MÉDECINE INTERNE
Thérapeutique
Auteur(s) : Antoine Lecomte*, Yassine Mallem**
Fonctions :
*Unité de pharmacologie
et toxicologie d’Oniris
101, route de Gachet
44300 Nantes
Fercobsang®, composé de fer, de vitamine B12, de cobalt et de niticotinamide, est couramment utilisé pour traiter l’anémie ferriprive chez les carnivores domestiques, mais les apports de ce médicament sont inférieurs aux doses préconisées.
Les hématies nécessitent une production continue, car leur durée de vie est limitée. Ce processus d’érythropoïèse est à l’origine d’une consommation de facteurs métaboliques, comme le fer et la vitamine B12. Fercobsang® est un médicament utilisé par voie orale chez les carnivores domestiques pour traiter et prévenir les carences en fer, en cobalt, en vitamine B12 et en vitamine PP (selon les données de l’autorisation de mise sur le marché).
Le fer est indispensable à la fois à l’érythropoïèse et au fonctionnement des hématies. L’anémie par carence en fer peut être secondaire à un défaut d’absorption, lors de carence alimentaire majeure ou de maladie héréditaire des transporteurs du fer, ou encore à des pertes sanguines chroniques (hémorragies notamment digestives, parasitisme extrême). Initialement, une microcytose isolée est observée, puis elle évolue vers une anémie microcytaire, hypochrome, non régénérative [7]. En général, les données de l’hémogramme, du frottis sanguin et de l’anamnèse permettent d’établir son diagnostic (photo).
La confirmation de la carence en fer peut nécessiter l’exploration biologique du métabolisme du fer via la mesure de la sidérémie, de la capacité totale de fixation du fer (total iron binding capacity) et, éventuellement, de la ferritinémie. Le traitement des anémies par carence en fer nécessite l’administration de fer par voie orale [1].
L’anémie secondaire à une inflammation chronique ne constitue pas une indication à la complémentation, bien qu’un déficit en fer soit observé chez les animaux atteints. Il s’agit en effet d’une carence en fer fonctionnelle et non d’une carence vraie, puisque le fer est présent dans l’organisme en quantité adéquate, mais il est rendu non disponible pour l’érythropoïèse, car il est séquestré dans les macrophages sous l’effet de l’hepcidine.
La vitamine B12 est essentielle à l’érythropoïèse : lors de carence sévère en vitamine B12, la moelle osseuse hématopoïétique peut être dans l’incapacité de produire des globules rouges en quantité suffisante [2]. L’érythropoïèse est aussi perturbée et peut aboutir à la formation de précurseurs érythroïdes dysplasiques qualifiés de mégaloblastes. En médecine vétérinaire, ces deux conséquences d’une carence en vitamine B12 sont rarissimes et essentiellement décrites lors de malabsorption héréditaire chez des races prédisposées (schnauzer géant, border collie, beagle) et anecdotiquement chez le chat [7].
La complémentation en vitamine B12 est indiquée lors de toute carence avérée par un dosage spécifique, associée ou non à une anémie.
Le nicotinamide (ou vitamine PP) est un cofacteur d’oxydoréduction, impliqué dans le métabolisme des lipides, du glycogène et dans les chaînes respiratoires mitochondriales. Le cobalt est un oligoélément présent, entre autres, dans la vitamine B12. Il n’existe pas de données sur son intérêt pour le traitement des anémies chez les carnivores domestiques. La présence de ces molécules dans Fercobsang® n’est pas utile pour ces espèces, mais est probablement à relier à son utilisation chez les animaux d’élevage.
Pour traiter les anémies ferriprives, les doses quotidiennes préconisées en fer sont de 33 à 100 mg chez le chien et de 17 à 33 mg chez le chat (posologie extrapolée à partir des doses recommandées en sulfate de fer) [1]. La dose recommandée dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) de Fercobsang® est de 0,08 à 0,4 mg/kg par jour, quelle que soit l’espèce, ce qui est nettement inférieur.
De même, les doses de vitamine B12 communément utilisées pour traiter les hypocobalaminémies sont de 250 mg par jour pour un chien de 10 kg, 500 mg par jour pour un chien de 10 à 20 kg et 1 g par jour pour un chien de plus de 20 kg [5, 6]. Par comparaison, la dose recommandée dans le RCP de Fercobsang® permet un apport de 1 à 5 µg/kg de vitamine B12.
Afin d’atteindre les posologies recommandées dans la littérature pour traiter un chien de 10 kg souffrant d’une anémie ferriprive ou d’une carence en vitamine B12, il faudrait donc administrer 20 à 60 ml de produit pour le fer, ou 1 litre pour la vitamine B12. Ce n’est pas réalisable, d’autant plus qu’il existe un risque de toxicité, notamment lié à l’excipient (alcool benzylique) qui serait alors massivement surdosé.
À la lumière de ces considérations pharmacologiques, l’intérêt thérapeutique de Fercobsang® apparaît fortement limité.
L’utilisation orale exclusive du Fercobsang ® chez les carnivores domestiques et les faibles doses administrées permettent de limiter grandement les risques de toxicité. En effet, l’absorption du fer par voie orale est limitée et régulée par de nombreux mécanismes [3].
Concernant la vitamine B12 et le nicotinamide, il n’y a pas, à notre connaissance, de cas rapporté de surdosage ou de toxicité chez le chien et le chat [4]. En outre, si l’intoxication au cobalt est décrite chez le chien, elle n’est pas à redouter compte tenu de la concentration présente dans Fercobsang®.
Conflit d’intérêts : Aucun
Fercobsang® est un médicament composé de quatre principes actifs, dont deux (le fer et la vitamine B12) ont un intérêt démontré dans le traitement de certaines anémies chez les carnivores domestiques. Toutefois, compte tenu des concentrations présentes dans les produits, les posologies recommandées ne permettent pas d’atteindre des doses thérapeutiques, limitant fortement l’intérêt clinique curatif de ce médicament.