs α2-adrénergiques au niveau spinal [2]. Sa pharmacocinétique a été étudiée chez l’homme et de nombreuses espèces animales, mais aucune étude n’est disponible chez le lapin [2, 3].
La gabapentine complète utilement l’arsenal analgésique dont le praticien dispose chez le lapin. Elle est peu indiquée en cas de douleurs aiguës, y compris peropératoires, mais son intérêt est réel lors de douleurs chroniques neuropathiques, notamment dentaires et rachidiennes (photo 2).
En raison du faible nombre de données disponibles sur son usage chez le lapin, il est difficile d’émettre des recommandations de doses adaptées [2]. Une extrapolation à partir de celles indiquées chez les carnivores domestiques est envisageable, compte tenu du peu d’effets secondaires potentiels de la gabapentine chez ceux-ci, mais cela ne signifie pas qu’il n’existe aucun risque chez le lapin [1]. La posologie de 10 mg/kg toutes les 12 heures semble efficace et ne provoque pas d’effets indésirables particuliers chez le lapin (selon des observations personnelles). Son administration sur une longue période paraît bien tolérée, et une durée de traitement de six à huit semaines est recommandée (observations personnelles).
La seule présentation disponible est une spécialité humaine (Neurontin® et ses génériques) proposée en gélules et comprimés de différents dosages multiples de 100 mg, qu’il est nécessaire de faire reconditionner (gélules, sirop).
La gabapentine est ainsi bien tolérée, mais son utilisation est sous la responsabilité du praticien.
Une posologie supérieure à 25 mg/kg/jour peut être à l’origine d’une asthénie, d’une somnolence, de troubles de l’équilibre, d’un dysfonctionnement cognitif. Chez le chien, ces effets secondaires seraient liés aux effets hypoglycémiants cumulés du xylitol, utilisé comme édulcorant dans la forme galénique [3].
La gabapentine est contre-indiquée chez le lapin souffrant d’insuffisance rénale ou hépatique, ainsi que chez la femelle gestante. Lors d’études non cliniques, la gabapentine s’est révélée toxique pour le développement fœtal. Il est également déconseillé de l’associer aux opioïdes et aux benzodiazépines, dont elle exacerbe les effets indésirables sur les fonctions cognitives et la motricité globale [4]. En revanche, la gabapentine peut être associée aux anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Conflit d’intérêts : Aucun