INTOXICATION PAR LA TOXINE BOTULIQUE CHEZ LE CHIEN - Le Point Vétérinaire n° 410 du 01/10/2020
Le Point Vétérinaire n° 410 du 01/10/2020

TOXICOLOGIE

Fiche toxicologie

Auteur(s) : Laurence Tavernier

Fonctions : CNITV, VetAgro Sup
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-l’Étoile
cnitv@vetagro-sup.fr

Bien que plus souvent décrit chez les bovins, le botulisme peut aussi toucher le chien et mérite d’être connu pour que son traitement ne soit pas découragé par la lenteur de son évolution.

LE TOXIQUE

Le botulisme est causé par la toxine botulique, produite par Clostridium botulinum, un bacille à Gram positif anaérobie, tellurique ubiquitaire. Elle est présente dans le sol, les sédiments marins ou d’eau douce, le lisier, et occasionnellement dans le tube digestif de certains animaux porteurs (poissons, oiseaux ou mammifères). Sur la base de leurs propriétés antigéniques, sept types de toxines sont distingués. Tous n’affectent pas les mêmes espèces de la même façon. Chez le chien, le type C prédomine, plus rarement le type D. Il en est de même pour les volailles. Les bovins sont davantage concernés par le type D. Enfin, les intoxications humaines sont liées aux types A, B et E, rarement F.

La bactérie se développe préférentiellement entre 25 et 37 °C dans un milieu anaérobie, mais sa capacité à sporuler lui permet de résister durablement à des conditions moins favorables (écarts de température, oxygène, sécheresse, etc.).

L’intoxication est consécutive à l’ingestion de la toxine préformée (intoxination) ou plus rarement de spores qui colonisent le tube digestif (toxi-infection). La toxine botulique ne franchit pas la barrière cutanée, mais elle peut être absorbée par les muqueuses. Elle est détruite par la chaleur, alors que les spores sont thermo­résistantes. L’intoxication a généralement lieu via l’alimentation (notamment la viande de volaille distribuée crue ou peu cuite) ou l’ingestion accidentelle de viande avariée, de compost, de charognes contaminées, etc. En revanche, il ne peut pas y avoir de contagion d’un animal à un autre.

ESPÈCES CONCERNÉES ET FRÉQUENCE DE L’INTOXICATION

Dans les cas recensés par le Centre national d’informations toxicologiques vétérinaires (CNITV) au cours des dix dernières années, le botulisme occupe une place modeste, mais comme sa mise en évidence est délicate, il est possible qu’il soit sous-diagnostiqué.

Même si les bovins représentent une part non négligeable des appels (19 %), le chien reste majoritaire (58,3 %). Le chat est nettement moins représenté (6 %) : même si expérimentalement, il pourrait développer des symptômes comparables au chien, il n’est pas touché en pratique. Enfin, la plupart des oiseaux sont particulièrement sensibles au botulisme, ce qui suscite des interrogations concernant les espèces sauvages, aviaires notamment.

DOSES TOXIQUES ET PATHOGÉNIE

Parmi les substances connues, les toxines botuliques seraient les plus fortement toxiques, avec des doses létales médianes (DL50) par voie orale de l’ordre de 50 ng à 3 µg/kg. La toxine se fixe à la membrane présynaptique des terminaisons nerveuses, au niveau des jonctions neuromusculaires. Les récepteurs sollicités subissent une endo­cytose et les vésicules ainsi formées bloquent la libération de l’acétylcholine, ce qui rend les muscles incapables de se contracter.

TABLEAU CLINIQUE ET LÉSIONNEL

Les troubles se déclarent entre quelques heures et six à huit jours après l’ingestion. Le tableau est dominé par une paralysie flasque, ascendante. Elle s’étend progressivement des membres postérieurs aux membres antérieurs et, dans les cas les plus sévères, jusqu’aux muscles faciaux, pharyngés et œsophagiens. L’atteinte des nerfs crâniens peut se manifester par une mydriase, un réflexe photomoteur ralenti, une baisse de tonus de la mâchoire, des difficultés à la déglutition, un réflexe palpébral amoindri. L’atteinte du diaphragme et des muscles intercostaux rend quelquefois la respiration difficile. Bradycardie, constipation et rétention urinaire sont également observées.

D’autres complications sont envisagea­bles, comme une kératite et une conjonctivite faute d’un réflexe palpébral, une pneumonie d’aspiration et/ou un risque de développement d’un méga-œsophage en lien avec la flaccidité de l’œsophage, etc.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Il est possible de rechercher, sur des échantillons réfrigérés mais non congelés, soit la toxine botulique dans le sérum ou sur du contenu digestif, soit la bactérie elle-même sur ce dernier. Le risque de faux négatifs n’est toutefois pas négligeable.

Le botulisme n’entraîne pas de modifications hématologiques ou biochimiques particulières. Les résultats de l’électro­myographie sont le plus souvent normaux.

Une radiographie se révèle parfois utile pour détecter un méga-œsophage.

TRAITEMENT ET PRONOSTIC

Le traitement éliminatoire est illusoire en raison du délai d’apparition des symptômes. L’antibiothérapie est généralement déconseillée. En effet, elle n’est pas efficace pour l’ingestion de toxine préformée, qui est le cas le plus fréquent, et ­serait délétère lors d’ingestion de spores, du fait d’une colonisation de l’intestin par Clostridium botulinum favorisée par l’altération de la flore digestive, et d’un relargage de toxines majoré lors de la lyse des bactéries. Ainsi, les antibiotiques sont plutôt à réserver au traitement des surinfections éventuelles.

Administré idéalement au cours des premières vingt-quatre heures, en tout cas dans les cinq jours après l’ingestion, le sérum antibotulique (à la dose de 10 000 à 15 000 unités d’antitoxine par chien, d’une valence adaptée au type rencontré, deux fois à quatre heures d’intervalle) se montre efficace tant que la toxine n’a pas pénétré dans les neurones, mais aucune spécialité n’est actuellement disponible.

Le traitement consiste essentiellement à soutenir les principales fonctions, en attendant l’élimination spontanée des toxines : fluidothérapie, nutrition assistée (gavage ou sondage selon la capacité de déglutition), oxygénation (avec trachéotomie et ventilation à pression positive, le cas échéant), ainsi que des mesures de soins complémentaires (gel ophtalmique pour limiter la sécheresse oculaire, couchage adapté et mobilisation régulière pour prévenir les escarres, vidange vésicale, etc.).

Le pronostic reste réservé dans un premier temps, au vu de l’intensité variable des troubles, laquelle dépend de la quan­tité de toxine ingérée et de la sensibilité individuelle de l’animal, mais aussi des complications possibles. La récupération peut demander deux à trois semaines, voire davantage.

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Conflit d’intérêts : Aucun