ANESTHÉSIE ET ANALGÉSIE
Dossier
Auteur(s) : Raphaëlle Laffitte
Fonctions : CHV Advetia
9 avenue Louis Breguet
78140 Vélizy-Villacoublay
La douleur provoquée par la gingivostomatite féline est parfois complexe à traiter, malgré un arsenal thérapeutique large. Une analgésie multimodale est nécessaire pour soulager les chats atteints.
La gingivostomatite chronique féline (GSCF) est une maladie fréquente et sévère chez le chat domestique. Sa prévalence varie entre 0,7 et 12 % et, bien que fréquemment rencontrée en pratique, sa prise en charge soulève de nombreuses interrogations [10]. Elle peut être très débilitante et impacter négativement la qualité de vie de l’animal. La douleur induite par l’inflammation massive de la cavité buccale est associée à une sensibilisation périphérique et centrale qui provoque des épisodes de douleur aiguë pouvant évoluer en douleur chronique réfractaire. De nombreux traitements sont disponibles, mais l’extraction subtotale à totale des dents atteintes permet, dans la majorité des cas, la réduction ou la résolution des signes de douleur à long terme [8, 16].
Pour les professionnels comme pour les propriétaires, la reconnaissance de la douleur buccale est difficile, car les chats masquent les signes d’inconfort oral. Une douleur chronique oro-buccale peut être révélée par des épisodes d’automutilation, une perte de poids, un changement dans le comportement alimentaire du chat ainsi qu’une diminution des interactions avec ses propriétaires [16, 18]. Il existe de nombreuses échelles d’évaluation de la douleur féline qui permettent au praticien ou au propriétaire de mieux évaluer la qualité de vie de l’animal. Cependant, ces scores ne sont pas toujours adaptés à la complexité de la douleur associée à la GSCF [5]. Dans ce contexte, l’évaluation de la douleur aiguë grâce à la feline grimace scale est parfois influencée par l’œdème et l’inflammation consécutifs à l’extraction dentaire [14, 24]. Pour la douleur chronique, les scores de douleur ne sont validés que pour le suivi des animaux atteints d’arthrose ostéo-articulaire, via le canine brief pain inventory (CPBI) ou le client-specific outcome measures (CSOM) [9]. À la maison, le propriétaire peut évaluer la qualité de vie de son animal grâce à l’échelle health-related quality of life (HRQoL), qui fournit des informations précieuses sur l’amélioration des conditions de vie du chat après la mise en place de traitements par le vétérinaire [9]. Récemment, une équipe de l’université de Montréal a filmé les comportements de chats hospitalisés durant les phases préopératoire et postopératoire immédiates et a identifié des mouvements spécifiques lors de douleur, comme une difficulté à la préhension de la nourriture sèche, une gêne et un prurit de la cavité buccale, etc. [20, 23].
La douleur aiguë, adaptative et protectrice, regroupe plusieurs composantes notamment nociceptive et inflammatoire [9]. La nociception est définie comme un stimulus nociceptif qui résulte en une perception de la douleur par le système nerveux central. La transduction est le premier étage du circuit nociceptif : le stimulus douloureux est converti en signal électrique par un nocicepteur périphérique, c’est-à-dire un récepteur sensible à divers types de stimuli douloureux. Lors de GSCF, la transmission implique un influx provenant du site douloureux vers le nerf trijumeau afférent. À la suite du stimulus douloureux, plusieurs fibres nerveuses sont impliquées (A delta rapide, C lente). La modulation nociceptive concerne la transmission du signal entre ces fibres nerveuses et les neurones médullaires du nucleus caudalis (figure). C’est à la hauteur de cette synapse que des neuropeptides excitateurs (par exemple glutamate et substance P) interviennent en se fixant à leurs récepteurs. À cet endroit précis se trouvent également des récepteurs opioïdiques, sérotoninergiques et noradrénergiques provenant des circuits descendants du cortex, dévoués à la modulation (donc à la réduction) de la réponse douloureuse [3].
La douleur chronique, souvent une déviance pathologique et maladaptative de la douleur aiguë initiale, regroupe les composantes neuropathique et fonctionnelle [9]. La GSCF provoque une stimulation nociceptive marquée et durable. Elle génère une sensibilisation périphérique aussi appelée hyperalgésie. L’hyperalgésie primaire est liée au relargage intense, au niveau du site douloureux, de médiateurs inflammatoires (adénosine triphosphate, ions H+ et K+, prostaglandines, bradykinine, nerve growth factor, histamine et cytokines) par le tissu endommagé et les cellules inflammatoires [22]. Ce phénomène entretient la sensibilisation des terminaisons neuronales périphériques. La sensibilité tissulaire peut atteindre les tissus sains et provoquer une hyperalgésie secondaire. À ce stade, un stimulus anodin peut induire de la douleur, un phénomène appelé allodynie [3]. Lorsque la sensibilisation périphérique n’est pas prise en charge, un groupe de neurones du nucleus caudalis augmente la fréquence et l’intensité du signal douloureux et produit une sensibilisation centrale, aussi appelée wind-up. Le neuropeptide glutamate est l’acteur principal de ce wind-up, par sa fixation sur les récepteurs synaptiques au N-méthyl-D-aspartate. Ces derniers sont une cible thérapeutique prioritaire lors de douleur chronique de la cavité buccale associée à la GSCF [3].
Le syndrome de douleur oro-faciale est un exemple concret d’hyperalgésie. Il peut concerner tous les chats et se rapproche de la névralgie postherpétique rencontrée en médecine humaine [17]. Cette douleur neuropathique se caractérise par un inconfort typiquement unilatéral, épisodique et ciblé lors de mouvements de la cavité buccale. Les chats de race birmane semblent prédisposés au syndrome de douleur oro-faciale. Les scientifiques suspectent un dysfonctionnement génétique de la sensibilité du ganglion trijumeau. Ce syndrome apparaît typiquement lors de l’éruption des dents définitives et induit un comportement d’automutilation sévère qui conduit parfois à l’euthanasie de l’animal.
Les thérapies médicamenteuses classiques, à base d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou d’opioïdes, sont souvent inefficaces et le recours aux traitements plus spécifiques des douleurs neuropathiques devient essentiel [8].
La prise en charge de la douleur peropératoire et postopératoire de manière “préemptive” (dérivé du mot anglais preemptive qui qualifie le caractère précoce du traitement antalgique, et non préventif comme erronément traduit par le passé) est essentielle chez les chats atteints de GSCF [3]. Ces animaux vivent en situation de peur, de stress et de souffrance importante, c’est pourquoi le vétérinaire doit optimiser l’anesthésie et l’analgésie pour l’évaluation et le traitement des lésions de cette affection [4, 21]. Il convient en particulier d’appliquer les principes généraux de la prise en charge de l’analgésie multimodale (encadré 1).
La stratégie qui consiste à gérer l’inflammation précocement et à faire barrière au wind-up est plus efficace que l’administration tardive de la même molécule, une fois le stimulus douloureux induit. Le timing de cette administration précoce dépend du produit utilisé, de la voie d’administration et du contexte. Un traitement peut être mis en place chez l’animal à domicile, avec des produits à pharmacocinétique lente (comme les gabapentinoïdes) ou avec des molécules plus rapides, par voie intraveineuse, juste avant l’induction de l’anesthésie. Cela limite la sensibilisation centrale et l’apparition de la douleur neuropathique qui représente un challenge dans cette prise en charge [3]. Les AINS (comme le méloxicam à la dose de 0,1 mg/kg per os), la gabapentine (à raison de 10 mg/kg per os trois fois par jour) en usage hors autorisation de mise sur le marché (AMM), et la prégabaline (à la posologie de 2 à 3 mg/kg per os deux fois par jour, hors AMM) sont autant de molécules qui peuvent être utilisées en période préopératoire (encadré 2). La prise alimentaire, lorsqu’elle persiste, est facilitée par l’apport de nourriture humide et améliore la qualité de vie de l’animal [4, 7].
Lors de l’intervention chirurgicale, l’analgésie est multimodale et intervient à différents étages du processus nociceptif. Les anesthésiques locaux, les opioïdes et les AINS ciblent la transduction du message nerveux et inhibent la sensibilisation périphérique [1, 2]. Les α2-agonistes et les anesthésiques locaux limitent la transmission du stimulus nociceptif en valorisant la capacité modulatrice descendante de l’organisme et en diminuant l’intensité des impulsions conductrices du message nerveux, respectivement. En outre, de nombreuses molécules inhibent la sensibilisation centrale (modulation), telles que les anesthésiques locaux, les α2-agonistes, les opioïdes, les antidépresseurs tricycliques, les antagonistes des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA), les AINS et les anticonvulsivants. De nouvelles thérapies médicamenteuses émergent et présentent un intérêt particulier dans la gestion de la douleur mixte associée à la GSCF, notamment les cannabinoïdes et les anticorps monoclonaux. Leur utilisation est récente et prometteuse [1, 2, 15].
Lors de la mise au point du protocole anesthésique, il est nécessaire d’opter pour une stratégie multimodale et adaptée à l’animal. Lorsque c’est possible, l’utilisation en prémédication d’un α2-agoniste associé à un opioïde de palier III est recommandée. La kétamine, par sa valence anti-NMDA, peut être administrée en coinduction et être prolongée ensuite, à débit constant (à raison de 1 à 2 mg/kg par voie intraveineuse, puis 0,3 mg/kg/h en constant rate infusion). Lorsqu’elles sont nécessaires, les perfusions continues permettent une administration au long cours d’analgésiques par voie systémique et une meilleure stabilisation antalgique.
La réalisation d’anesthésies locales ou régionales est essentielle avant l’acte chirurgical [2]. Les techniques concernant la cavité buccale nécessitent un équipement simple et peu onéreux, souvent disponible dans toute clinique vétérinaire, et sont relativement faciles à réaliser (tableau 1). Ces anesthésies loco-régionales s’inscrivent dans une démarche d’anesthésie multimodale, par la réduction des doses d’anesthésiques systémiques et la diminution de la fréquence d’apparition des effets secondaires inhérents à l’usage de certaines molécules. Leurs durées d’action permettent aussi d’induire une analgésie postopératoire et d’assurer un meilleur confort à l’animal durant l’hospitalisation [11, 14].
Une infection ou une inflammation sévère en regard du site d’injection doit être considérée comme une contre-indication à la réalisation du bloc anesthésique. Elle augmente en effet le risque d’inoculation bactérienne dans les tissus profonds, même s’il faut considérer qu’ils sont fréquemment déjà infectés en profondeur.
Bien que rares, des complications peuvent survenir lors de la réalisation de l’anesthésie loco-régionale. Pour minimiser le risque d’effets indésirables, une bonne connaissance de l’anatomie du crâne est nécessaire. Les injections intravasculaires accidentelles peuvent être facilement évitées en aspirant avant toute injection. Chez les races brachycéphales (chats et chiens), une attention particulière doit être accordée à la réalisation du bloc infra-orbitaire (risque de lésions oculaires dû à la disproportion de la taille des globes). Une injection au sein d’une structure nerveuse ou une trop forte pression émise lors de l’injection en regard des structures nerveuses, notamment pour les anesthésies locales ou régionales réalisées au sein d’un canal, peuvent engendrer des effets indésirables comme des névromes ou un syndrome de Claude Bernard-Horner. Ces effets secondaires peuvent être évités en respectant les règles de bonne pratique, avec une aspiration négative et l’absence de résistance lors de l’injection de l’anesthésique local [2].
Comme les anesthésiques locaux possèdent des délais et une durée d’action différents, il peut être intéressant durant l’hospitalisation, pour faciliter la transition entre les phases chirurgicale et postopératoire, de procéder au mélange des deux anesthésiques les plus courants : la lidocaïne et la bupivacaïne (tableau 2). La dose utilisée est de 1 mg/kg de lidocaïne pour 2 mg/kg de bupivacaïne, ce qui correspond à 0,2 ml de lidocaïne mélangé à 0,8 ml de bupivacaïne pour un chat de 4 kg (usage hors AMM). D’autres anesthésiques locaux peuvent également être administrés (articaïne, ropivacaïne), mais ils ne disposent pas d’une AMM pour cette application. Certains anesthésiques locaux peuvent être complémentés en adrénaline (1/100 000 ou 1/200 000). Ils permettent une vasoconstriction locale et une absorption plus lente de l’anesthésique local, prolongeant la durée du bloc (emploi hors AMM).
La surveillance anesthésique est essentielle pour s’assurer de l’absence de sensation douloureuse. Dans les conditions d’un sommeil artificiel, cette sensation peut se manifester par une hausse des paramètres cardio-vasculaires (fréquence cardiaque, pression artérielle) ou de la fréquence respiratoire, voire une reprise (partielle) de l’état de vigilance. En cas d’augmentation notable (au-delà de 20 %), il convient de différencier la profondeur de l’anesthésie et le statut cardio-vasculaire d’une part, et la douleur de l’autre. Cela permet de réaliser les bons choix thérapeutiques (ajout de bolus d’analgésie, de perfusion continue, réalisation de nouvelles anesthésies locales ou régionales, etc.).
Le réveil doit être progressif pour limiter l’état de stress de l’animal, et sans douleur. Selon la durée de l’anesthésie et les molécules utilisées, les premières phases du réveil doivent être attentivement surveillées, jusqu’à l’extubation de l’animal (environ dix minutes). S’il reste léthargique au-delà de ce temps, il est possible d’antagoniser partiellement certains agents de prémédication (par exemple les α2-agonistes) pour obtenir une reprise de conscience. Dans ce cas, il est préférable de procéder par paliers et d’antagoniser seulement une partie de la dose utilisée en prémédication (par exemple un tiers), par voie intramusculaire profonde. Cette précaution permet de prévenir le risque d’induire un réveil dysphorique ou douloureux.
Par ailleurs, il est possible d’observer une situation contraire : chez certains chats anxieux ou stressés, une dysphorie de réveil abrupte peut avoir lieu. Il est alors nécessaire de la neutraliser rapidement par l’injection intraveineuse de microdoses d’α2-agonistes (1 µg/kg de dexmédétomidine). Certains médicaments (gabapentinoïdes en sirop, mirtazapine orale, etc.) peuvent même être administrés via une sonde œsophagienne en fin d’anesthésie pour éviter la voie orale chez un chat vigil, donc peu coopératif en raison de la douleur.
Durant l’hospitalisation, le confort du chat atteint de GSCF doit être suivi régulièrement. Une prise en charge correcte de la douleur durant le temps chirurgical assure une transition souple et permet une reprise de l’alimentation spontanée de manière plus rapide, diminuant aussi la durée de l’hospitalisation. L’analgésie postopératoire doit être à nouveau multimodale, puisque des douleurs aiguës et chroniques cohabitent chez les chats récemment opérés. La gestion non médicamenteuse de l’hospitalisation reste également essentielle (environnement calme sans facteurs de stress, limitation des manipulations du chat et de traitements par voie orale, provision de nourriture appétente et humide, etc.).
Les AINS sont indispensables pour limiter la sensibilisation périphérique et le processus inflammatoire associé. Leur utilisation peut être poursuivie à plus ou moins long terme (de quelques jours à plusieurs semaines) si l’état de l’animal le permet. En effet, la balance bénéfice-risque est en faveur de la gestion de l’inflammation. Des réserves sont parfois émises quant à leur emploi chez les chats présentant une maladie rénale chronique de stade supérieur à 2 selon la classification de l’International Renal Interest Society (Iris). Pour ces individus, il est bien entendu indispensable de monitorer les paramètres biochimiques rénaux (urée, créatinine et diméthylarginine symétrique). Lorsque la maladie rénale est stable et l’animal normalement hydraté, il convient d’utiliser les AINS, aux doses minimales efficaces, pour la prise en charge de l’inflammation associée aux extractions multiples [12, 13, 20].
L’utilisation d’opioïdes durant l’hospitalisation se révèle parfois nécessaire. Ils interviennent notamment sur la douleur nociceptive aiguë et, de manière moins efficace, sur la douleur neuropathique chronique. La morphine (hors AMM), la méthadone et la buprénorphine sont les principales molécules utilisées chez l’animal hospitalisé. Elles peuvent présenter des effets indésirables doses et individus dépendants chez le chat (dysphorie, euphorie, sédation, nausée, dépendance, etc.). La buprénorphine, entre 20 et 30 µg/kg par voie intraveineuse toutes les huit heures, semble être adaptée en hospitalisation lorsqu’elle fait partie d’un protocole mixte de thérapie antalgique. L’administration orale de buprénorphine n’est pas indiquée chez les chats opérés récemment, car elle renforce l’aversion de l’animal pour les traitements par voie orale et l’environnement buccal largement enflammé limite son absorption [19].
Pour limiter l’apparition et le développement d’une douleur neuropathique, il est intéressant d’utiliser des antiépileptiques. Ils peuvent être mis en place de manière préemptive et poursuivis à long terme après l’intervention chirurgicale, associés ou non à des AINS. La gabapentine (à la dose de 10 mg/kg per os deux à trois fois par jour) et la prégabaline (à raison de 2 à 3 mg/kg per os deux fois par jour) bloquent les canaux calciques présynaptiques au cœur de la corne dorsale de la moelle épinière [21]. Leur index thérapeutique très confortable rend leur utilisation de plus en plus fréquente, bien que ces molécules ne disposent pas d’AMM en médecine vétérinaire. La prégabaline chez le chat, à la posologie de 2 à 3 mg/kg per os deux fois par jour (ordonnance sécurisée obligatoire), est intéressante en raison de sa formulation orale liquide qui permet de traiter les animaux atteints de GSCF. Elle peut être employée à long terme, mais nécessite une période de sevrage lors de l’arrêt de la prise [9].
Les médicaments anti-NMDA, comme la kétamine et l’amantadine, peuvent être utilisés à court et moyen termes durant l’hospitalisation (à la dose de 0,15 à 0,3 mg/kg par heure pour la kétamine en perfusion continue) puis au retour à domicile (quelques semaines pour l’amantadine). La formulation de l’amantadine nécessite un reconditionnement en pharmacie pour son administration chez le chat, à la dose de 3 mg/kg per os deux fois par jour [1].
De nouveaux acteurs analgésiques apparaissent en médecine vétérinaire. Parmi eux, les anticorps monoclonaux anti- nerve growth factor montrent des effets prometteurs. Leur action dans la gestion de la douleur arthrosique chez le chat est désormais démontrée [1, 6]. Aucune étude clinique n’a encore été réalisée pour un usage chez les chats atteints de GSCF. En pratique, ils semblent améliorer significativement leur confort de vie, mais il est souhaitable d’attendre des résultats scientifiques solides avant d’y recourir hors AMM.
Les cannabinoïdes (cannabidiol ou CBD et apparentés) et leurs récepteurs sont largement exprimés au sein de la muqueuse orale féline, et même davantage chez le chat atteint de GSCF [15]. La présence de ces récepteurs au sein des tissus sains et leur surexpression dans les tissus enflammés suggèrent l’implication du système endo-cannabinoïde dans la pathogénie de la maladie même. Avec un rôle possible dans l’inflammation et la douleur causée par la GSCF, ce système endo-cannabinoïde semble être une cible thérapeutique potentielle pour les chats atteints de GSCF [15]. Le cadre législatif et thérapeutique du CBD et de ses dérivés est encore incertain et imprécis en France, ce qui limite pour le moment un usage plus large.
Conflit d’intérêts : Aucun
• Limiter la perception.
• Diminuer l’inflammation.
• Faire barrière au wind-up et à l’hyperesthésie.
• Faciliter la reprise de l’alimentation.
• Diminuer la durée d’hospitalisation.
• Améliorer le confort de vie de l’animal à long terme.
1) Analgésie préemptive
– anti-inflammatoires non stéroïdiens (par exemple le méloxicam à la dose de 0,1 mg/kg per os une fois par jour), antiépileptiques (comme la prégabaline à la posologie de 3 mg/kg per os deux fois par jour, hors AMM), anticorps monoclonaux anti-nerve growth factor (frunévetmab à raison de 2 mg/kg par voie sous-cutanée par mois, hors AMM), quelques jours à un mois avant l’intervention ;
– adaptations environnementales.
2) Analgésie peropératoire et postopératoire immédiate
– anti-inflammatoires non stéroïdiens, α2-agonistes (par exemple la dexmédétomidine à la dose de 2 à 5 µg/kg par voie intraveineuse ou intramusculaire), kétamine (à la posologie de 1 à 4 mg/kg par voie intraveineuse ou intramusculaire +/- constant rate infusion), opioïdes (comme la méthadone à raison de 0,1 à 0,3 mg/kg par voie intraveineuse ou intramusculaire toutes les quatre heures, ou la buprénorphine à la dose de 20 à 30 mg/kg par voie intraveineuse toutes les huit heures), anesthésies loco-régionales ;
– cryothérapie et soins de nursing.
3) Analgésie à long terme
– anti-inflammatoires non stéroïdiens, antihyperalgésiants (amantadine à la posologie de 2,5 mg/kg per os deux fois par jour, hors AMM), anticorps monoclonaux anti-nerve growth factor, antiépileptiques, cannabinoïdes (cannabidiol hors AMM, dose selon les préparations) nécessaires parfois plusieurs semaines après l’intervention ;
– soins de nursing.
Remerciements aux Drs Luca Zilberstein, pour la relecture attentive de cet article, et Philippe Hennet, pour les illustrations des blocs d’anesthésie loco-régionale.
La gingivostomatite chronique féline est une affection très invalidante pour l’animal. Elle provoque des douleurs aiguës et chroniques qui peuvent devenir difficiles à contrôler lorsque le circuit pathologique de la douleur se met en place. La prise en charge précoce de cette dernière permet de limiter sa chronicité et améliore notablement le confort de vie du chat : c’est l’analgésie préemptive. La pratique de l’analgésie multimodale est cruciale dans la prise en charge de ces animaux. Le vétérinaire dispose d’un vaste arsenal thérapeutique. De nombreuses molécules interviennent à différents étages du stimulus douloureux : les AINS et l’anesthésie loco-régionale limitent la sensibilisation périphérique, les α2-agonistes freinent la transduction du message nerveux, les opïoides et les antagonistes aux récepteurs NMDA réduisent la sensibilisation centrale. En outre, les nouveaux médicaments apparus sur le marché vétérinaire semblent prometteurs. L’administration de ces molécules doit être concomitante puisqu’elles agissent en synergie et permettent d’assurer un confort optimal au chat.