CHIRURGIE
Gastro-entérologie
Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**
Fonctions :
*Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq
**(dipECVS)
De nombreuses solutions sont possibles pour la réalimentation des animaux dysorexiques ou lorsque l’alimentation per os n’est pas souhaitable. Les sondes “low profile” sont particulièrement confortables et durables.
Une chienne de race cavalier king charles stérilisée, âgée de 4 ans, est présentée en consultation en raison de l’apparition de régurgitations depuis plusieurs mois, associées à une perte de poids majeure. La chienne a présenté un épisode de broncho-pneumonie six semaines auparavant, résolu grâce à un traitement antibiotique.
À l’admission, une importante maigreur est notée (score corporel de 2 sur 9). L’auscultation cardio-respiratoire ne révèle rien d’anormal. L’examen radiographique du thorax met en évidence un mégaœsophage. Un bilan sanguin montre une leucocytose neutrophilique modérée (22 000/mm3). Aucune anomalie n’est décelée à l’examen biochimique sanguin ni sur les résultats du ionogramme ou du dosage de la thyroxine totale (T4) et de la thyréostimuline (TSH). La recherche des anticorps anticholinergiques est négative. Un examen endoscopique permet la confirmation du mégaœsophage, sans sténose ou obstruction évidente ni signe d’œsophagite. Un mégaœsophage idiopathique est donc diagnostiqué.
Des mesures nutritionnelles adaptées sont mises en place : alimentation liquide, en hauteur, avec maintien d’une position verticale quinze minutes après le repas. Malgré toutes ces précautions, des régurgitations sont rapportées après chaque repas et la chienne continue de perdre du poids. Le pronostic fonctionnel étant mauvais, une solution de réalimentation durable est recherchée. La pose d’une sonde de gastrostomie de type “low profile” de 16 F et de 1 cm de long est décidée.
L’animal est positionné de trois quarts en décubitus latéral droit et l’abdomen est tondu largement du côté gauche. Une laparotomie xipho-ombilicale médiane est réalisée pour isoler l’estomac. Le site d’introduction de la sonde est choisi au niveau fundique. Une scarification de la séreuse et du péritoine ainsi qu’une suture en bourse au pourtour du trajet d’insertion de la sonde sont effectuées à ce niveau. Trois points de gastropexie incisionnelle sont réalisés autour du trajet de la sonde afin d’assurer un ancrage entre l’estomac et la paroi abdominale et de réduire la tension sur la sonde. Cette dernière est ensuite insérée au travers de la paroi abdominale, puis de la paroi gastrique, en poussant le mandrin qui l’étire (photo 1). Le mandrin est ensuite relâché et la sonde retrouve alors sa forme “en champignon”. La suture en bourse est serrée autour de la sonde et la zone de stomie est épiploïsée. La paroi abdominale est enfin suturée de manière conventionnelle sur la zone de laparotomie.
L’alimentation commence directement par la sonde de gastrostomie huit heures après l’intervention. La cicatrisation cutanée est surveillée et la collerette laissée en place en permanence durant les quinze jours postopératoires. La sonde est ensuite protégée par un body la journée et la collerette est uniquement laissée en place la nuit afin de ne pas risquer un retrait de la sonde par la chienne (photo 2). Un contrôle clinique est programmé tous les mois pour vérifier la propreté de la plaie de stomie, et juger de la nécessité de remplacer la sonde. Dix mois après l’intervention, la sonde est toujours fonctionnelle et n’a pas dû être changée.
L’alimentation de l’animal anorexique est une complication récurrente en médecine vétérinaire. Si l’anorexie est due à un manque d’appétit, il est possible de stimuler l’animal grâce à un changement d’alimentation et/ou à un traitement médical à base de mirtazapine ou de diazépam [2].
Le mégaœsophage peut être congénital ou acquis. À l’origine des mégaœsophages de type acquis, il existe des affections primaires (mégaœsophage idiopathique) ou secondaires à d’autres maladies (myasthenia gravis en premier lieu, neuropathies périphériques, causes endocriniennes comme l’hypothyroïdie et l’hypoadrénocorticisme, etc.) [1]. En l’absence d’une cause traitable, le pronostic de récupération d’une fonction œsophagienne normale est sombre.
Lorsque le traitement médical ne suffit pas ou que l’alimentation entérale n’est pas souhaitée, il est nécessaire de recourir à la mise en place d’une sonde d’alimentation. Une sonde naso-œsophagienne peut être posée facilement, souvent sans sédation. Elle est préférée pour une utilisation d’une durée de quelques jours à une semaine. Lorsqu’un délai plus long (quelques semaines à plusieurs mois) est envisagé, une sonde d’œsophagostomie est plus adaptée.
Lorsque, comme dans le cas présenté, l’œsophage ne doit pas être exposé à de la nourriture, il est possible d’utiliser une sonde de gastrostomie, qui est tolérée pendant de nombreux mois. Pour sa mise en place dans l’estomac, il existe des techniques assistées par endoscopie qui ne permettent cependant pas une fixation rapide de l’estomac à la paroi abdominale. De plus, elles nécessitent un accès via l’œsophage qui peut être difficile en cas de sténose [2].
Lorsqu’une alimentation par sonde à très long terme se révèle nécessaire, comme dans notre cas, une sonde de type “low profile” peut être positionnée. L’épaisseur de la sonde à placer est estimée à l’aide d’un examen échographique ou scanner. La mise en place par laparotomie permet la pexie simultanée de l’estomac à la paroi abdominale, ainsi que la réalisation d’une suture en bourse autour du site d’entrée de la sonde dans l’estomac.
Les modèles “low profile” présentent de nombreux avantages, notamment un confort d’utilisation pour le propriétaire et l’animal, la présence de valves antiretour dans la sonde, ainsi qu’une fréquence de remplacement de l’appareillage moindre par rapport à d’autres types de sonde [2]. De plus, il est souvent possible de se passer de collerette à demeure, un simple body protecteur étant souvent suffisant en présence des propriétaires.
Les complications consécutives à la pose d’une sonde de gastrostomie sont relativement rares. La plus grave est la fuite gastrique intra-abdominale sur le site de gastrostomie, entraînant une péritonite qui nécessite une reprise chirurgicale urgente.
L’alimentation apportée via la sonde peut être liquide ou molle dans le cas de sondes de plus gros diamètre. De nombreux aliments liquides sont disponibles sur le marché, certains étant même adaptés aux différents régimes (alimentation pour animaux insuffisants rénaux ou hépatiques, diabétiques, etc.) [1]. Idéalement, une alimentation riche en énergie est maintenue afin de limiter la quantité à administrer. Dans le cas de sondes d’un diamètre important, mixer des aliments plus classiques, en ajoutant le minimum d’eau nécessaire, permet de réduire les coûts.
Conflit d’intérêts : Aucun