ÉTAPE 3 : STÉRILISATION TEMPORAIRE ET DÉFINITIVE CHEZ LA CHIENNE - Le Point Vétérinaire n° 442 du 01/06/2023
Le Point Vétérinaire n° 442 du 01/06/2023

Pathologie de la reproduction en 10 étapes

Auteur(s) : Sylvie Chastant

Fonctions : NeoCare
ENV de Toulouse
23 chemin des Capelles
31300 Toulouse

Le vétérinaire accompagne le propriétaire dans son choix d’une stérilisation chirurgicale ou médicale, voire d’une absence de stérilisation, selon son mode de vie, celui de sa chienne et les risques à long terme pour la santé de l’animal.

La stérilisation des chiennes est un motif de consultation fréquent. Comme il s’agit d’un acte de convenance dont les effets sont définitifs, réalisé chez un animal a priori sain, le praticien devra choisir le moment optimal pour opérer, informer le propriétaire des conséquences à long terme de cet acte, mais aussi présenter les options médicales disponibles.

STÉRILISATION CHIRURGICALE

La première discussion autour de la stérilisation peut avoir lieu à l’occasion des consultations de vaccination, vers l’âge de 3 à 4 mois, afin de laisser un temps de réflexion au propriétaire.

1. Consultation préopératoire

Le conseil doit être personnalisé en tenant compte des risques associés à la race (tableau 1) [4, 10]. En effet, l’ablation des ovaires est associée à une augmentation du risque de surpoids, d’incontinence urinaire, mais aussi à une majoration du risque pour la femelle de présenter une tumeur (notamment un lymphosarcome ou un mastocytome), une affection orthopédique (rupture des ligaments croisés, dysplasie de la hanche et du coude), voire une affection dysimmunitaire [3, 4, 5, 10, 11, 14]. Certains de ces risques sont accentués chez certaines races ou selon l’âge auquel la stérilisation est pratiquée.

2. Choix de l’âge de stérilisation

Chez certaines races canines, l’âge auquel la stérilisation est réalisée module l’augmentation du risque tumoral ou orthopédique (tableau 1). Dans l’état actuel des connaissances, le risque de surpoids ou d’incontinence urinaire ne varie pas selon l’âge à la stérilisation. De façon générale, l’ovariectomie est à éviter avant l’âge de 5 mois pour prévenir les effets sur le comportement (risque d’abaissement du seuil de la douleur ou d’aversion pour le vétérinaire) et en raison de l’accroissement du risque anesthésique (en lien avec l’immaturité hépatique et rénale), même si la vitesse de récupération post­opératoire apparaît réduite [1]. Lors d’anomalie de conformation vulvaire ou lorsque la vulve juvénile est très enchâssée, les stérilisations prépubertaires font courir un risque de vaginite chronique à l’âge adulte. Elles peuvent également déstabiliser la cons­truction sociale de la chienne [13].

3. Examen préopératoire

Si l’option chirurgicale est retenue, la consultation préopératoire, réalisée dans un délai court avant l’intervention, permet de confirmer le choix du propriétaire, d’en rediscuter si besoin, d’évaluer le risque anesthésique et de vérifier l’absence de contre-indications transitoires qui pourraient conduire à repousser la date de l’opération (encadré). Si la chienne a été adoptée après l’âge de 3 mois et qu’aucune période d’œstrus n’a été observée, la présence des ovaires sera vérifiée par un dosage sanguin de l’hormone lutéini­sante (LH) dont la concentration est élevée chez les femelles stérilisées, ou de l’hormone antimüllérienne (AMH) dont la concentration est faible chez les femelles stérilisées [8].

4. Acte chirurgical

L’ovariectomie simple est la technique utilisée par défaut (photo 1). L’ovario­hystérectomie est indiquée dans les situations où le risque de pyomètre est accru, donc si la chienne est âgée de plus de 6 ans, si des progestagènes lui ont été administrés et/ou lors d’une intervention en phase de diœstrus. Dans d’autres pays, l’ovariohystérec­tomie est la technique standard. Des antécédents de gestation ou de mise bas ne justifient pas l’ablation de l’utérus dans la mesure où, dans l’espèce canine, la mise bas n’est pas associée à une augmentation du risque d’infection utérine (hors métrite au cours des premiers jours post-partum). Réalisée seule, l’hystérectomie permettrait la stérilisation au sens propre tout en évitant les conséquences de l’ablation des ovaires, avec une réduction notable des saignements œstraux. Néanmoins, elle n’élimine pas l’attraction des mâles, ne diminue pas le risque de tumeur mammaire maligne ni ne supprime le potentiel dévelop­pement d’une affection ovarienne. En outre, le risque de pyomètre du moignon utérin persiste si la section n’est pas réalisée dans la zone cervicale [6, 7].

L’abord de l’ovariectomie peut être effectué soit par la ligne blanche, soit par le creux du flanc (tableau 2).

De son côté, l’ovariohystérectomie ne peut être pratiquée que via un abord par la ligne blanche.

5. Suivi postopératoire

Au-delà du suivi à court terme de la plaie, la femelle qui a subi une ovariectomie doit bénéficier d’un suivi médical au moins annuel, à l’occasion des rappels vaccinaux par exemple, pour un dépistage précoce et, le cas échéant, une prise en charge des complications associées à l’ablation des gonades (lymphosarcome, mastocytome, hémangiosarcome, dysplasie de la hanche, du coude, hernie discale, surpoids, incontinence urinaire, affections auto-immunes) (photo 2).

STÉRILISATION MÉDICALE

1. Indications

L’option médicale est souvent ignorée du grand public. Elle est à proposer :

– lorsque le propriétaire n’exclut pas de mettre éventuellement sa chienne à la reproduction ;

– en cas d’augmentation du risque anesthésique ou chirurgical ;

– si le propriétaire refuse l’ablation des gonades, parce qu’il estime que les effets sur la santé sont trop importants ou qu’il est réticent à faire subir un acte chirurgical de convenance à son animal ;

– lorsque la chienne présente un trouble du comportement, l’option médicale permettant alors de tester les effets bénéfiques de la stérilisation.

2. Molécules

Il existe dans la pharmacopée vétérinaire deux classes de molécules qui possèdent l’indication de stérilisation temporaire : les progestagènes (acétate de médroxyprogestérone, acétate de mégestrol, proligestone) et un agoniste de la gonadotropin-releasing hormone ou gonadolibérine (GnRH), la desloréline. La mélatonine, utilisable chez la chatte, n’est pas efficace chez la chienne car l’espèce canine n’est pas une espèce “saisonnée”.

Les progestagènes

L’usage des progestagènes est à décourager en raison des effets indésirables fréquents (tumeurs mammaires, hyperplasie glandulokystique, pyomètre, diabète sucré, infertilité, absence de cyclicité). Il convient en outre d’éviter le surdosage (en pesant la chienne pour calculer précisément la dose requise), la répétition du traitement, et une administration pendant les chaleurs, des situations qui augmentent le risque de complications [12]. Les risques peuvent aussi être minimisés par l’emploi de formes orales en phase d’anœstrus, après la vérification de l’absence d’affection ovarienne et utérine, chez les chiennes jeunes adultes pubères de moins de 5 ans, sans répétition du traitement et avec une surveillance ultérieure adaptée de l’animal.

La desloréline

Même si la desloréline (sous la forme d’implant sous-cutané) ne possède une indication pour la stérilisation temporaire de la chienne que chez les femelles prépubères (entre 12 et 16 semaines d’âge), elle permet la stérilisation temporaire des chiennes à tout âge. Cependant, l’implantation prépubertaire ne provoque pas d’œstrus, alors que la mise en place chez une femelle pubère est susceptible de provoquer des chaleurs fertiles au cours de la semaine qui suit l’implantation. L’induction d’un œstrus est plus fréquente lorsque la chienne est en phase d’anœstrus, et d’autant plus si elle est en anœstrus tardif (quand les chaleurs suivantes sont proches). Il n’existe pas à l’heure actuelle de solution médicamenteuse pour éviter cette induction. L’implant peut être placé dans la région susombilicale (au cas où le propriétaire souhaiterait en interrompre l’effet) ou entre les deux scapulas (photo 3) [2]. La prévalence des complications est inconnue (kystes folliculaires à l’origine de chaleurs prolongées, pyomètre).

En première intention, un implant à 4,7 mg de desloréline est mis en place (Suprelorin®) pour bénéficier d’une durée de latence courte (six semaines, versus huit à douze pour l’implant chargé à 9,4 mg). Si les propriétaires souhaitent poursuivre la stérilisation médicale, le second implant peut être dosé à 9,4 mg et doit être mis en place cinq mois après la pose du premier (un mois avant la fin de la durée d’effet minimale), ce qui permet de prévenir l’induction d’un œstrus. Il n’est pas nécessaire de retirer l’implant.

Son prix élevé (en comparaison de l’option chirurgicale) doit être clairement signalé au propriétaire. Il convient également de lui préciser l’absence de maîtrise de la durée d’action de l’implant (souvent bien supérieure à six mois), ou même du délai entre le retrait de l’implant et la survenue des chaleurs, ce qui complique une mise à la reproduction ultérieure.

L’implantation prépubertaire reporte la puberté de l’âge de 13 à 36 mois. L’implantation postpubertaire inhibe l’apparition des chaleurs pendant quatorze mois en moyenne (entre deux et vingt-quatre mois) [9]. La fertilité ultérieure semble normale.

3. Complications

À l’instar de la stérilisation chirurgicale, la stérilisation médicale augmente le risque de surpoids et nécessite par conséquent une prise en charge nutritionnelle. Les effets indésirables des progestagènes sont fréquents et graves. Ceux de la desloréline sont principalement une induction de l’œstrus, lequel est éventuellement prolongé (kystes folliculaires pouvant conduire à une ovariohystérectomie) et, plus rarement, un pyomètre [9]. Comme les complications (tumorales, orthopédiques et auto-immunes) de l’ablation des ovaires sont actuellement attribuées à l’augmentation de la concentration sanguine en hormone lutéinisante, il est possible qu’elles n’apparaissent pas lors de stérilisation par la desloréline, qui supprime la sécrétion hypophysaire de LH [6]. Cette hypothèse est en cours d’explo­ration [7].

Références

  • 1. Aronsohn MG, Faggella AM. Surgical techniques for neutering 6- to 14-week-old kittens. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1993;202 (1):53-55.
  • 2. Chastant S. Induire des chaleurs fertiles chez la chienne et la chatte. Point Vét. 2022;(429):12-15.
  • 3. Chastant S, Raynal A, Balde E et coll. Stérilisation chirurgicale dans l’espèce canine : peser le pour et le contre. Méd. Chir. Anim. 2022;(1):23-29.
  • 4. Hart BL, Hart LA, Thigpen AP et coll. Assisting decision-making on age of neutering for 35 breeds of dogs: associated joint disorders, cancers, and urinary incontinence. Front. Vet. Sci. 2020;7:388.
  • 5. Hoffman JM, Creevy KE, Promislow DE. Reproductive capability is associated with lifespan and cause of death in companion dogs. PLoS One. 2013;8 (4):e61082.
  • 6. Kutzler MA. Possible relationship between long-term adverse health effects of gonad-removing surgical sterilization and luteinizing hormone in dogs. Animals (Basel). 2020;10 (4):599.
  • 7. Kutzler MA. Gonad-sparing surgical sterilization in dogs. Front. Vet. Sci. 2020;7:342.
  • 8. Lecomte A. Contrôle de stérilisation et infertilité : les dosages à réaliser. Point Vét. 2021;(413):16-20.
  • 9. Maenhoudt C, Santos NR, Fontaine E et coll. Results of GnRH agonist implants in oestrous induction and oestrous suppression in bitches and queens. Reprod. Domest. Anim. 2012;47 (Suppl 6):393-397.
  • 10. Pegram C, Brodbelt DC, Church DB et coll. Associations between neutering and early-onset urinary incontinence in UK bitches under primary veterinary care. J. Small Anim. Pract. 2019;60 (12):723-733.
  • 11. Pegram C, Raffan E, White E et coll. Frequency, breed predisposition and demographic risk factors for overweight status in dogs in the UK. J. Small Anim. Pract. 2021;62 (7):521-530.
  • 12. Romagnoli S, Concannon PW. Clinical use of progestins in bitches and queens: a review. In: Recent Advances in Small Animal Reproduction. International Veterinary Information Service (www.ivis.org). 2003.
  • 13. Scandurra A, Alterisio A, Di Cosmo A et coll. Ovariectomy impairs socio-cognitive functions in dogs. Animals (Basel). 2019;9 (2):58.
  • 14. Sundburg CR, Belanger JM, Bannasch DL et coll. Gonadectomy effects on the risk of immune disorders in the dog: a retrospective study. BMC Vet. Res. 2016;12 (1):278.

Conflit d’intérêts : Aucun

Encadré : CONTRE-INDICATIONS RELATIVES DE LA STÉRILISATION CHIRURGICALE CHEZ LA CHIENNE

Dans les situations listées ci-dessous, l’ovariectomie augmente certains risques pour la femelle, que le propriétaire peut néanmoins décider d’accepter :

– gestation avancée (plus de quarante-cinq jours) pour le risque cardio-vasculaire opératoire ;

– chaleurs, car même si le risque de mortalité peropératoire n’est pas augmenté, des considérations de médecine légale conduisent à déconseiller cette phase du cycle ;

– diœstrus pour le risque (rare) d’induction d’une lactation de pseudo-gestation ;

– trouble du comportement (notamment une phobie) qui risque de ne plus être corrigible, voire de s’aggraver après l’ovariectomie ;

– vaginite chez la chienne impubère ;

– surpoids (pour les mêmes raisons).

Il est classiquement recommandé de ne pas procéder à l’ablation des ovaires chez une chienne en phase de lactation de pseudo-gestation en raison d’un risque supposé de persistance de cette affection. Ce risque est déduit de la persistance de la lactation obtenue chez la vache après une ovariectomie, mais il n’est étayé par aucune publication relative à l’espèce canine.

Points clés

• L’utilisation des progestatifs est à réserver aux situations où aucune autre solution n’est possible. Le cas échéant, cette option doit impérativement être effectuée dans le respect de conditions précises.

• L’implant de desloréline, un agoniste de la gonadolibérine, constitue une méthode efficace de stérilisation temporaire, même si son usage est limité par l’induction initiale de chaleurs et par son prix.

• La consultation avant une stérilisation chirurgicale ne se limite pas à discuter du risque anesthésique, mais permet d’informer le propriétaire des possibles complications à long terme et lui permet de peser les avantages et les inconvénients de cet acte.

CONCLUSION

Une demande de stérilisation chez une chienne nécessite une discussion préalable avec la présentation des différentes options possibles, l’évaluation personnalisée des risques à court et long termes et, finalement, l’obtention du consentement éclairé du propriétaire. En cas de stérilisation chirurgicale, un suivi médical annuel est à conseiller pour une détection précoce des diverses affections dont le risque est augmenté, avec notamment un bilan sanguin, sachant qu’une modification des valeurs obtenues pour l’animal considéré est plus informative que la comparaison aux intervalles de référence.