CHIRURGIE
Urologie
Auteur(s) : Chloé Touzet*, Véronique Livet**, Aurélie Bruwier***, Thibaut Cachon****
Fonctions :
*CHV Frégis
43, avenue Aristide Briand
94110 Arcueil
**(Ipsav, dipl. ECVS3)
Lumbry Park Veterinary
Specialists
Selborne Road, Alton
GU343HL Hampshire
(Royaume-Uni)
***CHV Pommery
226, boulevard Pommery
51100 Reims
****(dipl. ECVS)
VetAgro Sup
Campus vétérinaire de Lyon
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile
Les urétérocèles sont des malformations de l’abouchement urétéro-vésical. Lorsqu’une subobstruction urétérale est décelée, la prise en charge chirurgicale doit intervenir rapidement. En l’absence d’altération de la fonction rénale, le pronostic est bon.
Les urétérocèles correspondent à une dilatation de la portion distale d’un ou des deux uretères dont l’origine, bien que non déterminée, est prioritairement congénitale. Les urétérocèles orthotopiques, caractérisées par des uretères présentant un abouchement trigonal avec une dilatation distale intravésicale, sont distinguées des urétérocèles ectopiques, associées à des uretères ectopiques. Elles peuvent être asymptomatiques ou à l’origine d’une subobstruction souvent responsable d’infections ascendantes du tractus urinaire. Lorsque l’obstruction est marquée, un hydro-uretère et une hydronéphrose sont présents, à l’origine de lésions importantes du parenchyme rénal. Les signes cliniques les plus fréquents sont une pollakiurie, une strangurie, une dysurie ou une incontinence.
Un chiot épagneul de munster mâle, âgé de 2 mois, est présenté pour une distension abdominale majeure, une pollakiurie et une strangurie qui évoluent depuis la naissance, sans répercussion sur son état général (appétit et dynamisme normaux). La palpation de l’abdomen est douloureuse et révèle une néphromégalie bilatérale majeure. L’examen des urines met en évidence une isosthénurie (densité de 1,009), sans signe associé d’infection urinaire. Le reste de l’examen clinique ne montre pas d’autre anomalie.
Les hypothèses diagnostiques privilégiées sont une hydronéphrose secondaire à une obstruction urétrale ou urétérale bilatérale, ou une néphropathie d’origine congénitale (polykystose rénale). Un processus néoplasique reste peu probable étant donné le jeune âge de l’animal. Les origines inflammatoires et infectieuses et les affections de surcharge ne sont pas incluses dans les hypothèses prioritaires compte tenu de la sévérité de la néphromégalie.
Une échographie abdominale révèle deux structures à l’aspect kystique qui font protrusion dans la lumière vésicale, délimitées par une fine paroi hyperéchogène et au contenu liquidien anéchogène. Elles sont situées en regard du site d’abouchement des uretères, en continuité avec leur lumière, et sont compatibles avec deux urétérocèles orthotopiques (photos 1a et 1b). Ces dernières sont associées à deux hydro-uretères majeurs, dont le site d’abouchement vésical présente une localisation normale (photo 1c). Les reins sont de taille sévèrement augmentée (12 et 11 cm de long) et les cavités pyéliques apparaissent très dilatées, de même que les récessus des bassinets (jusqu’à 9 cm en coupe transverse). Le parenchyme rénal est limité à une fine bande périphérique hyperéchogène (photo 2). Un discret épanchement rétropéritonéal anéchogène est présent, avec des graisses rétropéritonéales légèrement hyperéchogènes.
L’examen biochimique sanguin ne révèle aucune anomalie, en particulier pas d’azotémie (tableau).
Une laparotomie xypho-pubienne et une cystotomie ventrale mettent en évidence les deux urétérocèles (photo 3a).Les reins présentent une taille fortement augmentée, avec un parenchyme à l’épaisseur diminuée (photo 3b). Les uretères sont cathétérisés à l’aide de sondes thermosensibles puis leurs portions intramurales dilatées, qui constituent les urétérocèles, sont tour à tour incisées et réséquées (photos 3c et 3d). Les uretères sont ensuite abouchés à la vessie via une suture de la muqueuse urétérale à la muqueuse vésicale, par des points simples avec un monofilament résorbable de décimale 0,7 (PDS 6-0) (photos 3e et 3f). Une sonde urétrale est mise en place avant la fermeture de la plaie de cystotomie par un surjet simple apposant avec du monofilament résorbable de décimale 1,5 (PDS 4-0). Elle permet de quantifier avec précision la diurèse, afin de surveiller une potentielle obstruction bilatérale des sites d’abouchement urétéraux par une inflammation et un œdème, mais aussi d’adapter la fluidothérapie postopératoire à un effet de levée d’obstruction sur la diurèse.
La bonne étanchéité de la vessie est vérifiée, des rinçages de la cavité abdominale sont réalisés, puis celle-ci est suturée plan par plan. Le reste de la laparotomie exploratrice ne présente rien d’anormal.
En l’absence d’infection du tractus urinaire préalable et de faute d’asepsie au cours de l’intervention chirurgicale, aucune antibiothérapie n’est administrée en phase postopératoire. Une analgésie à base de méthadone (à la dose de 0,1 à 0,3 mg/kg toutes les quatre heures) est mise en place durant l’opération et poursuivie pendant les vingt-quatre heures qui suivent, tout en l’adaptant à la douleur ressentie par l’animal (score évalué selon la grille 4AVet). Un relais per os avec du tramadol est prescrit à la sortie d’hospitalisation.
La diurèse postopératoire est importante (13 ml/kg/heure), ce qui est compatible avec la reperméabilisation des voies urinaires. Elle est mesurée à 7 ml/kg/h vingt-quatre heures après l’intervention. Les urines sont toujours isosthénuriques (densité de 1,011). Compte tenu de la diurèse satisfaisante, la sonde urétrale est retirée précocement (à vingt-quatre heures postopératoires) afin de limiter le risque d’infection rétrograde engendré par sa présence. Son principal rôle était de monitorer la diurèse et de détecter une potentielle obstruction des sites de néourétérocystostomie en période postopératoire immédiate.
Le chiot émet des mictions spontanées, permettant une sortie d’hospitalisation quarante-huit heures après l’acte chirurgical. Le traitement à base de tramadol est arrêté quarante-huit heures après la sortie par les propriétaires en l’absence de signe d’inconfort.
Un contrôle échographique montre une amélioration de la pyélectasie et des hydro-uretères dès le lendemain, ainsi qu’une amélioration progressive au fur et à mesure des contrôles, de 9 à 498 jours après l’opération (photo 4).
Peu de nouvelles de l’animal ont pu être obtenues par la suite. Entre-temps, il a présenté des épisodes répétés de malpropreté urinaire, associés à des infections du bas appareil urinaire irrégulièrement prises en charge.
Le contrôle effectué chez le vétérinaire traitant, un an et demi après l’intervention chirurgicale, fait état d’une faible évolution de l’aspect échographique des reins et des uretères, et d’une tendance à la hausse des paramètres biochimiques rénaux, qui restent toutefois dans les normes.
Bien que courantes chez l’homme, les urétérocèles sont rarement décrites chez le chien : une trentaine de cas seulement sont rapportés dans la littérature [3, 8]. Contrairement au cas du chiot présenté, elles sont majoritairement unilatérales. Lorsque la dilatation est discrète à modérée et n’engendre pas d’obstruction majeure, elles peuvent être asymptomatiques et persister jusqu’à l’âge adulte, faisant alors l’objet de découvertes fortuites [3, 8]. Les signes cliniques d’appel sont une pollakiurie, une strangurie, une incontinence urinaire - souvent associée à une ectopie urétérale, mais également présente dans les cas où l’abouchement est orthotopique - et une douleur abdominale [3, 6, 8]. Un phénomène obstructif est possible, comme dans le cas présenté, responsable d’une dilatation des structures en amont (uretères, bassinets rénaux). Des infections ascendantes du tractus urinaire sont des complications fréquemment associées [3].
Contrairement au chiot de ce cas, les urétérocèles sont majoritairement unilatérales et associées à une ectopie urétérale [3, 6, 9]. Les urétérocèles orthotopiques, plus rares, correspondent à une dilatation intravésicale de la partie distale de l’uretère, ce dernier s’abouchant à l’emplacement anatomique normal de la papille urétérale [7, 8]. L’abouchement urétéro-vésical est généralement sténotique. Un abouchement des deux uretères au sein d’une seule urétérocèle ou une duplication urétérale existent, mais sont rares [2, 4].
La caractérisation de l’urétérocèle et une évaluation complète de l’ensemble du système urinaire sont nécessaires pour choisir la technique chirurgicale adaptée. L’échographie est l’outil diagnostique le plus utilisé, même si sa sensibilité n’est pas optimale (67 %) [6]. Dans notre cas, l’abouchement orthotopique était bien visualisable. Toutefois, dans les cas d’ectopie notamment, une urétrographie rétrograde, un examen tomodensitométrique ou une cystoscopie s’imposent.
Lors d’abouchement orthotopique, une résection seule de l’urétérocèle est indiquée, ce qui a été réalisé chez ce chiot. Lorsqu’elle est associée à un uretère ectopique, une néourétérocystostomie est incontournable. Si les lésions sont trop avancées, une néphro-urétérectomie peut parfois se révéler nécessaire [5]. Récemment, un abord mini-invasif sous cystoscopie a été décrit, avec une résection de l’urétérocèle par laser [1, 6]. Cette technique plus rapide permet aussi l’ouverture d’un abouchement urétéral pour les uretères ectopiques intramuraux [6]. L’abord cystoscopique est urétral chez les femelles, et soit rétrograde (accès sous-cutané périnéal), soit antérograde chez les mâles. Dans cette étude, une conversion en laparotomie et en cystotomie a néanmoins été entreprise chez deux mâles, en raison de l’impossibilité de visualiser correctement l’abouchement urétéral.
Le pronostic est conditionné à la fonctionnalité rénale au moment du diagnostic. En l’absence d’altération de la fonction rénale, une prise en charge chirurgicale précoce des urétérocèles est associée à un très bon pronostic [3, 8]. L’étude de Rogatko et ses collaborateurs présente l’intérêt d’un suivi à long terme [6]. Elle montre une résolution des signes cliniques (pollakiurie et incontinence) quelques semaines après l’intervention, et une très nette régression des lésions échographiques, avec la possible persistance d’un hydro-uretère (un cas sur cinq) ou d’une pyélectasie (trois cas sur six), qui restent bien moins sévères qu’en phase préopératoire. C’est ce qui s’est produit dans notre cas. Cette étude ne rapporte pas de complications de la procédure à court ou à long terme.
La présence d’une urétérocèle est peu fréquemment associée à une azotémie : sur les treize cas décrits, deux étaient azotémiques en période préopératoire, et seul un animal l’est resté après l’intervention, avec une détérioration progressive.
L’absence d’atteinte fonctionnelle initiale semble constituer un facteur pronostique positif. Dans le cas présenté, la fonction rénale n’était pas altérée malgré les lésions morphologiques sévères, et elle est restée stable lors des contrôles ultérieurs, bien qu’une discrète augmentation de la créatininémie ait été notée, associée à des épisodes de malpropreté et d’infection du tractus urinaire. Dans ce contexte, des lésions rénales consécutives à des infections ascendantes (pyélonéphrite notamment) sont à considérer dans les causes de dégradation de la fonction rénale - en particulier lorsqu’une dilatation urétérale bilatérale persiste -, plutôt qu’une aggravation des lésions rénales préexistantes.
L’évolution clinique initiale du chiot s’est révélée satisfaisante, même si selon la volonté des propriétaires, aucun suivi biologique ou échographique n’a pu être réalisé à plus long terme.
Conflit d’intérêts : Aucun
• Une urétérocèle est une dilatation de la portion distale d’un uretère, prioritairement congénitale.
• Cliniquement, une pollakiurie, une strangurie, une incontinence et des infections urinaires sont observées. Toutefois, certains animaux restent asymptomatiques.
• Le plus souvent, les urétérocèles sont unilatérales et associées à une ectopie urétérale.
• L’intégralité du système urinaire doit être évalué afin de définir la technique chirurgicale appropriée.
• Des abords mini-invasifs par cystoscopie et ablation au laser sont associés à de très bons résultats.
• Dans la majorité des cas, lorsque la fonction rénale n’est pas altérée avant l’intervention chirurgicale, le pronostic est généralement très bon à excellent.
Les urétérocèles sont des malformations de l’abouchement urétéro-vésical qui peuvent occasionner, selon leur sévérité, une subobstruction urétérale, comme dans le cas de ce chiot. Une prise en charge chirurgicale doit alors être effectuée au plus vite pour prévenir l’installation de lésions rénales irréversibles dues à la subobstruction et aux surinfections associées. Des examens d’imagerie sont indispensables à la planification chirurgicale, afin de définir l’abord et la technique appropriés. Si l’échographie peut être suffisante lorsque l’abouchement est visualisable, comme dans ce cas, des examens d’imagerie avancée peuvent toutefois se révéler nécessaires, notamment lors d’ectopie urétérale concomitante.