CYTOLOGIE
Quel est votre diagnostic ?
Auteur(s) : Delphine Rivière*, Typhaine Lavabre**
Fonctions :
*(CES hématologie et biochimie animales,
DU cytologie hématologique)
**(DipECVCP, CES hématologie et biochimie animales)
Laboratoire Inovie Vet
90 rue Nicolas Chedeville
34070 Montpellier
Une chienne grand gascon saintongeois âgée de 2,5 ans, vivant dans le Cantal depuis son acquisition (non vaccinée, dernier traitement antiparasitaire remontant à un mois), est présentée pour un abattement et une anorexie apparus quelques jours auparavant. L’examen clinique met en évidence un squamosis généralisé et de multiples croûtes sous lesquelles la peau est suintante, un épiphora jaunâtre bilatéral abondant, une polyadénomégalie marquée et une hyperthermie (39,4 °C). Ce tableau clinique évoque prioritairement une cause infectieuse et/ou inflammatoire.
Le propriétaire ne souhaitant pas d’examen complémentaire, un essai thérapeutique à base d’antibiotique (amoxicilline-acide clavulanique) et de corticoïde (prednisolone) est entrepris et permet une amélioration transitoire, avant qu’une rechute ne motive une seconde consultation. Cette fois-ci, une numération formule sanguine est réalisée et révèle une anémie modérée, microcytaire, faiblement régénérative. Les nœuds lymphatiques sont cytoponctionnés en prévision d’éventuelles recherches par réaction de polymérisation en chaîne (PCR) ou sérologie ciblée (photo 1).
Une chienne de saint-hubert âgée de 2,5 ans (sans antécédents médicaux, non vaccinée), née dans le Cantal et n’ayant jamais voyagé, est présentée pour une dermatose suintante, croûteuse, non prurigineuse avec un squamosis important. L’examen clinique met également en évidence un mauvais état général, avec une fonte des muscles crotaphytes, une polyadénomégalie marquée, sans hyperthermie. La numération formule sanguine révèle une anémie modérée microcytaire non régénérative. Les nœuds lymphatiques sont cytoponctionnés en vue d’examens complémentaires, le cas échéant (photo 2).
→ Les images montrent une population lymphoïde hétérogène compatible avec une ponction d’origine nodale, avec la présence de nombreux plasmocytes, macrophages et micro-organismes libres ou phagocytés.
→ La morphologie caractéristique des micro-organismes (noyau et kinéto plasme) permet de reconnaître des leishmanies, ici en très grand nombre, mêlées à la population lymphoïde.
Conflit d’intérêts : Aucun
“Le diagnostic différentiel d’une polyadénomégalie inclut des causes tumorales (hémopathies malignes, métastases) ou réactionnelles : infectieuses (à protozoaires, fongiques, bactériennes, parasitaires ou virales), ou non infectieuses (affection à médiation immune, réaction médicamenteuse, etc.). La cytologie permet d’orienter la recherche (cause tumorale versus réactionnelle) et peut se révéler diagnostique, comme dans les cas présentés où la visualisation de leishmanies a permis d’établir un diagnostic de certitude. En effet, le parasite possède une morphologie caractéristique. Cependant, un diagnostic ne peut être établi qu’à partir d’images typiques et clairement identifiables. Les macrophages sont souvent phagocytaires d’éléments de taille et de forme variables, à ne pas confondre avec des amastigotes. La charge parasitaire conditionne les chances de les identifier via la microscopie.
Actuellement, le département du Cantal n’est pas classé comme une zone endémique de leishmaniose [2, 5, 10]. Cependant, ces deux cas rappellent l’importance de ne pas exclure d’office l’hypothèse de telle ou telle maladie infectieuse sur la seule base de la géolocalisation. L’étude de l’anamnèse peut permettre de renforcer, a priori, la suspicion clinique, ou d’expliquer, a posteriori, l’émergence d’un cas. La question d’éventuels voyages doit systématiquement être posée. Le premier chien est resté sédentaire depuis son acquisition. Cependant, il est apparu que l’un des précédents propriétaires résidait dans l’Hérault, donc en zone endémique. Le second chien est né et a toujours vécu dans le Cantal. Mais sa mère (asymptomatique) avait été achetée dans le Gard, et présentait un test rapide positif pour la leishmaniose. Dès lors, il est possible d’envisager une transmission transplacentaire, rare mais déjà décrite dans des cas expérimentaux et d’infection naturelle [1, 8, 7].
Enfin, les études épidémiologiques rapportent une extension des zones endémiques, des microfoyers de cas, et d’autres, émergents, dans les zones initialement non endémiques [3, 4, 5, 6, 11]. Les cas importés peuvent par ailleurs constituer des réservoirs qui, combinés à la distribution géographique de plus en plus étendue des arthropodes vecteurs, accroissent le risque de transmission locale [5, 9].
Remerciements : les auteures remercient le docteur Alexis Ferrières pour son aimable transmission des données cliniques.