CONTRÔLE URINAIRE CHEZ UN BORDER COLLIE TRAITÉ À L’ALLOPURINOL - Le Point Vétérinaire n° 419 du 01/07/2021
Le Point Vétérinaire n° 419 du 01/07/2021

CYTOLOGIE URINAIRE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Delphine Rivière*, Typhaine Lavabre**

Fonctions :
*Laboratoire InovieVet
90, rue Nicolas Chedeville
34070 Montpellier

PRÉSENTATION CLINIQUE

Un chien border collie castré, âgé de 6 ans et vivant dans le sud de la France, est traité avec succès avec de l’allopurinol pour une leishmaniose depuis un an. L’animal est présenté pour une visite de contrôle. Son état général est bon, mais un épisode de légère hématurie a été noté deux semaines avant la consultation. Il est par ailleurs à jour de ses vaccinations et correctement vermifugé.

Dans le cadre du contrôle, la numération-formule sanguine et le bilan biochimique réalisés révèlent une légère hypoalbuminémie isolée (17 g/l, valeurs usuelles entre 21 et 44 g/l). Un prélèvement d’urines, obtenu par une miction spontanée, est également envoyé au laboratoire pour analyse. L’aspect macroscopique des urines ne présente pas d’anomalie significative. La densité urinaire est de 1,058. À la bandelette urinaire, la valeur du pH est de 5 et la plage des protéines est positive à 1+. L’examen cytologique des urines est effectué sur un culot de centrifugation, ainsi que sur une lame de cytocentrifugation colorée au May-Grünwald Giemsa (MGG) (photos 1 et 2).

Description des images observées au microscope

→ L’examen direct du culot de centrifugation permet de visualiser de nombreux éléments cristallins de taille variable et de forme ronde ou sphérique (encadré). L’examen de la lame de cytologie colorée après cytocentrifugation met également en évidence ces cristaux sphériques. Après la coloration au MGG, la couleur foncée persiste.

Interprétation

→ L’aspect des cristaux est compatible avec des cristaux de xanthine ou des cristaux d’urates d’ammonium. Le contexte (chien traité à l’allopurinol pour une leishmaniose) permet d’établir un diagnostic présomptif de cristallurie à xanthine.

Références

  • 1. Davis KU, Grindem CB. What is your diagnosis? Urine crystals from a dog. Vet. Clin. Pathol. 2015;44 (2):331-332.
  • 2. Gow AG, Fairbanks LD, Simpson JW et coll. XantLhine urolithiasis in a Cavalier King Charles spaniel. Vet. Rec. 2011;169 (8):209
  • 3. Roura X, Cortadellas O, Day MJ et coll. Canine leishmaniosis and kidney disease: Q&A for an overall management in clinical practice. J. Small Anim. Pract. 2021;62 (1):E1-E19
  • 4. Solano-Gallego L, Miro G, Koutinas A et coll. LeishVet guidelines for the practical management of canine leishmaniosis. Parasit. Vectors 2011;4:86.
  • 5. Tate NM, Minor KM, Mickelson JR et coll. Three diverse mutations underlying canine xanthine urolithiasis. J. Anim. Sci. 2016;94 (4):163.
  • 6. Vail KJ, Tate NM, Likavec T et coll. Hereditary xanthinuria in a goat. J. Vet. Intern. Med. 2019;33 (2):1009-1014.

Conflit d’intérêts : Aucun

Les auteurs remercient Laurent Kuentz pour sa collaboration.

Encadré : RAPPELS TECHNIQUES SUR L’OBSERVATION D’UN CULOT URINAIRE

L’examen du culot urinaire est réalisé à la suite d’une centrifugation douce (1 500 tours par minute). Après le retrait du surnageant, le culot est “réhomogénéisé” en pipettant doucement, puis une goutte est posée sur une lame et surmontée d’une lamelle. L’observation au microscope s’effectue avec le diaphragme fermé, une intensité lumineuse forte, et le condenseur abaissé si possible.

Pour la cytologie colorée, une goutte du culot est également posée sur une lame, puis étalée. La coloration au May-Grünwald Giemsa s’effectue après le séchage. La cytologie colorée s’observe avec le diaphragme ouvert au maximum et le condenseur relevé (intensité lumineuse à adapter selon le confort de l’utilisateur).

DISCUSSION

Les purines sont métabolisées en xanthine, puis en acide urique et enfin en allantoïne (forme principale d’excrétion urinaire chez le chien) [1]. L’allopurinol empêche la conversion de la xanthine en acide urique. Les cristaux de xanthine sont morphologiquement identiques aux urates d’ammonium. Le diagnostic différentiel d’une cristallurie à xanthine comprend des causes acquises : traitement à l’allopurinol (origine la plus fréquente), apport excessif en purine, déficit nutritionnel (chez le mouton) ou héréditaire (rare chez le chat, décrit chez le cavalier king charles, le terrier de manchester nain et le teckel chez le chien, ainsi que chez la chèvre et la vache) [2, 5, 6]. La xanthinurie héréditaire est une affection grave quelle que soit l’espèce, caractérisée par des néphrolithiases et une atteinte rénale associée, d’apparition précoce [6]. Chez le cavalier king charles, elle peut toutefois se révéler asymptomatique. La xanthine a une solubilité faible dans les urines, ce qui favorise la formation de cristaux, voire de calculs. La mise en évidence d’une urolithiase secondaire à l’administration d’allopurinol est possible dès trois semaines après l’initiation du traitement, mais peut également survenir des années plus tard [3]. Le suivi d’un chien traité à l’allopurinol doit donc inclure une analyse d’urines lors de chaque contrôle afin de détecter ces cristaux, comme dans le cas présenté, et estimer le risque de lithiase dans le rein susceptible de provoquer des lésions, voire une altération de sa fonction. La xanthinurie secondaire à l’allopurinol dépend de la dose administrée, mais aussi du régime alimentaire et de la fonction hépatique. Lors de cristallurie à xanthine, les recommandations sont donc de réduire les doses du traitement, de fournir au chien une alimentation pauvre en purines, d’accroître la consommation hydrique, ou une combinaison des trois, afin de maintenir la xanthinurie à une concentration inférieure à son point de saturation [3]. Si la xanthinurie n’est pas contrôlée avec ces différentes mesures, l’arrêt de l’allopurinol est envisageable, afin de prévenir le risque d’urolithiase [3, 4].