MÉDECINE INTERNE
Dossier
Auteur(s) : Paul Sériot*, Antoine Dunié-Mérigot**, Fanny Bernardin***
Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire Languedocia
395, rue Maurice Béjart
34080 Montpellier
**(dipl. ECVS)
Service de chirurgie
***(dipl. Ecvim-CA)
Service de médecine interne
Chez les animaux affectés, les signes cliniques sont divers et varient selon la localisation du corps étranger. Une prédominance des formes aiguës est observée à la fin du printemps et durant l’été, tandis que des abcès peuvent apparaître plusieurs semaines plus tard.
Les épillets sont des corps étrangers végétaux qui pénètrent au sein de l’organisme des animaux par divers points d’entrée. Ils peuvent migrer au sein d’une cavité (narines, oreilles, conjonctives, vagin, prépuce, etc.), s’accrocher dans un pelage, voire perforer la peau (épillets interdigités notamment). Ils continuent ensuite leur progression, provoquant sur leur passage diverses lésions et entraînant l’apparition de nombreux signes cliniques. Ce dossier aborde principalement le cas des épillets migrants inhalés qui suivent le trajet de l’arbre respiratoire.
Les épillets, couramment appelés corps étrangers végétaux migrants dans les publications scientifiques vétérinaires, sont les inflorescences de certains végétaux qui, en séchant, se détachent de la plante. Les plantes concernées sont des graminées (Poaceae), voire des Cyperaceae. Leurs inflorescences peuvent être en épi (Triticum ou blé, Hordeum murinum ou orge des rats, Elymus elymoides, etc.) ou en panicule (Avena fatua ou folle-avoine, Bromus spp., etc.) [5, 8].
Leur extrémité pointue et leur nature sèche et rigide permettent la perforation des tissus. Leur conformation microscopique sous la forme de harpons leur confère la capacité de migrer en avançant continuellement. Leur déplacement est associé à la dissémination de bactéries (aérobies ou anaérobies) ou d’agents fongiques transportés avec les épillets, les seconds étant plus rarement mis en évidence (tableau) [4, 5, 7, 9].
Les races canines de chasse et de travail sont les plus fréquemment citées dans les principales études rétrospectives (english springer spaniel, golden retriever, épagneul breton, labrador retriever et pointer anglais notamment) [2, 3, 4, 10, 12, 13]. Si les épillets migrants sont susceptibles de coloniser une grande partie du territoire français, le bassin méditerranéen, de par la nature des espèces végétales qui y poussent et la sécheresse qui y règne, concentre la plupart des cas. Une saisonnalité liée aux facteurs climatiques est également rapportée, avec une prédominance des cas en fin de printemps et durant l’été [1, 13]. Cependant, si les phases aiguës sont observées pendant cette période, dues à des épillets nasaux ou bronchiques, un décalage de quelques semaines à plusieurs mois peut être observé lors de la migration, entraînant la formation de lésions plus profondes comme des abcès (sous-lombaires, par exemple).
Le trajet des épillets migrants inhalés est assez bien connu. Ils pénètrent par les narines et suivent ensuite les cavités nasales, ou peuvent directement rejoindre la trachée lors de respiration gueule ouverte. Ils migrent alors le long des bronches, puis des bronchioles vers les alvéoles. Contrairement aux bronchopneumonies par aspiration, pour lesquelles le contenu aspiré tombe dans les lobes ventraux par gravité (lobe médial droit), les épillets sont fréquemment retrouvés dans les lobes caudaux dorsaux (lobe caudal droit ou gauche et lobe accessoire essentiellement), en raison de leur migration en direction caudale. Lorsqu’ils perforent parfois les poumons, ils atteignent la cavité thoracique (photo 1). Ils viennent ainsi se loger dans la paroi thoracique ou longent les piliers du diaphragme, atteignant alors les muscles sous-lombaires [2, 9]. En outre, il est fréquent de retrouver plusieurs épillets (photo 2).
Tout au long du trajet de migration des épillets, des lésions variées sont observées, chacune d’elles étant associée à des signes cliniques protéiformes. Il est ainsi possible de constater des signes suraigus (dès l’inhalation) ou plus chroniques (étalés sur plusieurs mois ou années). Ceux-ci peuvent également être frustes, généraux (abattement, dysorexie, etc.), mais aussi plus spécifiques (éternuements, sinus de drainage récidivant, etc.).
Au sein des cavités nasales, les signes cliniques sont d’apparition suraiguë à chronique (encadré 1). L’éternuement reste le signe d’appel principal dans la phase initiale. L’anamnèse fait fréquemment état de l’apparition des signes cliniques à la suite d’une promenade ou d’une course dans un champ. Les épisodes d’éternuements sont extrêmement fréquents, à répétition, secondaires à l’irritation de la muqueuse nasale.
Des secouements de la tête ou des lésions de grattage du nez avec les membres thoraciques sont également rapportés. Un épillet dans le nasopharynx peut être associé à des crises de reverse sneezing. Plus rarement, une épistaxis est observée [13].
Lorsque les cavités nasales sont très étroites (cas des chiens de taille miniature ou des chats), l’épillet ne migre plus et des signes cliniques chroniques s’installent. Une rhinite, avec un jetage majoritairement unilatéral, séreux à purulent, est alors parfois constatée. Un examen clinique approfondi permet de mettre en évidence une perte de la colonne d’air au niveau d’une narine. Dans de rares cas, un stertor peut être entendu lorsque toutes les cavités sont obstruées.
Lors de la migration de l’épillet au sein de la trachée, puis des bronches, le signe clinique qui prédomine est la toux (encadré 2) [13]. Là encore, des variations dans l’intensité et la durée des signes sont notées. La présence du corps étranger dans les bronches provoque d’abord une toux suraiguë, sous la forme de quintes, qui peut devenir chronique et laisser place à des signes respiratoires peu spécifiques.
Lorsque l’épillet se situe dans de petites bronchioles ou au sein des alvéoles, le réflexe de toux n’est plus déclenché, car les récepteurs responsables de ce réflexe n’existent plus dans les voies aériennes périphériques. La présence de l’épillet au sein des voies aériennes inférieures est à l’origine de la formation d’abcès pulmonaires.
Selon l’intensité de l’infection, des signes cliniques généraux, tels qu’un abattement ou une dysorexie, peuvent être rapportés par les propriétaires. Une hyperthermie est régulièrement constatée [13]. Des expectorations purulentes ou une hémoptysie sont plus rares. En outre, différents patrons respiratoires sont décrits, comme une tachypnée, une dyspnée (expiratoire principalement), une discordance, un tirage costal, etc.
Si le corps étranger continue sa migration, il peut perforer le lobe pulmonaire dans lequel il se trouve. Un pneumothorax se forme alors, avec une accumulation d’air dans la cavité thoracique [1]. Une détresse respiratoire aiguë, sévère, est alors observée, associée à des bruits cardiaques lointains. Cependant, lors du remaniement d’un lobe pulmonaire secondaire à la présence du corps étranger (accumulation de pus, atélectasie, granulomes inflammatoires, etc.), la perforation de ce même lobe peut passer inaperçue, car elle n’est pas corrélée à une fuite d’air. La présence du corps étranger dans la cavité thoracique est susceptible d’engendrer un pyothorax ou une pleurésie chronique. Là encore, l’animal peut montrer des signes généraux frustes ou au contraire être en état de choc septique (décubitus latéral, pouls filant, tachycardie, etc.).
Lorsque l’épillet continue de migrer et qu’il vient se loger dans la paroi thoracique, il crée un abcès local, souvent associé à un gonflement visible sur la partie externe du thorax et occasionnellement lié à un sinus de drainage purulent [13].
Si, en revanche, sa migration suit caudo-dorsalement les piliers du diaphragme, perforant ce dernier, le corps étranger vient s’insérer au sein des muscles sous-lombaires, formant un abcès. Les signes cliniques sont alors en lien avec la localisation de cet abcès (encadré 3). Ce dernier, qui entraîne initialement un simple inconfort, peut également être à l’origine d’une discospondylite ou d’une ostéomyélite, voire d’un empyème médullaire avec une accumulation de pus au sein du canal vertébral [9]. La dorsalgie est le signe principal, mais des troubles locomoteurs et nerveux d’intensité variable peuvent survenir : boiteries, difficultés à sauter ou à se lever, parésie, ataxie et, dans les cas extrêmes, paraplégie des membres pelviens [3, 6]. Au sein des muscles sous-lombaires, la présence du corps étranger peut provoquer la formation d’un sinus de drainage paralombaire [3, 11]. En effet, un écoulement purulent ponctiforme, qui persiste sur le flanc, est parfois la conséquence d’un profond et volumineux abcès, secondaire à la migration d’un corps étranger. Ces sinus de drainage débutent généralement par la formation d’une masse liquidienne sous-cutanée sur le flanc, avant la perforation de la cavité purulente et les écoulements associés. Dans de rares cas, une péritonite septique est observée, avec les signes cliniques qui en découlent : un inconfort abdominal, une palpation abdominale douloureuse, une hyperthermie, un signe du flot secondaire à la présence d’un épanchement, occasionnellement des troubles digestifs (vomissements, diarrhée, etc.), voire un état de choc compensé ou décompensé (tachycardie, abattement sévère ou décubitus, hyperthermie, etc.) [14]. Une adénomégalie périphérique est parfois palpée.
Conflit d’intérêts : Aucun
• Éternuements.
• Reverse sneezing.
• Jetage.
• Épistaxis.
• Stertor (bruit respiratoire caractérisé par des ronflements).
• Toux.
• Hémoptysie.
• Expectorations.
• Tachypnée.
• Dyspnée.
• Discordance.
• Tirage costal.
• Hyperthermie.
• Abattement.
• Dysorexie.
• Cyanose.
• Choc.
- Dorsalgie.
- Inconfort abdominal.
- Hyperthermie.
- Abattement.
- Dysorexie.
- Sinus de drainage.
- Gonflement ou masse.
- Signe du flot.
- Parésie, ataxie ou paraplégie.
- Choc.
Les signes cliniques associés à la migration de corps étrangers végétaux de type épillet varient tant en intensité qu’en durée. Selon les lésions provoquées, des signes frustes et peu spécifiques apparaissent. Certains sont plus évocateurs, comme les sinus de drainage qui orientent davantage le praticien vers une suspicion de corps étranger migrant. Des examens complémentaires, notamment d’imagerie, sont par conséquent nécessaires pour la recherche et l’identification de l’élément en cause.