INFECTIONS URINAIRES RÉCIDIVANTES CHEZ UN CHIEN - Le Point Vétérinaire n° 425 du 01/01/2022
Le Point Vétérinaire n° 425 du 01/01/2022

REPRODUCTION

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Paul Rafaël*, Patrick Lecoindre**

Fonctions :
*OnlyVet
7, rue Jean Zay
69800 Saint-Priest

PRÉSENTATION CLINIQUE

Un chien croisé braque âgé de 6 ans, non castré, est référé pour l’exploration d’une infection urinaire récurrente, associée à une strangurie et à une pollakiurie. Une amélioration a été constatée lors de chaque épisode grâce au traitement antibiotique.

À l’admission, le chien présente un bon état général. L’examen de l’appareil génital met en évidence l’absence de testicules palpables, ainsi qu’un pénis muni d’un prépuce “vulviforme”. Un hypospadias est également observé. Un scanner abdominal est alors réalisé, avec l’injection de produit de contraste par voie intraveineuse (photo 1). Une urographie rétrograde est ensuite effectuée (photo 2).

Qualité et description des images

→ Pour chacun des deux examens, l’animal est bien positionné et les images réalisées sont de bonne qualité. Le produit de contraste est correctement visualisé.

Les images du scanner montrent une cavité liquidienne, entourée d’une paroi perfusée, suivant le bord dorsal de l’urètre depuis la partie dorsale du sphincter vésical jusque dans la cavité pelvienne, en lieu et place d’un utérus. Par ailleurs, aucune prostate ni aucune gonade n’est visualisée. L’urographie rétrograde montre seulement une dilatation urétrale focale discrète, mais qui reste dans les limites de la normale.

Interprétation des images

→ Les images tomodensitométriques associées à l’examen clinique permettent de suspecter très fortement un cas d’hermaphrodisme vrai. Les animaux affectés présentant souvent de multiples anomalies congénitales, une fistule utéro-urétrale ou utéro-rectale avait été envisagée pour expliquer les infections urinaires récidivantes. L’urographie rétrograde permet donc d’écarter cette hypothèse.

Références

  • 1. Hare WC. Intersexuality in the dog. Can. Vet. J. 1976;17(1):7-15.
  • 2. Poth T, Breuer W, Walter B et coll. Disorders of se x development in the dog -adoption of a new nomenclature and reclassification of reported cases. Anim. Reprod. Sci. 2010;121(3-4):197-207.
  • 3. Sacks MK, Béraud R. Female pseudo-hermaphroditism with cloacal malformation and related anomalies in a dog. Can. Vet. J. 2012;53(10):1105-1108.

Conflit d’intérêts : Aucun

DISCUSSION

La seule mise en évidence d’un hermaphrodisme est une indication chirurgicale, car une transformation tumorale des gonades est très fréquente. Une laparotomie exploratrice a donc été réalisée, et a permis de retirer un utérus avec, au bout de ses deux cornes, des gonades évoquant macroscopiquement des testicules. Aucune récidive d’infection urinaire n’a été observée durant l’année qui a suivi l’intervention. L’hermaphrodisme est une affection rare dans l’espèce canine et sa classification moderne s’échelonne sur trois niveaux : les anomalies du sexe chromosomique (caryotypique), les anomalies du sexe gonadique (histologique) et celles du sexe phénotypique (macroscopique) [2, 3]. Compte tenu de l’absence d’impact quant au pronostic et au choix du traitement, le propriétaire n’a pas souhaité poursuivre les investigations : le caryotypage, la recherche du gène SRY et l’analyse histologique des gonades n’ont donc pas été entrepris, empêchant une meilleure indexation du cas. Pour conclure à un hermaphrodisme vrai, il est en effet nécessaire de mettre en évidence des tissus ovarien et testiculaire chez le même animal, ce qui n’a pas été possible. Ce cas est vraisemblablement un pseudohermaphrodisme mâle, comme 90 % des cas de pseudohermaphrodisme. Ce trouble du développement du système génital peut s’accompagner d’autres anomalies qui ont une incidence sur le système urinaire en raison de troubles au moment du développement embryonnaire. À notre connaissance, la corrélation entre l’hermaphrodisme et les infections urinaires n’avait encore jamais été mise en évidence chez un phénotype mâle. Un cas similaire avait cependant été décrit avec une fistule anogénitale chez un pseudohermaphrodite femelle [1].