MÉDECINE DES NAC
Thérapeutique
Auteur(s) : Laëtitia Garbay*, Adeline Linsart**, Yassine Mallem***
Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire
Saint-Martin
Unité NAC
321 impasse des Champs
74350 Allonzier-la-Caille
**Unité de pharmacologie
et toxicologie d’Oniris
101 route de Gachet
44300 Nantes
Trois diurétiques sont utilisables chez les NAC : le furosémide, le torasémide et la spironolactone. Leurs posologies et indications diffèrent selon les espèces.
Il est souvent difficile de trouver facilement et rapidement des données fiables concernant la pharmacocinétique chez les nouveaux animaux de compagnie (NAC). Cet article fait le point sur les connaissances actuelles au sujet des trois principaux diurétiques utilisés en médecine vétérinaire pour traiter ces espèces.
Le furosémide et le torasémide sont classés comme des diurétiques de l’anse, ils bloquent le cotransporteur Na-K-2Cl. La spironolactone est un diurétique dit hyperkaliémant, qui inhibe le système rénine-angiotensine-aldostérone. Le résultat reste le même : une augmentation de la diurèse. Les posologies sont différentes selon les espèces (tableau).
La plupart des connaissances sur les nouveaux animaux de compagnie proviennent d’études expérimentales à visée humaine, réalisées notamment chez le lapin et le rat [4, 15, 16, 21, 24]. Le furosémide est alors indiqué chez ces espèces pour traiter les œdèmes pulmonaires, l’ascite, les insuffisances cardiaques congestives et l’hypertension [23]. Il aurait également un effet bronchodilatateur chez le cochon d’Inde et le rat, bien que le mécanisme d’action demeure encore inconnu [1, 7]. Des inhalations de furosémide sont d’ailleurs utilisées en prévention chez les patients humains asthmatiques [10]. Cette piste semble intéressante pour les troubles respiratoires chroniques des petits rongeurs, malgré une absence d’autorisation de mise sur le marché vétérinaire. Il convient néanmoins de veiller au risque d’une possible intoxication par léchage, le furosémide pouvant persister à la surface du poil de l’animal à la suite des inhalations.
L’utilisation du furosémide est controversée chez les reptiles et les poissons, car ces espèces ne possèdent pas d’anse de Henlé. Néanmoins, des études réalisées chez la tortue, la couleuvre, le pogona ou encore le poisson-chat ont prouvé un effet positif du médicament (photo) [8, 11, 13, 20]. Une action au niveau des tubules distaux et/ou de la jonction glomérulo-médullaire est supposée. A contrario, le furosémide s’est révélé inefficace chez un python atteint d’une insuffisance cardiaque congestive [18]. Chez les reptiles, il est donc essentiellement employé pour traiter les œdèmes et épanchements cœlomiques.
Le furosémide est indiqué chez les oiseaux pour le traitement des affections cardio-pulmonaires (épanchement péricardique, œdème pulmonaire) [12, 22]. Il a également été utilisé pour traiter des calculs obstructifs d’acide urique chez le faucon, ou pour gérer l’oligo-anurie en cas de maladie rénale chronique après la prise en charge de la déshydratation [23]. Les oiseaux sont particulièrement sensibles aux diurétiques et une utilisation sur le long terme peut mener à une hypokaliémie sévère à l’origine de troubles du rythme cardiaque [23]. Les loris et les loriquets semblent plus sensibles que les autres espèces d’oiseaux à cet effet [3].
Les études restent rares sur la spironolactone et le torasémide. Ce dernier n’est utilisé que depuis peu en médecine vétérinaire. Quelques études réalisées chez le lapin nouveau-né ou le rat permettent toutefois d’avoir une idée des posologies pour le torasémide et prouvent son efficacité [5, 6]. Chez le chien, cette molécule est réputée avoir une efficacité diurétique, et une biodisponibilité ainsi qu’une durée d’action supérieures à celles du furosémide [14]. Aucune donnée n’est en revanche disponible à ce sujet chez les NAC.
Concernant la spironolactone, deux études récentes menées chez le chinchilla et le perroquet gris du Gabon montrent aussi une efficacité et permettent d’établir des doses [17, 19]. Comme cette molécule ne génère pas d’hypokaliémie, son emploi chez les oiseaux pourrait être une solution alternative intéressante par rapport au furosémide.
Les diurétiques présentent une toxicité rénale et hépatique. Une nécrose du foie est d’ailleurs apparue chez des souris traitées au furosémide, mais elle a été observée après une unique administration à 400 mg/kg, soit presque cent fois la dose recommandée pour cette espèce [24].
Une ototoxicité du furosémide est décrite chez le cochon d’Inde, aggravée par l’association avec des aminoglycosides mais limitée lors d’une administration intraveineuse continue plutôt qu’en bolus [2, 23].
Les oiseaux traités avec le furosémide doivent bénéficier d’un électrocardiogramme pour vérifier les risques d’arythmie cardiaque générés par une hypokaliémie.
La molécule entraîne un défaut de calcification de la coquille des œufs, ainsi qu’une diminution de son épaisseur [9]. Les animaux reproducteurs, notamment les poules, doivent donc être l’objet d’une attention particulière. Malgré la nécessité de conserver une bonne hydratation chez l’animal, le recours à une fluidothérapie intraveineuse ou sous-cutanée n’est pas recommandé. Tout animal insuffisant rénal ou déshydraté présente, par définition, une contre-indication majeure à l’utilisation de diurétiques.
Aucun recul suffisant n’existe au sujet du suivi des paramètres rénaux ou de l’emploi en perfusion continue plutôt qu’en bolus. Ainsi, il est recommandé de se référer aux connaissances connues en médecine canine.
Une résistance à l’effet diurétique du furosémide chez des lapins présentant une hypoalbuminémie est rapportée, bien que le mécanisme demeure à ce jour inconnu [15].
Conflit d’intérêts : Aucun
Le furosémide est le diurétique le plus utilisé chez les nouveaux animaux de compagnie. Son usage reste donc le plus sûr puisqu’il existe un recul suffisant et des posologies spécifiques à chaque espèce. Les oiseaux étant très sensibles aux diurétiques de l’anse, la spironolactone peut être une solution alternative intéressante afin de minimiser les risques d’arythmie cardiaque.