CHIRURGIE DES OVINS
Pas à pas
Auteur(s) : Faten Bouaicha*, Bérangère Ravary-Plumioën**
Fonctions :
*Chuv animaux de production
École nationale vétérinaire d’Alfort
7 avenue du Général de Gaulle
94700 Maisons-Alfort
L’emploi d’un bélier vasectomisé en élevage ovin permet de lever l’anœstrus saisonnier des brebis et de synchroniser naturellement les agnelages.
La vasectomie est une technique chirurgicale qui consiste à sectionner les canaux déférentiels chez des mâles entiers et pubères [4]. Cet article présente les différentes étapes de la réalisation de la vasectomie avec ligature chez le bélier.
Ce moyen de stérilisation définitive permet de conserver le comportement sexuel du bélier (la libido) et d’obtenir des animaux dits “souffleurs” ou “boute-en-train”. La vasectomie trouve son intérêt dans la détection et la synchronisation des chaleurs des brebis via “l’effet mâle” [3]. Cette technique consiste à introduire un bélier dans un troupeau en contre-saison, lorsque les brebis ne présentent pas encore d’activité sexuelle. Ils sont laissés pendant quatorze jours avec les brebis avant d’être remplacés par les reproducteurs (mâles entiers). L’objectif est ainsi de déclencher les cycles chez les femelles tout en évitant que les mâles reproducteurs s’épuisent trop rapidement. Cela permet également de regrouper les mises bas. Il est recommandé d’utiliser un bélier vasectomisé pour cent brebis. L’effet mâle apparaît comme une solution alternative à l’utilisation des hormones pour la maîtrise de la reproduction, notamment pour la mise en place d’une insémination artificielle [1].
Afin de permettre un développement suffisant de la libido, il est recommandé de réaliser la vasectomie après 18 mois d’âge, la puberté des agneaux ayant lieu vers 5 à 7 mois. Les principales contre-indications sont l’existence d’une monorchidie ou d’une cryptorchidie et la présence d’infections vénériennes chez l’animal qui doit subir cette intervention [2, 3].
L’intervention dure en moyenne quinze minutes et peut se pratiquer soit sous anesthésie générale, soit sous anesthésie locale associée à une contention du mouton en position assise. L’anesthésie générale est réalisée après une mise à jeun de vingt-quatre heures. Le protocole anesthésique repose sur une sédation à la xylazine (à raison de 0,2 mg/kg par voie intramusculaire) associée à une induction à la kétamine (à la dose de 10 mg/kg par voie intramusculaire). L’anesthésie dure environ une heure.
Une injection unique d’antibiotique longue action à large spectre (benzylpénicilline et dihydrostreptomycine), combinée à l’injection d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (méloxicam), est pratiquée avant de débuter l’intervention chirurgicale. Éventuellement, un sérum antitétanique peut également être administré. Le matériel nécessaire à l’intervention est préparé (encadré). Le bélier est placé en décubitus dorsal avec les membres postérieurs tendus vers l’arrière (photo 1). Le site opératoire est tondu largement (face craniale des deux cordons testiculaires et scrotum) puis préparé chirurgicalement (photo 2).
Une anesthésie locale est réalisée par l’injection de 2 ml de lidocaïne à 2 %, ou de 4 ml de procaïne à 2 % dans chaque cordon testiculaire (photo 3).
Lors de l’utilisation de procaïne, il convient de patienter un peu plus longtemps avant que l’analgésie soit effective.
Le cordon testiculaire est palpé au travers de la peau du scrotum. Une incision cutanée de 4 cm de long est réalisée au niveau du tiers moyen de la face craniale du scrotum, au niveau du cordon testiculaire (photo 4).
Le cordon testiculaire couvert, c’est-à-dire encore recouvert de la fibro-séreuse, est chargé sur un clamp après une dilacération au doigt du fascia spermatique externe (photo 5).
La fibro-séreuse est incisée de la même façon que la peau pour laisser apparaître le cordon spermatique, reconnu à la forme sinusoïdale de la veine testiculaire (figure et photo 6).
Le canal déférent est situé médialement dans le cordon spermatique et se reconnaît à sa structure ferme, à l’aspect blanc nacré ou violacé selon les animaux. Il est alors isolé par une dissection mousse (photo 7). Le cordon testiculaire peut être remis en place, en ne gardant visible que le canal déférent.
Deux pinces sont placées sur le conduit, séparées de 3 à 4 cm de distance. Une ligature transfixante, réalisée à l’aide d’un fil résorbable monobrin de décimale fine (par exemple 1,5 à 2), est placée sur le conduit déférent à l’extérieur de chaque pince. La portion de canal située entre les deux pinces est ensuite réséquée (photos 8, 9 et 10).
Les extrémités du canal déférent sont réintroduites dans le cordon testiculaire. Seule la peau est ensuite suturée par des points simples avec un fil résorbable (photo 11). La plaie est nettoyée et recouverte d’un spray protecteur et cicatrisant.
La même technique est répétée pour l’autre canal déférent (photo 12).
L’animal opéré doit être maintenu au sec sur une litière propre pendant une semaine. Il est conseillé de ne pas le garder attaché pour limiter l’œdème postopératoire.
Le mâle qui a subi une vasectomie doit être identifié pour ne pas être confondu avec un mâle entier fertile par la suite. Bien que les spermatozoïdes restent présents jusqu’à vingt semaines, leur concentration et leur mobilité sont fortement diminuées après une semaine postopératoire.
Ainsi, il est recommandé de garder le bélier vasectomisé séparé des femelles pendant au moins trois semaines et de ne l’utiliser que comme un animal “souffleur”.
Une hémorragie peut avoir lieu en cas de lésion accidentelle des vaisseaux du cordon (artère ou veine testiculaire). Dans ce cas, le cordon testiculaire doit être replacé sans réaliser de ligatures, au risque d’aggraver les lésions, et un surjet étanche est alors effectué sur la peau. Un hématome va se former et le saignement devrait s’arrêter. Une contamination du cordon ou de ses enveloppes peut survenir en cas de défaut d’asepsie.
Les complications des vasectomies demeurent peu fréquentes et consistent en des atteintes locales (infection de plaie, abcès) ou générales (septicémie, tétanos) dues à un manque d’asepsie. Certains mâles vasectomisés peuvent se désintéresser des femelles après dix-huit mois à deux ans d’utilisation comme “souffleurs”. Ainsi, il est nécessaire que l’éleveur surveille le comportement des mâles vasectomisés et les remplace, le cas échéant.
Conflit d’intérêts : Aucun
– Une tondeuse.
– Des compresses.
– Une solution désinfectante.
– Une lame de bistouri n° 24.
– Une paire de ciseaux Mayo.
– Deux paires de clamps courbes.
– Un fil synthétique résorbable serti sur une aiguille à section triangulaire de décimale fine (1,5 à 2 par exemple) pour la ligature des canaux déférents, et d’une décimale un peu plus grosse pour la peau (3,5).
La vasectomie est une intervention chirurgicale simple, peu coûteuse et facilement réalisable sur le terrain. Elle permet l’utilisation des béliers pour la détection et la synchronisation des chaleurs des brebis. C’est une technique qui est néanmoins essentiellement pratiquée dans les régions à forte concentration d’élevages.