La reproduction en 10 étapes
Auteur(s) : Juliette Roos-Pichenot*, Emmanuel Topie**
Fonctions :
*(dipEcar)
Anirepro
26 rue de la République
76520 Boos
9 avenue Louis Breguet
78140 Vélizy
**(dipEcar)
Anirepro
226 boulevard Pommery
51100 Reims
1 rue Delasalle
59110 La Madeleine
La réussite d’une césarienne passe autant par la maîtrise de l’intervention que par la bonne prise en charge des nouveau-nés, auxquels des soins spécifiques doivent être prodigués.
L’étape précédente a décrit les différents types de césariennes et ce qui les différencie, avant de faire le point sur la prise en charge de l’anesthésie et de l’analgésie. Cette seconde partie sur la césarienne est consacrée à la réalisation de l’intervention chirurgicale et à la gestion des nouveau-nés avant leur départ de la clinique.
Pour réduire au minimum le temps opératoire, le praticien doit se tenir prêt, préalablement habillé et avec l’assistant muet installé, pendant la préparation de la chienne, afin de pouvoir commencer l’intervention le plus rapidement possible (encadré).
Après l’induction de l’anesthésie, la chienne est placée sur la table, le thorax légèrement surélevé pour soulager la fonction respiratoire. La zone d’incision est nettoyée et désinfectée comme pour une intervention classique, puis les draps chirurgicaux sont mis en place. Une incision sur la ligne blanche, d’une taille suffisante pour extraire l’utérus, est réalisée à la lame froide. Le tissu sous-cutané est rapidement disséqué et une hémostase sommaire est effectuée. La cavité abdominale est ouverte. Idéalement, l’utérus est délicatement extrait de la cavité abdominale et isolé à l’aide de compresses humides. Cette étape est parfois compliquée, voire impossible lorsqu’un fœtus est engagé dans la filière pelvienne. Lors de la césarienne, les compresses s’imbibent de liquide et sont parfois difficiles à repérer. Elles peuvent se coller à l’utérus et être réinsérées par mégarde dans la cavité abdominale. Il convient donc de veiller particulièrement à compter le nombre de compresses utilisées. Une solution alternative consiste à utiliser des compresses à laparotomie.
En maintenant l’utérus entre le pouce et l’index d’une main, une incision à la lame froide est effectuée sur le corps de l’organe ou à la base d’une corne, en veillant à ne toucher aucun fœtus. Cette incision est ensuite agrandie avec des ciseaux de Metzenbaum jusqu’à pouvoir extraire facilement un chiot ou un chaton, avec ou sans son placenta, qui sera confié de manière aseptique à un assistant chargé de la réanimation. Si besoin, deux pinces hémostatiques peuvent être mises en place sur le cordon ombilical. Ce dernier est ensuite coupé entre les deux pinces afin de prévenir tout saignement chez le nouveau-né et de garder également un lien avec le placenta. Le placenta est retiré si possible par une traction douce. Si cela n’est pas rapidement exécutable, il convient de passer au chiot ou chaton suivant. Les placentas pourront être retirés à la fin de l’intervention, en massant la zone d’insertion pour aider à leur décollement.
Les autres fœtus sont guidés par une pression externe sur l’utérus jusqu’à l’incision et sont extraits de manière similaire. Si cela se révèle impossible rapidement, une seconde incision est réalisée sur l’autre corne. Cependant, il convient de veiller à limiter les incisions en réfléchissant au site optimal pour sortir le maximum de fœtus par chacune d’elles. Une fois tous les chiots ou chatons retirés, il convient de vérifier l’utérus, en recherchant un fœtus restant ou des lésions. Cette vérification doit être méthodique, d’un ovaire jusqu’à la filière pelvienne, puis de la filière pelvienne vers le second ovaire. Il est également important de bien palper le vagin, voire de réaliser un toucher vaginal (par la vulve) pour s’assurer qu’aucun fœtus n’y est engagé. Si l’absence de fœtus est confirmée, l’injection d’un opioïde (morphine ou méthadone) peut être pratiquée.
L’utérus est ensuite suturé en surjet, en deux plans, le premier apposant et le second enfouissant, avec du fil monofilament (décimale 2) rapidement résorbable et une aiguille ronde. Il n’est pas nécessaire de pénétrer à travers la muqueuse. En outre, si le col est bien ouvert, une injection d’ocytocine est effectuée, à la dose de 0,15 UI/kg, sans dépasser 5 UI par animal. Lors de césarienne programmée, il est donc important de s’assurer de l’ouverture du col utérin, ce qui est le cas si la femelle présente des pertes vaginales. Cela permet une contraction immédiate de l’utérus, ce qui réduit les saignements des sites placentaires et favorise sa vidange.
En cas de contamination de l’abdomen, un rinçage est pratiqué avec des solutés chauffés à 37 °C. La plaie de laparotomie est ensuite suturée de manière classique. Un surjet intradermique est fortement recommandé afin de prévenir une déhiscence consécutive à l’activité des chiots ou des chatons dans cette zone.
La priorité de la césarienne est de sortir les chiots ou les chatons rapidement. Ainsi, la réalisation d’une ovariohystérectomie “au bloc” n’est pas conseillée. En effet, elle suppose que les petits soient ensuite extériorisés par les auxiliaires vétérinaires en moins de 60 secondes, ce qui représente un risque très important pour leur survie. Il est donc recommandé avant tout de sortir les petits. La décision de réaliser une ovariohystérectomie dépend alors principalement de l’état de l’utérus. Il n’existe pas de consensus sur l’intérêt de la réalisation de la stérilisation au moment de la césarienne. Si cela permet effectivement “d’économiser” une anesthésie et une intervention pour la chienne, le temps opératoire est augmenté et les risques hémorragiques sont plus importants.
Chaque nouveau-né doit faire l’objet d’une attention particulière jusqu’à ce que sa réanimation soit achevée. L’idéal est de disposer d’une personne par chiot ou chaton. La réanimation doit être effectuée sur une paillasse propre, protégée a minima par une alaise, et dans un environnement chaud. Des bouillottes peuvent, par exemple, être placées sous les alaises.
La première étape consiste à aspirer les premières sécrétions dans les voies respiratoires, de préférence à l’aide d’un mouche-bébé ou d’une poire, ou avec une seringue en dernier recours. Après cela, le petit peut être frictionné. Il est essentiel de ne jamais secouer le nouveau-né et de maintenir toujours correctement sa tête. De plus, si un clamp maintient le cordon ombilical, mieux vaut ne pas créer de traction sur l’ombilic pendant la réanimation. Au cours de la procédure, les sécrétions produites doivent être régulièrement aspirées [1, 5]. Si aucun nouveau-né ne respire après une durée importante, un point d’acupuncture peut être stimulé pour induire une inspiration : il s’agit d’un point présent sur le philtrum nasal qu’il est possible d’atteindre avec une aiguille de 25G placée sur la zone et enfoncée jusqu’à sentir l’os, puis tournée de 90 à 180° [5]. En outre, de l’oxygène en flow by ou au masque peut être apporté pendant la stimulation. Enfin, l’emploi de molécules telles que le doxapram, la naloxone, l’atropine ou l’épinéphrine ne doit être envisagé qu’en dernier recours, l’usage de certaines d’entre elles, notamment le doxapram, étant controversé chez les carnivores domestiques [5].
Une fois les nouveau-nés réanimés et bien toniques, il est important de les sécher et de les maintenir au chaud. Une ligature avec du fil non stérile est apposée sur le cordon ombilical en laissant une marge d’environ 1 cm par rapport à la paroi abdominale. Le cas échéant, ils peuvent ensuite être placés en couveuse, dont la température doit être réglée entre 28 et 30 °C. Lorsque l’étape de réanimation de la portée est terminée, il convient de vérifier sur chaque petit l’absence de malformation congénitale majeure, comme une fente palatine, une imperforation anale ou une anomalie de conformation des membres (photo 1). Les cordons peuvent ensuite être désinfectés.
L’évaluation de la vitalité immédiate des chiots peut être réalisée simplement grâce à l’utilisation du score d’Apgar adapté à l’espèce canine, dont le calcul repose sur différents critères (tableau) [4]. L’interprétation du test est la suivante : un score supérieur ou égal à 7 signe l’absence d’anomalie, un score compris entre 4 et 6 une détresse modérée, un score inférieur ou égal à 3 une détresse sévère. Cette évaluation peut être réalisée à 5 minutes de vie, puis à 30 minutes et à 1 ou 2 heures. Cela permet d’estimer l’urgence de la prise en charge, d’établir le pronostic de survie et d’identifier les nouveau-nés pour lesquels un nursing sera essentiel. Les réflexes doivent également être testés, comme la capacité à se remettre sur le ventre lorsque le petit est mis sur le dos, le réflexe de succion et la recherche de la chaleur dans la main.
Chez le chien, différents critères pronostiques de vitalité des nouveau-nés sont établis. Parmi eux, trois permettent d’identifier les individus les plus à risque : un score d’Apgar inférieur à 6 au cours des 8 premières heures de vie, une glycémie inférieure à 0,92 g/l à la naissance et un poids inférieur à la norme [2]. En 2019, Mugnier et ses collaborateurs ont mis au point des tables de poids de naissance standard pour un grand nombre de races, qui offrent de bons points de repère [3].
Une fois l’intervention chirurgicale terminée, les chiots doivent être mis à la tétée afin que chacun d’eux ait ingéré du colostrum avant son départ de la clinique (photo 2). Chez les chatons, la mise à la tétée nécessite de tester au préalable les groupes sanguins, en raison d’un risque d’isoérythrolyse néonatale si la mère est de groupe B ou inconnu(1)
La tétée peut alors commencer, sous surveillance et sous assistance d’une personne compétente, pendant le réveil de la mère. Si celle-ci se réveille trop rapidement, il est impératif de la maintenir calme le temps que les chiots tètent. Dans le cas particulier d’un éleveur chevronné et capable de gérer la première tétée, une sortie plus rapide des chiots de l’environnement médical est envisageable, voire bénéfique. La première tétée doit avoir lieu au cours des quatre heures qui suivent la naissance, le plus rapidement possible étant le mieux pour la qualité du transfert d’immunité passive. Une fois la tétée terminée, la miction et la défécation devront être stimulées par un massage délicat des zones anales et génitales si la mère ne le fait pas elle-même immédiatement.
La prise de contact de la chienne ou de la chatte avec ses petits doit avoir lieu lorsqu’elle est bien réveillée, au calme et dans un contexte non stressant, donc pas au sein de la structure vétérinaire, mais plutôt à la maison en présence des propriétaires. En effet, il s’agit d’un moment stressant pour la mère qui peut mener à des troubles du comportement maternel (cannibalisme) dont le vétérinaire serait responsable s’ils survenaient à la clinique.
La femelle peut sortir dès qu’elle est réveillée, se déplace facilement et que toutes les constantes sont dans les normes. Plus la mère et la portée quittent la clinique rapidement, moins le risque septique pour les nouveau-nés est élevé et plus vite la rencontre peut avoir lieu. Si l’évaluation clinique ne permet pas la sortie de la mère, il est alors possible soit de garder les chiots ou chatons et de les faire téter toutes les deux heures, sous un contrôle strict de l’équipe et sans jamais laisser la mère seule dans une cage avec les petits, soit de laisser rentrer la portée qui devra être biberonnée en attendant que la mère puisse sortir. Avant de laisser partir la mère et ses petits, il est important de préciser au propriétaire que l’observation d’un écoulement vulvaire, appelé lochies, est fréquente après une césarienne tout comme après une mise bas naturelle. Les pertes peuvent durer jusqu’à quatre semaines, mais doivent diminuer en quantité au fil du temps. Ces lochies ne doivent pas être purulentes ni dégager une odeur nauséabonde, ce qui justifierait une consultation de contrôle en urgence.
Pour favoriser la clairance utérine, un traitement à base de Wombyl PA peut être prescrit en respectant les doses indiquées par le laboratoire et en ne dépassant pas trois jours.
(1) Voir l’étape 6 : « Prendre en charge une gestation chez la chatte », Point Vét. n° 434, octobre 2022.
Conflit d’intérêts : Aucun
• Le matériel chirurgical et de réanimation doit être prêt avant le début de la césarienne pour réduire au minimum le temps opératoire.
• En cas d’ovariohystérectomie, les nouveau-nés doivent d’abord être extraits avant de commencer leur réanimation.
• Les nouveau-nés doivent être réanimés puis mis à la tétée de préférence avant leur départ de la clinique.
• La présentation mère-chiots ne doit pas être effectuée par l’équipe soignante. La mère et ses nouveau-nés devront quitter la clinique le plus tôt possible.
• Les chatons du groupe sanguin A nés d’une chatte du groupe B doivent être séparés de leur mère pour ne pas boire de colostrum durant les 24 premières heures de vie.
Le matériel indispensable à la réalisation d’une césarienne comprend :
– des champs de taille adaptée à l’animal ;
– des pinces à champs ;
– un bistouri avec une lame n° 10 ou 11 ;
– des ciseaux de Mayo et de Metzenbaum ;
– des pinces bout mousse et à dents de souris ;
– des porte-aiguilles ;
– des pinces hémostatiques, de taille petite à moyenne, pour les cordons ombilicaux ;
– des compresses classiques ou à laparotomie ;
– des fils de suture.
Le matériel facultatif inclut :
– un bistouri électrique ;
– des écarteurs de Farabeuf ;
– une sonde cannelée ;
– une cupule et du liquide de rinçage abdominal stérile.
La césarienne est un moment très délicat sous plusieurs aspects. Si l’acte chirurgical reste relativement simple, il convient d’y porter une attention toute particulière et de ne pas se précipiter, au risque de dégrader l’utérus. La gestion immédiate des nouveau-nés est ensuite essentielle puisqu’il s’agit d’une phase critique qui aura un impact sur les premiers mois de vie des chiots et des chatons. Elle doit donc être confiée à des auxiliaires formés et contrôlée par le vétérinaire en charge de la césarienne.