LA RAGE EN FRANCE
Dossier
Auteur(s) : Guillaume Crozet*, Julie Rivière**, Barbara Dufour***, Hervé Bourhy****, Emmanuelle Robardet*****, Florence Cliquet******
Fonctions :
*Unité EpiMAI (USC Anses)
ENV d’Alfort
7, avenue du Général de Gaulle
94700 Maisons-Alfort
**Unité lyssavirus, épidémiologie
et neuropathologie
Centre national de référence de la rage
Institut Pasteur
25-28, rue du Docteur Roux
75015 Paris
***Laboratoire de la rage et de la faune
sauvage de Nancy
Anses, technopôle agricole et vétérinaire
54220 Malzéville
L’infection d’un chiot importé d’Espagne par une souche marocaine du virus rabique, confirmée le 13 février 2020 par l’Institut Pasteur, rappelle que malgré une situation globalement favorable, le risque rabique persiste toujours sur le territoire français.
Dans l’Hexagone, depuis l’élimination de la rage vulpine en 1998 et l’obtention du statut indemne de rage des mammifères non volants en 2001 (au sens de l’Organisation mondiale de la santé animale), un certain nombre de cas de rage ont été recensés chez différentes espèces, dont l’homme. S’agissant d’une zoonose majeure avec un taux de létalité de presque 100 %, il est nécessaire de mettre en œuvre des mesures de prévention adaptées à la situation épidémiologique actuelle. Cet article a ainsi pour objectif de faire un point sur le risque rabique en France, avant de détailler les mesures de prévention applicables pour empêcher la survenue de nouveaux cas. Enfin, des situations mettant en avant le rôle du vétérinaire dans la prévention du risque rabique en France sont présentées sous la forme de questions-réponses (encadré 1).
La rage est associée à des Lyssavirus (famille des Rhabdoviridae) qui appartiennent à plusieurs espèces virales. Parmi les seize espèces virales répertoriées, quatre ont déjà été identifiées en France, dont trois en lien avec des chiroptères appartenant à des espèces indigènes : European bat Lyssavirus 1 (EBLV-1, 94 cas depuis 1989), Bokeloh bat Lyssavirus (BBLV, 2 cas en 2012 et 2013), Lleida bat Lyssavirus (LLEBV, 1 cas en 2017). Le virus classique de la rage (RABV) a circulé sur le territoire français de 1968 à 1998 dans les populations de renards, qui constituaient alors l’espèce hôte principale et le vecteur de la maladie. Depuis l’élimination de la rage vulpine en France, le RABV n’est plus présent, mais des réintroductions sont régulièrement observées, à la suite d’importations de carnivores domestiques infectés ou d’infections humaines secondaires à des morsures par des animaux infectés survenues à l’étranger.
En raison de la présence ou de la possibilité de réintroduction de ces virus, le risque rabique pour les populations humaines persiste en France métropolitaine, selon trois modalités (figure 1) : l’exposition à des chiroptères infectés par un Lyssavirus, l’exposition à des carnivores domestiques infectés importés depuis des zones d’enzootie rabique, l’exposition des voyageurs lors de séjours en zone d’enzootie rabique. Il convient de se poser la question du niveau de risque associé à chacune de ces trois modalités.
La rage des chiroptères est enzootique en France métropolitaine, avec des cas détectés régulièrement (97 depuis 1989, dont plus de 95 % dus à l’EBLV-1) depuis la mise en place d’un plan de surveillance national en 1989 [1]. L’épidémiologie de ces infections dans les populations de chiroptères reste imparfaitement comprise. Cependant, il est admis que la probabilité est faible, dans l’Hexagone, pour qu’une chauve-souris soit, à un moment donné, excrétrice dans sa salive d’un Lyssavirus. Associé au fait que les espèces de chauves-souris présentes sur le territoire français entrent peu en contact avec les populations humaines, cela conduit à considérer le risque d’infection d’une personne à partir d’une chauve-souris comme négligeable. Ce risque est qualifié de faible, mais non négligeable, même à la suite de l’exposition à une chauve-souris avec un comportement anormal [2]. Il convient de préciser que ce risque est considéré comme plus élevé pour des populations particulières telles que les chiroptérologues ou les personnes travaillant dans des centres de sauvegarde de la faune sauvage [2]. Au total, seuls cinq décès dus à une infection par un Lyssavirus associé aux chauves-souris ont été rapportés en Europe depuis 1977, et aucun en France. Les cinq personnes n’avaient pas reçu de traitement postexposition. Enfin, des événements de transmission à des animaux plus proches de l’homme, comme des chats, sont ponctuellement détectés en France, le dernier en date ayant été répertorié en mai 2020 [3].
Concernant le risque humain associé à l’exposition à des carnivores domestiques infectés, importés sur le territoire français depuis des zones d’enzootie de rage canine, il est probablement très faible, compte tenu des mesures sanitaires mises en place, puisqu’aucune infection humaine par cette modalité n’est rapportée à ce jour. Cependant, il est important de souligner que des réintroductions du RABV sont observées régulièrement (12 depuis 2001) et qu’elles donnent lieu à l’exposition des populations animales et humaines, aboutissant à des mesures de gestion chez les chiens et les chats (revaccination, surveillance, voire euthanasie) et à la prise en charge en urgence des personnes exposées par les centres antirabiques. À titre d’exemple, un cas d’importation en 2004 a abouti à l’euthanasie de 57 animaux (pour la réalisation de tests de diagnostic) et à la mise sous surveillance de 759 autres durant un an. Au cours de cet épisode, 187 personnes ont été prises en charge dans un centre antirabique après une exposition [4]. Malgré des mesures de prévention efficaces (vaccination, test sérologique : voir plus loin), en raison de l’étendue des non-conformités vis-à-vis de la réglementation et de la faible fréquence des contrôles aux frontières, ce risque reste bien présent, comme en témoigne l’histoire récente. Une analyse de risque réalisée en Espagne, qui incluait la possibilité que la réglementation ne soit pas respectée et que les contrôles soient non systématiquement réalisés, a notamment permis d’estimer la probabilité d’introduction d’au moins un chien infecté à 21 % par an, pour la seule provenance du Maroc [5]. Malgré la persistance de ce risque d’infection sur le territoire français par ces deux modalités (exposition aux chiroptères autochtones infectés et aux carnivores domestiques infectés importés), aucun cas autochtone de rage humaine n’a été rapporté depuis 1924 (époque où la rage canine était présente), principalement en raison d’une probabilité d’exposition extrêmement faible associée à une surveillance épidémiologique et à une prise en charge adaptée en cas d’exposition.
Il est également possible que des personnes résidant dans des pays indemnes de RABV, comme la France, soient exposées à ce danger lors de voyages dans une région d’enzootie rabique, en l’absence de mesures de prévention adaptées. Ce risque est particulièrement important lors de séjours dans des pays où l’espèce hôte principale est représentée par le chien (notamment en Afrique et en Asie). Dans ce contexte, lors d’une morsure par un chien (voire un chat), la probabilité d’infection ne peut pas être considérée comme négligeable compte tenu des niveaux d’incidence de la rage canine parfois élevés (jusqu’à 1 % d’incidence annuelle dans certaines zones) [6]. Ainsi, douze cas humains de rage ont été diagnostiqués en France chez des personnes infectées à l’étranger depuis 1990, les expositions s’étant produites dans des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique centrale [7-9].
Face à la menace permanente des importations et des retours de voyages de carnivores domestiques depuis des zones d’enzootie rabique, des mesures, notamment préventives, doivent être mises en œuvre afin de gérer ce risque.
Cette prévention du risque rabique associé aux mouvements de carnivores domestiques passe par la vaccination avec, selon le contexte, une nécessité d’attester de la présence d’une réponse vaccinale satisfaisante par un titrage des anticorps antirabiques. Ainsi, la réglementation (figure 2) impose que les chiens, les chats et les furets voyageurs (afin de préparer leur retour sur le territoire français) ou importés depuis l’étranger soient valablement vaccinés et avant leur retour, c’est-à-dire en ayant respecté un délai d’au moins vingt et un jours postinjection afin d’atteindre une immunité postvaccinale satisfaisante [10]. Cette vaccination est suffisante d’un point de vue réglementaire pour les voyages ou importations réalisés au sein l’Union européenne (UE), mais aussi pour un certain nombre de pays dits “dérogataires” au titrage (décision de la Commission européenne), qui présentent un risque rabique négligeable ou très faible.
Pour les pays tiers non dérogataires et les animaux vaccinés dans ces pays, un titrage des anticorps neutralisants antirabiques doit être réalisé trois mois avant leur retour. La prise de sang pour ce titrage est effectuée trente jours après la primovaccination au plus tôt, afin de prendre en compte le délai de production des anticorps. Ce test sérologique, s’il est positif (≥ 0,5 unité internationale par millilitre), permet d’attester de la présence d’anticorps neutralisants protecteurs contre le virus de la rage et offre donc un élément supplémentaire pour la prévention du risque rabique. D’après une étude réalisée en France, 2,6 % des chats et 14,5 % des chiens primovaccinés présentent des taux en anticorps inférieurs au seuil de positivité [11]. Ces proportions ne doivent pas être négligées et justifient donc l’intérêt du test sérologique si le pays de séjour ou exportateur présente un risque particulier.
De plus, si un chien ou un chat est importé depuis un pays tiers non dérogataire, donc avec un risque rabique considéré a priori comme plus élevé, un délai d’attente d’au moins trois mois après la prise de sang est requis avant tout mouvement. Ce délai permet de s’assurer que l’animal ne développe pas de signes cliniques évocateurs de la rage avant son importation, afin de pouvoir conclure que les anticorps titrés étaient bien d’origine vaccinale et non infectieuse (ces derniers n’étant pas différenciables). Ce délai de trois mois, inférieur à celui de six mois retenu par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) comme durée maximale d’incubation, repose sur le fait que les anticorps infectieux (avec un titre supérieur ou égal à 0,5 UI/ml) sont uniquement présents au cours de la période de présentation des signes cliniques ou peu de temps avant leur apparition.
Cependant, dans le cas d’un carnivore domestique autochtone (aller-retour en zone d’enzootie rabique à partir de la France), ce délai de trois mois après le test sérologique ne s’applique pas. En effet, en zone indemne de rage des mammifères non volants, si un taux satisfaisant en anticorps est mesuré après la vaccination, il ne peut s’agir que d’anticorps vaccinaux, une contamination rabique avant ou juste après la vaccination étant exclue.
Soulignons qu’un certain nombre de pays où la rage est présente ne demandent pas la réalisation d’un test sérologique en plus de la vaccination antirabique pour une entrée sur leur territoire. Il est néanmoins indispensable de conseiller aux propriétaires de réaliser ce test avant leur départ, car son résultat sera dans tous les cas requis pour leur retour sur le territoire français. La réalisation du test sérologique avant le départ de France permet ainsi de s’affranchir du délai d’attente de trois mois et également de potentiels problèmes liés à une mauvaise application de la réglementation si ces démarches sont effectuées dans un pays étranger. Un résultat positif (au dessus ou égal à 0,5 UI/ml) est considéré comme valable à vie tant qu’il n’y a pas de rupture de validité de la vaccination antirabique, les rappels se faisant selon l’autorisation de mise sur le marché des différents vaccins utilisés (périodicité allant d’un à trois ans, abandon du rappel annuel systématique depuis 2018). Il est par ailleurs important de pouvoir assurer une traçabilité par rapport à cette vaccination et, éventuellement, ce test sérologique. Ainsi, tout carnivore domestique doit être identifié (par transpondeur) pour attester de son identité, mais aussi de son âge puisque la vaccination antirabique ne peut pas être pratiquée avant l’âge de 12 semaines. Les vaccinations antirabiques doivent être consignées dans un passeport européen (remplacé par un certificat sanitaire officiel hors de l’Union). Le résultat d’un éventuel titrage, réalisé dans un laboratoire agréé par l’Union européenne, doit également être consigné dans le passeport ou sur le certificat sanitaire officiel.
Des analyses quantitatives du risque ont permis de montrer que le respect de ces mesures réglementaires permettait de prévenir de façon très efficace le risque rabique lié aux mouvements de carnivores domestiques [12, 13]. Si ces mesures de prévention avant un voyage ou une importation n’ont pas été correctement mises en place, le carnivore domestique est considéré comme en situation d’illégalité. Ces illégalités peuvent être d’ordre administratif (problème d’identification ou de documents officiels) ou biologique (problème de vaccination, de titrage ou encore d’âge). Dans de telles situations, l’animal est susceptible de présenter un risque pour la santé publique, plus ou moins important selon la zone de séjour ou de provenance. Bien que tout animal entrant sur le territoire avec un particulier depuis un pays tiers doive être présenté aux services des douanes, il semble que cette obligation soit largement ignorée et que les contrôles soient peu fréquents et/ou qu’ils peinent à identifier les situations d’illégalité. Par ailleurs, pour les mouvements intracommunautaires, dans le cadre de la libre circulation, les contrôles ne seraient que très ponctuels. Ainsi, les vétérinaires ont un rôle de sentinelle essentiel à jouer dans le cadre de ces importations illégales car, bien souvent, ils se situent en première ligne pour identifier ces animaux.
Un carnivore domestique en situation d’illégalité doit être déclaré aux autorités sanitaires vétérinaires (Direction départementale de la protection des populations, DDPP) afin qu’une mesure de gestion soit prise. Le choix est de la responsabilité de la DDPP et non du vétérinaire sanitaire. Ce dernier doit néanmoins être en mesure d’effectuer une analyse du risque rabique en collectant l’ensemble des commémoratifs nécessaires à la prise de décision, ainsi que des éléments relatifs à la compliance des propriétaires. Selon les résultats de cette analyse de risque, l’animal pourra être euthanasié (risque élevé), mis sous surveillance durant six mois en fourrière (risque modéré) ou chez le propriétaire (risque faible). La mise sous surveillance doit s’accompagner de visites périodiques chez le vétérinaire sanitaire pour attester du bon état clinique de l’animal. En effet, même si celui-ci semble en bonne santé au moment de son introduction, il peut être en incubation de rage et cette surveillance, pendant une durée correspondant au délai maximal d’incubation retenu par l’OIE (six mois), est essentielle et vise à protéger la santé publique.
Un autre volet vétérinaire capital dans la prévention du risque rabique pour les populations humaines est la mise sous surveillance des animaux mordeurs ou griffeurs sains sur le territoire français. Outre les mesures classiques de gestion de plaies par morsure/griffure, une mise sous surveillance relative au risque rabique est primordiale pour attester que l’animal reste sain et qu’il n’était donc pas excréteur présymptomatique du virus rabique au moment de la morsure/griffure. La durée de cette surveillance est fixée à quinze jours et correspond à la durée maximale d’excrétion présymptomatique observée chez un carnivore domestique [14]. Néanmoins, dans la majorité des cas (80 %), cette excrétion commence entre trois jours et quelques heures avant l’apparition des signes cliniques. Cette surveillance est fondamentale, car si elle peut être menée correctement jusqu’à son terme et que l’animal reste sain, elle permet d’orienter la décision thérapeutique du centre antirabique et d’éviter que la personne mordue suive une prophylaxie postexposition pour la rage. À l’inverse, si des signes de la maladie apparaissent durant la surveillance, l’animal fera l’objet d’une analyse en laboratoire. Dans le cas où le diagnostic est effectivement confirmé, les mesures de police sanitaire et médicales nécessaires seront mises en place au niveau vétérinaire et les personnes exposées rapidement prises en charge.
Ces considérations ne s’appliquent pas au cas d’une personne mordue à l’étranger et plus particulièrement dans une zone d’enzootie rabique. Dans ce contexte, il est indispensable de conseiller au patient de consulter rapidement un centre antirabique pour être pris en charge.
La vaccination antirabique des personnes fait partie de l’arsenal des mesures de lutte contre la rage. Elle se décline en deux schémas vaccinaux : la vaccination préventive des personnes à risque (appelée vaccination préexposition) et la vaccination postexposition après un contact potentiel avec le virus rabique (animal enragé ou suspect d’un point de vue épidémiologique). Compte tenu de la situation épidémiologique en France métropolitaine (voir plus haut), les professionnels concernés par la prophylaxie préexposition de la rage appartiennent aux catégories suivantes :
– les personnels soumis à un risque continu, fréquent ou accru d’exposition aux Lyssavirus (laboratoire de virologie, production de vaccins, etc.) ;
– les personnes régulièrement exposées aux chauves-souris (chiroptérologues), y compris dans l’Hexagone ;
– les vétérinaires praticiens – dont il a été montré qu’ils étaient souvent les premiers en contact avec un chien ou un chat enragé introduit illégalement sur le territoire – et les personnels des centres de soins de la faune sauvage, des animaleries de vente, des parcs zoologiques et animaliers.
Le Haut conseil de la santé publique a recommandé, en 2013, la vaccination antirabique préventive pour les deux premières catégories, avec une surveillance régulière de la sérologie postvaccinale (tous les six mois pour les personnels de laboratoire et tous les ans au printemps pour les chiroptérologues) et une injection de rappel en cas de réponse vaccinale insuffisante [15]. Pour les vétérinaires et les autres personnels en contact avec des animaux, la vaccination est recommandée, avec une surveillance sérologique tous les deux ans et une injection de rappel en cas de titre des anticorps protecteurs insuffisant. L’objectif de la vaccination postexposition est de protéger les personnes entrées en contact (c’est-à-dire mordues le plus souvent) avec un animal enragé ou exposées à du matériel infectieux. Si la surveillance des animaux mordeurs effectuée réglementairement par les vétérinaires sanitaires permet de réduire le nombre de ces prophylaxies en identifiant les animaux enragés, il reste une série de situations où soit l’animal mordeur ne peut être mis sous surveillance (exposition à l’étranger, ou sur le territoire français mais défaut d’identification de l’animal, par exemple), soit il est d’emblée identifié comme enragé. Dans ce dernier cas, l’animal sera systématiquement soumis au diagnostic de laboratoire.
Il convient alors de s’adresser aux centres antirabiques départementaux (CAR) qui, selon les commémoratifs, vont décider de la mise en œuvre d’une prophylaxie postexposition (fondée notamment sur une série de vaccinations) et de ses modalités précises. Aujourd’hui, la tendance est de progressivement arrêter la prophylaxie postexposition après un contact avec un animal d’une espèce qui ne peut pas transmettre le virus de la rage (espère réceptive qui, compte tenu de la situation épidémiologique française, ne peut être infectée ; cela ne concerne pas les chiroptères sur le territoire français) et vivant ou provenant d’une zone indemne de rage, que cet animal puisse être mis ou non sous surveillance vétérinaire.
La surveillance vétérinaire du carnivore domestique mordeur pendant quinze jours reste une obligation légale, elle doit donc être mise en œuvre à chaque fois que cela est possible, car elle constitue désormais le principal rempart contre le passage potentiel de la rage à l’homme.
Conflit d’intérêts : Aucun
Les questions-réponses suivantes, au travers de mises en situations, illustrent le rôle essentiel du vétérinaire sanitaire dans la prévention et la gestion du risque rabique en France.
• Quand est-il nécessaire de proposer la vaccination lors de la première consultation d’un chiot ou d’un chaton ?
Il convient de rappeler que la vaccination antirabique n’est pas obligatoire pour un carnivore domestique qui reste en France (sauf en Guyane, en raison de la circulation de la rage chez les vampires). Il est alors important de questionner le propriétaire sur son futur mode de vie avec son animal, notamment pour savoir si l’animal sera amené à voyager et où. S’il voyage en Europe, une vaccination antirabique (associée à un passeport européen) peut être proposée lors d’une consultation. Si des séjours dans des pays tiers non dérogataires sont envisagés, il peut être pertinent de proposer la réalisation d’un titrage, après la vaccination antirabique, assez rapidement dans la vie de l’animal. En effet, si le résultat de ce titrage est positif (≥ 0,5 UI/ml), il reste valable à vie, sous réserve d’une absence de rupture vaccinale, et l’animal pourra partir dans un délai très court vers n’importe quelle destination. Il est toutefois indispensable, lors d’une telle consultation, de s’assurer que l’animal est identifié et âgé de plus de douze semaines au moment de la vaccination avant de délivrer un passeport, sinon cette dernière ne sera pas considérée comme valable.
• Un chiot de 3 mois, adopté il y a deux semaines après avoir été trouvé dans la rue au Maroc, est présenté en consultation en France pour être identifié et vacciné : que faire ?
Cet animal est en fait en situation d’importation illégale ! En outre, il est en provenance d’un pays d’enzootie rabique avec présence de rage canine. Il constitue donc une réelle menace pour la santé publique. Dans ce contexte, la vaccination est interdite et il convient de déclarer cet événement auprès de la Direction départementale de la protection des populations, en fournissant l’ensemble des commémoratifs. La DDPP pourra alors décider de l’euthanasie de l’animal, de sa mise sous surveillance durant six mois (en fourrière ou chez le propriétaire) ou bien de son refoulement. Dans une telle situation (jeune animal trouvé dans une zone d’enzootie de rage canine), l’euthanasie sera probablement choisie.
• Un propriétaire souhaite voyager en Roumanie avec son chaton. Que faire ?
La Roumanie est un pays où la rage est encore présente (six cas déclarés en 2018-2019, dans la faune sauvage et aussi chez des animaux domestiques). Ce pays faisant partie de l’Union européenne, pour que le propriétaire puisse partir avec son animal, il faudra qu’il soit identifié, qu’il possède un passeport européen et qu’une vaccination antirabique ait été réalisée depuis au moins vingt et un jours (figure 2). Dans ce contexte (UE), même si la rage est présente dans le pays de destination, le titrage des anticorps antirabiques n’est pas requis.
• Un propriétaire veut se rendre en Algérie avec sa chienne de 6 ans valablement vaccinée contre la rage (rappels réalisés selon l’AMM du vaccin utilisé). Quand pourra-t-il partir au plus tôt ?
L’Algérie est considérée comme un pays tiers non dérogataire au titrage (avec présence de rage canine). Dans ce contexte, la vaccination pourrait être suffisante pour partir, mais non pour revenir en France. Il convient donc de réaliser un titrage des anticorps antirabiques avant le départ. Il faut par ailleurs s’assurer que les vignettes du vaccin ont correctement été consignées dans un passeport européen (document officiel). Si la prise de sang pour la sérologie est réalisée le jour de la consultation (sous réserve que la primovaccination date de plus d’un mois), un départ sera possible dès la réception du résultat, s’il est favorable. Il faut tout de même indiquer au propriétaire de prévoir un délai d’environ deux semaines entre l’envoi du prélèvement au laboratoire agréé et la communication du résultat. Il faut également préciser qu’il devra se renseigner auprès de l’ambassade d’Algérie pour savoir si d’autres éléments sont exigibles (notamment un certificat sanitaire de bonne santé, et la date de sa rédaction par rapport à l’entrée dans le pays).
• Un chat vivant en intérieur me mord pendant la consultation. Que faire ?
Ce chat, s’il a toujours vécu en France et en intérieur, présente un risque totalement négligeable vis-à-vis de la rage. Il faudra néanmoins réaliser une mise sous surveillance durant quinze jours (avec trois visites) de cet animal mordeur sain, puisqu’il s’agit d’une obligation réglementaire. Il est par ailleurs essentiel de nettoyer la plaie à l’eau et au savon immédiatement après la morsure, afin d’éliminer mécaniquement le plus d’agents pathogènes potentiels et de consulter un médecin pour évaluer l’atteinte et éventuellement la nécessité d’une antibiothérapie.
1. Mise en conformité des animaux voyageurs (identification, passeport, vaccination +/- test sérologique)
Conseils aux propriétaires qui voyagent en zone à risque (éviter les contacts pour eux et leur animal avec les chiens ou les chats sur place, ne pas rapporter d’animal trouvé, connaître la conduite à tenir en cas de morsure/griffure par un animal indigène)
2. Identification et déclaration des importations illégales de carnivores domestiques
3. Réalisation du suivi des animaux mordeurs/griffeurs sains
4. Identification et déclaration d’une suspicion clinique de rage
Malgré un niveau très faible, un risque rabique résiduel persiste en France, comme en témoignent les cas de rage importés et ceux détectés chaque année sur certaines chauves-souris autochtones. Dans ce contexte, des mesures spécifiques doivent être maintenues pour prévenir la survenue de nouveaux cas de cette zoonose mortelle. Ces mesures regroupent l’information du public, la vaccination antirabique préventive des personnes les plus exposées (chiroptérologues, voyageurs lors de séjours prolongés en zone d’enzootie rabique, vétérinaires), la prise en charge des personnes exposées, mais aussi les dispositions relatives à la santé publique vétérinaire pour lesquelles les praticiens ont un rôle essentiel à jouer (encadré 2). En effet, une partie de ce risque résiduel pour les populations humaines est associée à l’exposition à des carnivores domestiques, notamment voyageurs ou importés, le reste étant lié à l’exposition aux chiroptères ou à des animaux infectés lors de séjours à l’étranger. Ainsi, il est essentiel que les vétérinaires expliquent aux propriétaires et appliquent les mesures réglementaires relatives aux mouvements des carnivores domestiques, indispensables pour réduire ce risque. Ils doivent également prodiguer des conseils sur les comportements à adopter en zone d’enzootie rabique afin de diminuer la probabilité d’exposition. Les vétérinaires doivent en outre être en mesure d’identifier et de prendre en charge les importations illégales de carnivores domestiques, potentiellement à risque vis-à-vis de la rage, et de réaliser les suivis mordeurs des animaux sains, maillon important de ce dispositif. Dans le contexte actuel, où les flux de personnes et d’animaux sont toujours plus importants, de nouveaux cas surviendront probablement, la vigilance et la bonne connaissance des mesures appropriées restent donc de mise.