BULLOTOMIE VENTRALE POUR LA PRISE EN CHARGE D’UN POLYPE AURICULAIRE CHEZ UN CHAT - Le Point Vétérinaire n° 446 du 01/10/2023
Le Point Vétérinaire n° 446 du 01/10/2023

CHIRURGIE

Chirurgie

Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**

Fonctions :
*(dipECVS)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq

Les polypes nasopharyngés sont fréquents chez le chat et une exérèse par traction est possible. Néanmoins, lorsque la bulle tympanique est envahie, son ouverture pour la réalisation d’un curetage diminue nettement le risque de récidive.

Un chat main coon mâle, âgé de 2 ans, est référé en consultation en raison de l’apparition depuis quelques jours d’un syndrome vestibulaire périphérique droit (ataxie vestibulaire, nystagmus horizontal et tête penchée à droite). Le chat a présenté par deux fois des symptômes d’otite externe droite au cours des six derniers mois.

PRÉSENTATION DU CAS

1. Examen clinique et démarche diagnostique

L’examen général de l’animal ne montre pas d’autre anomalie que le syndrome vestibulaire. Un examen otoscopique permet de déceler un nodule rosé qui fait protrusion dans le conduit auditif externe droit et empêche la visualisation du tympan. Un examen au scanner de la tête du chat confirme la présence d’une masse tissulaire fixant le produit de contraste qui envahit la bulle tympanique et la partie horizontale du conduit auditif externe droit. Les deux compartiments de la bulle tympanique sont comblés par un contenu liquidien en dehors du polype tissulaire (photo 1). L’examen au scanner des nœuds lymphatiques régionaux et du thorax ne révèle pas d’anomalie notable. Un polype auriculaire, avec envahissement de l’oreille moyenne, est suspecté.

2. Traitement

Une bullotomie ventrale droite est décidée. Le chat est anesthésié et un abord paramédian droit est réalisé après la palpation de la bulle, en préservant le nerf hypoglosse et l’artère linguale. La bulle est dépériostée grâce à un élévateur de périoste. Une ponction de la chambre hypotympanique de la bulle est effectuée à l’aide d’une broche de Kirschner de 1,5 mm en prenant garde de ne pas léser le promontoire en profondeur. L’ouverture est étendue en utilisant une pince gouge afin d’avoir accès au contenu de la bulle. Un contenu muqueux est aspiré. Du tissu polypoïde est cureté et récupéré pour une analyse histopathologique (photo 2). Le compartiment dorsolatéral (mésotympanique) de la bulle est pénétré de la même manière et le contenu récupéré à la curette. Une attention particulière est portée au retrait de l’entièreté de l’épithélium recouvrant la paroi osseuse. Un prélèvement pour une analyse bactériologique est réalisé. Les cavités de la bulle tympanique sont rincées à l’aide d’une solution physiologique stérile. La plaie est refermée en trois plans. Un examen otoscopique est pratiqué avant le réveil de l’animal afin de vérifier l’absence de tissu résiduel dans le conduit auditif externe.

3. Suivi

Le chat présente à son réveil une persistance du syndrome vestibulaire, ainsi qu’un syndrome de Claude Bernard-Horner droit (ptose palpébrale, énophtalmie, myosis et protrusion de la troisième paupière). Il est maintenu en hospitalisation pendant les 24 heures qui suivent afin de maîtriser la douleur et de surveiller l’apparition d’éventuels gonflements. Un suivi classique de la plaie est effectué. L’analyse bactériologique révèle la présence d’une bactérie de type Staphylococcus intermedius sensible à l’association amoxicilline-acide clavulanique. Le traitement antibiotique est poursuivi pendant trois semaines. Le contrôle, réalisé à quinze jours postopératoires, montre une régression du syndrome de Claude Bernard-Horner. La tête penchée persiste, mais l’ataxie est résolue. Les propriétaires rapportent une amélioration minime de ces symptômes trois mois plus tard. La qualité de vie du chat est cependant très correcte (alimentation autonome, déplacements et sauts dans la maison).

DISCUSSION

1. Signes cliniques et diagnostic

Les manifestations cliniques des polypes nasopharyngés chez le chat sont variées et dépendent de l’étendue de l’infiltration. Un polype présent dans le conduit auditif externe provoque souvent une otite externe récidivante en dépit des traitements. Lorsque le nasopharynx est infiltré, un cornage inspiratoire et/ou une gêne à la déglutition avec une dysorexie peuvent survenir. En outre, une symptomatologie uniquement neurologique est possible lors d’invasion de la bulle tympanique [1]. Un bilan lésionnel doit être effectué via l’imagerie pour connaître le nombre de polypes, leur localisation et les lésions secondaires associées (ostéomyélite, lyse osseuse, atteinte de l’oreille interne, etc.).

L’imagerie par résonance magnétique permet d’obtenir une bonne visualisation des tissus mous, de l’encéphale, ainsi que du liquide présent dans la bulle tympanique, alors que le scanner peut mettre en évidence une potentielle lyse osseuse [1].

2. Pronostic et traitement

La prise en charge médicale stricte d’un polype auriculaire ou nasopharyngé est rarement efficace [1]. L’exérèse par traction seule du polype est possible, mais le taux de récidives est alors important (57 %) [1]. Chez le chat, cette procédure associée à un curetage endoscopique transtympanique du compartiment dorsolatéral de la bulle tympanique et à l’instauration d’un traitement postopératoire à base de cortisone limite les récidives à 10 % [1]. Néanmoins, une intervention chirurgicale est recommandée en présence de troubles neurologiques qui nécessitent une décompression rapide ou lorsque le risque de récurrence semble élevé [1]. Le taux de récidives après le curetage de la bulle est relativement faible (5 %) [3]. Chez le chien, l’approche de la bulle tympanique est souvent réalisée par voie latérale (selon la procédure dite total ear canal ablation and lateral bulla osteotomy), l’otite moyenne étant fréquemment secondaire à une otite externe chronique [1]. Chez le chat, cette procédure est plus rarement indiquée, l’otite moyenne étant plutôt consécutive à une inflammation nasopharyngée. Le conduit auditif externe ne présente alors généralement pas d’anomalie [1]. La bullotomie ventrale peut être réalisée par une approche classique transcutanée ou par une technique récemment décrite via la cavité buccale au travers de la muqueuse pharyngée [2].

Les complications de la bullotomie ventrale sont en premier lieu l’apparition ou l’aggravation de signes neurologiques. Le syndrome vestibulaire peut devenir permanent, notamment lorsqu’il était déjà présent avant l’intervention. Un syndrome de Claude Bernard-Horner est fréquent en phase postopératoire (54 %), mais souvent réversible. Un gonflement au niveau des voies respiratoires supérieures, nécessitant une oxygénothérapie et susceptible d’entraîner la mort de l’animal, est décrit [3]. Lorsque l’affection est bilatérale, il est recommandé de procéder à une intervention en deux étapes, le taux de complications graves étant plus élevé lors d’une procédure bilatérale simultanée (30 % de complications respiratoires sévères versus 14 % lors de procédure en deux temps) [3].

Références

  • 1. Johnston SA, Tobias KM. Middle and inner ear. In: Veterinary Surgery: Small Animal, 2nd edition. Elsevier Saunders. 2018:2600p.
  • 2. Moissonnier PHM, Blondel M, Manou M et coll. Transoral ventral tympanic bulla osteotomy in cats: 13 cases (2016-2019). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2022;260 (8):892-898.
  • 3. Wainberg SH, Selmic LE, Haagsman AN et coll. Comparison of complications and outcome following unilateral, staged bilateral, and single-stage bilateral ventral bulla osteotomy in cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2019;255 (7):828-836.

Conflit d’intérêts : Aucun