NEUROLOGIE
Thérapeutique
Auteur(s) : Jean-Claude Desfontis*, Yassine Mallem**
Fonctions :
*Unité de pharmacologie
et toxicologie d’Oniris
101 route de Gachet
44300 Nantes
Le doxapram reste un analeptique respiratoire efficace dont l’usage doit être raisonné.
La respiration est une fonction physiologique vitale qui peut nécessiter une stimulation dans certaines circonstances. Bien que parcellaires, les connaissances sur la physiologie de la chémosensibilité et du mode d’action du doxapram permettent de mieux raisonner son usage.
L’activité respiratoire est contrôlée par une régulation nerveuse des teneurs en dioxygène, en dioxyde de carbone et du pH dans le sang circulant grâce à deux arcs réflexes complémentaires : le chémoréflexe central et le chémoréflexe périphérique.
Le chémoréflexe central est principalement impliqué dans la réponse à l’hypercapnie par l’acidose, générée selon l’équation de Henderson-Hasselbach (CO2 + H2O <-> H2CO3 <-> HCO3- + H+), dans les neurones des zones concernées par la chémosensibilité au niveau du tronc cérébral.
Le chémoréflexe périphérique est responsable de la majeure partie de la réponse à l’hypoxémie (à 90 %). Il contribue aussi, mais plus secondairement, à la réponse à l’hypercapnie/acidose sanguine au niveau du glomus carotidien, principale zone chémosensible périphérique [2, 3, 5, 10].
Le doxapram (Dopram®), commercialisé comme analeptique respiratoire depuis plus de 50 ans, a longtemps été considéré, à tort, comme un stimulant du système nerveux central chez les animaux domestiques [1, 4, 10]. Aux doses recommandées (0,2 à 2 mg/kg par voie intraveineuse), la majeure partie de l’effet ventilatoire du doxapram résulte en effet de son action sur le glomus carotidien. Des doses plus élevées (jusqu’à 10 mg/kg) stimulent la respiration par des mécanismes centraux avec une augmentation des pressions artérielles pulmonaire et systémique (activation orthosympathique), et des convulsions peuvent apparaître chez le chien et le chat à partir de 40 mg/kg [5].
Par ailleurs, contrairement à son indication initiale, le doxapram stimule bien la ventilation, mais ne modifie pas efficacement la pression partielle en dioxygène. Cela pourrait s’expliquer par une absence d’optimisation de l’hématose et/ou par l’augmentation des besoins en oxygène (majoration du travail musculaire respiratoire et cardiaque). Ainsi, le doxapram induit une alcalose respiratoire, avec une alcalémie [6].
L’effet du doxapram sur les chémocepteurs périphériques serait indépendant de la pression partielle en oxygène et en dioxyde de carbone. Toutefois, cette action semble réduite en cas d’hypoxie sévère (en dessous de 40 mmHg) en raison d’une réduction d’efficacité de l’arc réflexe de la chémosensibilité.
Le doxapram peut être utilisé pour relancer l’activité respiratoire chez les nouveau-nés sous plusieurs conditions, ou en sortie d’anesthésie sous oxygénothérapie (tableau).
Effectivement, si le doxapram active la ventilation, il n’est pas efficace pour augmenter le taux d’oxygène dans le sang. Ainsi, ce médicament ne doit pas être employé pour tenter d’antagoniser l’action des anesthésiques généraux, en fin d’anesthésie, comme cela a pu être proposé à une époque [7, 8, 9, 11].
Conflit d’intérêts : Aucun
Le doxapram reste une molécule active comme analeptique respiratoire, mais doit être utilisé dans des circonstances adéquates pour prévenir un échec thérapeutique, voire des effets indésirables circulatoires.