NEUROLOGIE
Quel est votre diagnostic ?
Auteur(s) : Pierre Guigo*, Nora Bouhsina**, Marion Fusellier***
Fonctions :
*Service d’imagerie médicale
Chuv d’Oniris
119, route de Gachet
44300 Nantes
Un chien spitz nain mâle non stérilisé, âgé de 7 mois, est présenté en consultation pour des troubles chroniques de la marche et de l’équilibre. Depuis la naissance, il présente une démarche ataxique intermittente, associée à des chutes fréquentes.
À l’examen clinique, l’animal apparaît en bon état général, avec des constantes biologiques qui restent dans les valeurs usuelles. L’examen neurologique révèle une proprioception diminuée au niveau des membres thoraciques et pelviens. Une raideur de la région cervicale et une douleur importante associée à sa flexion sont également mises en évidence. L’évaluation du statut mental, de la démarche, des réflexes médullaires et des nerfs crâniens ne montre aucune anomalie.
La présentation clinique est compatible avec une atteinte de type motoneurone central des membres thoraciques et pelviens, ce qui laisse suspecter une lésion médullaire de neurolocalisation C1-C5. Des radiographies du rachis cervical, de face et de profil en position neutre, sont réalisées sous sédation (photos 1 et 2).
© Service d’imagerie médicale d’Oniris
→ L’exposition, le contraste et la netteté des images radiographiques sont corrects. La qualité des clichés est suffisante pour l’interpré tation. Si l’examen des structures extra-osseuses ne révèle pas d’anomalie, celui des structures osseuses montre un profil bombé du calvarium(1), associé à un aspect en verre dépoli sur la zone de projection de l’encéphale. Sur l’incidence latérale, le corps vertébral de l’axis (C2) est déplacé dorsalement par rapport à celui de l’atlas (C1). L’aspect caudal de l’arc vertébral de C1 et l’aspect cranial du processus épineux de C2 présentent un défaut de chevauchement, avec un espacement de 7,3 mm. Les lames dorsales de C1 et de C2 sont affectées d’un défaut d’alignement, avec une angulation de 135°. Le processus odontoïde de l’axis est absent et le contour du bord cranial de C2 est lisse et régulier.
→ Les images radiographiques sont en faveur d’une subluxation de l’articulation vertébrale atlanto-axiale due à une agénésie de la dent de l’axis. Par ailleurs, une hydrocéphalie est suspectée.
Conflit d’intérêts : Aucun
Le plus souvent, l’instabilité atlanto-axiale résulte d’anomalies congénitales ou du développement (angulation dorsale, dysplasie, hypoplasie ou agénésie de la dent de l’axis, malformations ligamentaires, ossification incomplète de l’atlas, blocs vertébraux) [1]. Les chiens de race de petite taille (yorkshire, chihuahua, caniche nain, spitz nain, pékinois) y sont prédisposés. Des formes acquises sont également décrites, lors de traumatisme de la région cervicale avec fracture de la dent de l’axis [2]. L’instabilité atlanto-axiale est susceptible de favoriser une hyperflexion de l’articulation C1-C2 qui peut être à l’origine d’une subluxation dorsale de C2 par rapport à C1. Les signes cliniques varient selon le degré de compression médullaire qui en résulte et vont de la douleur cervicale à la tétraplégie. Une paralysie respiratoire est possible dans les cas les plus sévères [2]. Des radiographies du rachis cervical, en vue latérale, permettent la plupart du temps d’établir un diagnostic définitif. Cependant, la manipulation de la région cervicale de l’animal doit se faire avec précaution. La vue ventro-dorsale vise essentiellement à évaluer la conformation de la dent de l’axis [1]. Afin d’exclure d’autres maladies neurologiques et de fournir des éléments de pronostic, des examens d’imagerie en coupe du rachis cervical sont recommandés. L’examen tomodensitométrique permet ainsi de préciser la conformation anatomique de l’articulation atlanto-axiale. De son côté, l’imagerie par résonance magnétique sert à explorer les lésions médullaires associées à la subluxation (œdème, hémorragies, myélomalacie, syringomyélie) et à évaluer l’intégrité des ligaments apical, alaires, transverse et atlanto-axial dorsal [2]. La gestion conservatrice de cette a ection repose sur une restriction de l’activité et une immobilisation de l’articulation par le port d’une minerve pendant au moins six semaines, en parallèle d’une gestion de la douleur et de l’inflammation [3]. Néanmoins, les risques de récidive sont élevés. Le traitement chirurgical de stabilisation de l’articulation est à envisager lors de déficits neurologiques et de douleur cervicale réfractaires au traitement médical [2].