HÉPATOLOGIE
Quel est votre diagnostic ?
Auteur(s) : Pierre Guigo*, Nora Bouhsina**, Juan Hernandez***, Alexis Bertrand****
Fonctions :
*Oniris
101, route de Gachet
44300 Nantes
**Clinique vétérinaire
Benjamin-Franklin
38, rue du Danemark
ZA Porte Océane
56400 Brech
Un chien épagneul tibétain non stérilisé, âgé de 11 mois, est référé pour l’exploration de troubles nerveux chroniques. L’anamnèse fait état de deux crises, caractérisées par un ptyalisme, une désorientation et une marche en cercle, survenues cinq mois puis une semaine avant la présentation. Depuis la première crise, l’animal est apathique et présente des vomissements hebdomadaires, ainsi que des épisodes de constipation et des fèces de couleur noire. La seule anomalie relevée à l’examen clinique est l’état stuporeux de l’animal.
Le contexte anamnestique et clinique conduit à envisager l’hypothèse d’une origine métabolique, et en particulier une anomalie vasculaire hépatique congénitale.
Une échographie abdominale est réalisée. Les coupes longitudinale et transversale de la veine porte sont présentées ici (photos 1 et 2).
→ Les images échographiques sont de bonne qualité, la définition et le gain permettent de distinguer nettement les différentes structures et notamment d’étudier la vascularisation porte.
→ L’échographie abdominale révèle une discrète néphromégalie bilatérale et de nombreuses lithiases vésicales. Le foie apparaît de taille subjectivement diminuée, mais présente un parenchyme homogène à l’échogénicité normale. Un vaisseau sanguin aberrant d’au moins 8 mm de diamètre est visualisé entre la veine porte et la veine cave caudale. Son trajet, court et légèrement tortueux, s’étend sur environ 1 cm de long. Il prend son origine au niveau de la veine porte et s’abouche dans la veine cave caudale, cranialement à la veine rénale droite. Le flux au sein du vaisseau est rétrograde. La veine porte présente un diamètre diminué cranialement à ce vaisseau, avec un ratio veine porte sur aorte (VP/Ao) de 0,46 versus 1,1 caudalement à ce vaisseau (valeurs usuelles de 0,7 à 1,25) [3].
→ La microhépatie, la néphromégalie bilatérale et les lithiases vésicales sont les signes indirects d’une anomalie vasculaire hépatique. Un volumineux shunt porto-systémique de type porto-cave est identifié. Le ratio VP/Ao est diminué à l’entrée du foie, ce qui est rapporté lors de shunt porto-systémique extrahépatique. Un angioscanner abdominal précise la topographie gastro-cave gauche : naissance au niveau de la veine porte, latéralement à gauche en région de la veine gastrique gauche, et abouchement au sein de la veine cave caudale, latéralement à gauche (photo 3).
Conflit d’intérêts : Aucun
Le shunt porto-systémique est une communication vasculaire anormale entre la circulation porte et la circulation veineuse systémique qui court-circuite ainsi le parenchyme hépatique. Son expression clinique est souvent précoce et protéiforme, avec une prédominance de signes nerveux dus aux troubles métaboliques afférents (encéphalopathie hépatique) [4]. L’échographie affiche une sensibilité de 68 % et une spécificité de 84 % dans leur détection, encore accrues par le mode Doppler [1, 2]. L’association de trois critères indirects (microhépatie, néphromégalie bilatérale, urolithes) est fortement évocatrice. L’échographie permet de visualiser directement le shunt et d’étudier la cinétique des flux sanguins. L’observation d’un phénomène d’aliasing permet de mettre en évidence des turbulences dans la veine cave, ce qui aide à localiser plus précisément l’abouchement du shunt [1]. Un ratio VP/Ao inférieur à 0,65 est spécifique de la présence d’un shunt extrahépatique [1]. Dans tous les cas, seule la mise en évidence d’une communication aberrante entre les vascularisations porte et systémique permet un diagnostic de certitude [1]. L’angioscanner abdominal est l’examen de choix pour confirmer la présence du shunt, avec une sensibilité de 96 % et une spécificité de 89 % [2]. Il permet de préciser sa topographie, très souvent variable, et de vérifier l’absence d’une autre malformation vasculaire. Bien que le diagnostic soit généralement établi sur la base des coupes transversales, le recours à d’autres coupes et à des reconstructions permet d’optimiser la préparation de l’intervention chirurgicale [2].